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À l’ouverture de la Fashion week à Paris, les mannequins grande taille dénoncent un recul de leur présence sur les podiums, signe d’un retour aux standards de beauté axés sur la minceur et d’un essoufflement de l’inclusivité.
À la Fashion week, le recul des mannequins grande taille
C’est le grand rendez‑vous du monde de la mode : la Fashion week commence lundi 29 septembre à Paris, où seront présentées les collections printemps‑été 2026. La question se pose d’emblée : la semaine confirmera‑t‑elle une tendance observée depuis deux saisons, celle du retour de la maigreur sur les podiums ?
Selon Vogue Business, la saison dernière 97,7 % des tenues présentées l’ont été dans de petites voire de toutes petites tailles, indiquant que les mannequins avec des formes, appelées aussi « plus size » ou mannequins grande taille, se font de plus en plus rares.
Témoignages d’agences et de mannequins : baisse des opportunités et effets sur les carrières
Aude Perceval, bookeuse depuis cinq ans à l’Agence Plus, première agence de mannequins grande taille à Paris, décrit un retournement de tendance après une période d’« inclusivité » :
« Un mannequin est considéré comme ‘plus size’ à partir de la taille 42. Ce qui est de toute façon très hypocrite puisque c’est la taille moyenne en France. Mais bon, c’est comme ça qu’est fait le marché », explique‑t‑elle.
Pour elle, la volonté d’inclure les grandes tailles « s’essouffle indéniablement » :
« Quand je suis arrivée vers 2019 dans ce département‑là, se souvient‑elle, c’était vraiment à la mode entre guillemets. C’était toute une mode de body positive, inclusivité aussi, de façon globale. »
Elle ajoute que ce recul est lié selon elle à « la grossophobie ambiante » et qu’il est douloureux pour l’agence et ses modèles de constater moins de missions malgré la qualité et la personnalité des mannequins représentés.
Récit sur le terrain : Doralyse Brumain
Rencontrée à Lille, la mannequin Doralyse Brumain confirme une baisse des opportunités et raconte des différences de traitement sur les tournages. Elle décrit des écarts dans le nombre de tenues attribuées et des pratiques humiliantes en casting :
« La manière dont on est traité comparé aux autres mannequins est complètement différente. Par exemple, sur un set, on va avoir trois tenues alors que les autres mannequins en auront une dizaine. Quand je dis les autres mannequins, je parle des skinnys, évidemment. »
Elle rapporte des demandes de la part de quelques professionnels pour « vérifier » physiquement la tenue des vêtements et des injonctions à modifier son corps :
« Combien de fois sur les sets, on me disait : ‘Rentre ton ventre’. … Ce qu’ils ont dans leur tête, c’est un peu les anciennes mensurations de Kim Kardashian : grosses fesses, gros seins et toute petite taille. Qui dit poids dit forcément bourrelets et graisse. C’est comme toutes les femmes. »
Doralyse dit avoir vu ses revenus chuter : « divisé par trois » ou « par cinq », selon elle.
Arrêts de carrière : le témoignage de Sané Cissoko
Parmi celles qui ont choisi de quitter le milieu, Sané Cissoko, 32 ans, relate l’impact sur sa santé mentale et la perte de confiance induite par des injonctions contradictoires :
« Quand j’ai vu les dérives et les ravages sur ma santé mentale, je me suis dit qu’il fallait prendre du recul sur un milieu qui est un peu toxique. J’ai décidé de dire non clairement. »
Sané raconte les pressions subies dès ses débuts : perte de poids demandée, exigences de tour de taille et de hanches, puis des remarques toujours critiques sur son corps, parfois accusée d’être « pas assez grosse », parfois « pas assez mince ».
Elle pointe aussi un phénomène dans le milieu : certaines mannequins très exposées utilisent des médicaments amaigrissants pour répondre aux nouveaux critères, rapprochant les silhouettes d’un 38 plutôt que d’un 44 ou 46. Pour Sané, les débouchés restent principalement la fast fashion et les photos pour sites de vente en ligne, tandis que le luxe et les magazines se ferment de plus en plus.
Conséquences visibles et données de la saison précédente
Les témoignages concordent avec les chiffres professionnels : la quasi‑disparition des tailles plus sur les podiums pose une question sur l’évolution des standards de beauté et sur la promesse d’inclusivité annoncée par certains acteurs de la mode ces dernières années.
La Fashion week parisienne, suivie par les maisons, les agences et les médias, doit désormais faire face à ce constat chiffré et aux témoignages directs de mannequins qui voient leurs revenus et leur visibilité décliner.