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À l’approche du 250e anniversaire de la fondation des États‑Unis, une question ancienne refait surface : l’Amérique est‑elle à l’aube d’un déclin comparable à celui des grandes cités et empires du passé ? Dans un article publié dans la presse américaine, le chercheur Johan Norberg compare l’expérience moderne des États‑Unis aux trajectoires d’Athènes et de Rome, et met en garde contre une menace principalement intérieure : la perte de confiance, la polarisation extrême et l’affaiblissement de l’esprit civique qui ont historiquement précipité le déclin des civilisations.
Un héritage inspiré d’Athènes et de Rome
Norberg rappelle que les pères fondateurs des États‑Unis ont forgé la conscience civique et même certains modèles architecturaux en puisant dans l’héritage d’Athènes et de Rome. Cette référence aux républiques antiques a nourri, depuis l’origine, la crainte d’un scénario identique à celui qui a frappé ces cités. Pour lui, la mémoire de la chute romaine hante toujours l’imaginaire politique occidental.
Facteurs contemporains de fragilisation
Selon l’analyse, un faisceau de facteurs contemporains alimente l’inquiétude autour d’un possible déclin américain. Parmi ces éléments :
- l’augmentation rapide de la dette publique ;
- l’instabilité géopolitique et économique à l’échelle mondiale ;
- la polarisation politique et sociale croissante ;
- l’érosion de la confiance entre citoyens et institutions.
La conjonction de ces phénomènes ravive les comparaisons entre l’Amérique actuelle et les empires en phase terminale.
L’érosion intérieure : le véritable moteur du déclin
Norberg soutient que les grandes civilisations n’ont pas seulement succombé aux guerres, aux pandémies ou aux catastrophes naturelles, mais surtout à une dégradation intérieure profonde. Le cœur du problème se situe dans la perte de confiance, de curiosité et de dynamisme intellectuel qui alimentaient leur vitalité.
Exemples historiques cités :
- Athènes et Rome : essor culturel suivi d’un repli identitaire ;
- Bagdad abbasside : apogée puis décadence culturelle ;
- Chine sous la dynastie Song : renouveau par l’ouverture, puis transformations politiques ;
- L’Italie de la Renaissance et la République néerlandaise : périodes de renouveau culturel et économique.
« Esprit athénien » contre « mentalité spartiate »
Le concept central de l’analyse oppose deux modèles culturels : l’« esprit athénien », fondé sur le commerce, la migration, l’innovation et le dialogue, et la « mentalité spartiate », axée sur le contrôle, l’homogénéité et la peur de la différence.
Norberg note que :
- les sociétés ouvertes prospèrent grâce à la diversité et à l’expérimentation ;
- le recours croissant à des logiques d’uniformisation menace la vitalité démocratique.
Il avertit aussi que « la montée de la droite nationaliste et d’une gauche non libérale traduit une même tendance à réprimer la dissidence et à imposer un conformisme idéologique », une dynamique qui mettrait en péril le cœur de la démocratie.
Parallèles avec la Chine et le recul de la tolérance en Occident
Norberg étend son raisonnement à la Chine contemporaine : la poussée d’ouverture initiée par Deng Xiaoping entre 1978 et 1992 a favorisé une croissance rapide, tandis que la trajectoire plus autoritaire sous Xi Jinping illustre le virage vers l’enfermement observé dans d’autres empires.
Parallèlement, en Occident, des événements récents — le terrorisme, la pandémie de Covid‑19 et des chocs économiques — ont contribué à une réduction de la tolérance et à une polarisation accrue.
Un déclin évitable par la volonté collective
Malgré ces risques, Norberg affirme que le déclin n’est pas inéluctable. Les civilisations peuvent se renouveler grâce à la volonté, au courage et à des réformes institutionnelles. Il cite des exemples historiques où des renaissances sont survenues après des périodes de déclin.
Pour les États‑Unis, l’auteur estime que les institutions et les libertés nécessaires à une reprise existent encore, à condition de résister aux logiques tribales et de raviver l’esprit d’expérimentation et d’ouverture.
Dernier avertissement : la parole de Lincoln
Pour conclure son article, Norberg reprend les mots du seizième président des États‑Unis, Abraham Lincoln, pour souligner la responsabilité collective face au destin national. Lincoln écrivait que si la ruine était le sort de la nation, elle serait de ses propres mains.
« Si notre ruine est notre destin, elle sera de nos propres mains. En tant que nation d’hommes libres, nous pouvons vivre à travers les âges, ou mourir par suicide. » — Abraham Lincoln
Cette mise en garde souligne que le plus grand danger pour une grande puissance reste souvent son affaiblissement intérieur.
Photo : Abraham Lincoln, président américain, feuilletant des documents (Hulton Archive/Getty Images).