Porsche, stratégie électrique, crise automobile, Allemagne : le constructeur de Stuttgart revoit en urgence sa feuille de route après l’effondrement de ses ventes et des marges, et confirme un retour renforcé aux moteurs thermiques pour limiter la casse.
Porsche, stratégie électrique, crise automobile, Allemagne : la volte‑face annoncée
Le fabricant de voitures de sport a annoncé une correction profonde de sa stratégie : arrivée d’un nouveau SUV à moteur thermique, report de plusieurs modèles électriques et maintien de véhicules à combustion jusqu’au milieu des années 2030. Ces décisions traduisent un constat simple pour la direction : un portefeuille exclusivement électrique mettrait l’entreprise en danger tant que la demande ne suit pas et que l’infrastructure de recharge reste insuffisante.
Il y a à peine un an et demi, Oliver Blume avait affiché une ambition très élevée pour l’électrification : le patron de Porsche et de Volkswagen visait selon ses propres mots à ce que « plus de 80 % » des véhicules vendus par Porsche soient électriques d’ici 2030. Il avait déclaré en mars 2024 : « Wir stehen zu unserer Strategie, der Hochlauf der Elektromobilität ist wichtig ». Face aux résultats récents, cette trajectoire est désormais jugée trop rapide et trop coûteuse.
La correction de cap n’est pas neutre financièrement : Porsche anticiperait un coût de restructuration qui s’élève à plus de 5 milliards d’euros sur les prochaines années. Ces dépenses interviennent alors que le bénéfice du constructeur a déjà chuté de plus des deux tiers et que le titre a dégringolé depuis son sommet de mai 2023, avec une baisse de plus de 65 %.
Coûts, marchés étrangers et impact sur l’organisation
La décision de revenir partiellement aux moteurs thermiques reflète plusieurs difficultés cumulées. D’abord, la demande pour les véhicules électriques n’a pas atteint le niveau nécessaire pour rentabiliser les chaînes de production spécialisées. Ensuite, Porsche souffre d’un recul sur le marché chinois, le premier marché automobile mondial, où un intense jeu de concurrence interne, souvent soutenu par des subventions, a réduit les parts de marché de nombreux constructeurs étrangers.
La politique commerciale des États‑Unis a également pesé : des droits de douane accrus ont érodé les marges potentielles pour un développement compensatoire du marché américain. Porsche a jugé qu’une usine américaine ne serait pas rentable au vu des volumes de production actuellement envisagés.
Au plan boursier et stratégique, la volte‑face a des effets immédiats : Porsche a été exclu du Dax et, à l’occasion du troisième anniversaire de son introduction en bourse, la promesse de rendements élevés faite aux investisseurs s’est largement effondrée. Alors que la direction avait vanté une « Road to 20 » visant des marges très élevées, le groupe vise désormais une marge opérationnelle maximale d’environ 2 % pour l’année en cours.
Sur le plan social et industriel, Porsche a déjà annoncé un premier plan d’économies en février, prévoyant la suppression d’environ 15 % des emplois. Les discussions pour un second plan d’économies doivent s’ouvrir dans les prochains jours, signe que l’entreprise cherche à réduire ses coûts fixes pour absorber le coût de la réorientation de sa stratégie produit.
La direction considère la manœuvre comme inévitable pour préserver l’existence même du constructeur, mais elle comporte des risques : si les régulateurs européens maintiennent un calendrier strict d’interdiction des moteurs thermiques à partir de 2035, la fenêtre pour retirer le bénéfice d’un tel retournement stratégique pourrait se refermer rapidement.