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Jordan face au projet israélien de l’annexion de la Cisjordanie

by Sara
Jordanie, Israël, Palestine

Trente et un ans après la signature de l’accord de paix de Wadi Araba, le traité entre la Jordanie et Israël revient au cœur des débats politiques à Amman. Les projets d’annexion de pans de la Cisjordanie par des partis israéliens de droite relancent des inquiétudes profondes sur la sécurité, la démographie et l’avenir des relations bilatérales. Pour de nombreux observateurs jordaniens, ces plans ne sont pas de simples provocations politiques mais une menace stratégique capable de transformer durablement la région.

Le Ghor de Jordanie : profondeur stratégique et ligne de fracture

Le Ghor jordanien, prolongement naturel de l’ouest du Royaume, constitue une profondeur stratégique et une barrière sécuritaire essentielle face à la Cisjordanie. Les analystes estiment que toute décision israélienne visant à imposer sa souveraineté sur cette zone reviendrait à transformer les frontières orientales de la Palestine occupée en frontières permanentes de l’occupation.

Pour Amman, une telle évolution constituerait une atteinte directe à sa sécurité nationale et un non-respect manifeste des dispositions et de l’esprit de l’accord de Wadi Araba.

Un « danger existentiel », selon des responsables jordaniens

Le vice-Premier ministre jordanien d’autrefois, Mamdoh Al-Abbadi, a qualifié l’annexion de la Cisjordanie de « danger existentiel » et de « tremblement politique » menaçant à la fois la Jordanie et la cause palestinienne. Il a estimé que les conséquences d’une annexion seraient pires que la Nakba de 1948 et la défaite de 1967 réunies.

Al-Abbadi a ajouté que si la Jordanie n’avait pas annulé l’accord, c’était Israël qui l’avait en pratique rendu caduc il y a deux décennies en niant ses obligations. Il a demandé des mesures jordaniennes décisives dépassant les simples communiqués diplomatiques, évoquant la possibilité de rompre les relations diplomatiques et de fermer des points de passage si nécessaire.

Mamdouh Al-Abbadi

La voix officielle d’Amman

Un responsable gouvernemental jordanien a déclaré qu’Amman rejette toute démarche israélienne unilatérale visant à annexer ou à imposer sa souveraineté sur la Cisjordanie. Selon ce représentant, une telle initiative constitue une violation du droit international et sape la solution à deux États et le droit du peuple palestinien à l’autodétermination.

Le gouvernement affirme son engagement à défendre les intérêts nationaux jordaniens et les droits palestiniens dans toutes les enceintes internationales compétentes.

Cadre juridique et risques de déplacement forcé

Le juriste en droit international Anis Qassem estime que l’annexion de la Cisjordanie et du Ghor par Israël, au vu des propos de responsables israéliens, constituerait une violation flagrante des clauses de l’accord de Wadi Araba. Il souligne en particulier l’article interdisant les déplacements forcés de population au sein des zones relevant de la compétence des parties.

Qassem met en garde : tout transfert forcé de Palestiniens vers la Jordanie serait assimilable selon lui à une « déclaration de guerre » et exigerait une réponse ferme d’Amman au regard du droit international. Il craint également une recomposition démographique résultant d’expulsions partielles ou totales, scénario nécessitant une vigilance politique et sécuritaire maximale.

Manifestations en Jordanie lors de l'anniversaire de Wadi Araba

Options pratiques envisagées par Amman

  • Intensifier les démarches diplomatiques au Conseil de sécurité, à l’Assemblée générale et devant la Cour internationale de Justice.
  • Élaborer un plan national d’urgence pour faire face aux conséquences humanitaires et aux vagues potentielles de réfugiés.
  • Coordonner une position arabe unifiée pour exercer une pression régionale sur Tel-Aviv.
  • Revoir les formes de coopération bilatérale afin d’empêcher qu’Israël tire avantage d’un accord dont elle aurait violé le contenu politique.

Conséquences politiques et démographiques pour la Jordanie

Areeb al-Rantawi, directeur du Centre d’études politiques de Jérusalem, estime que la Jordanie serait le « principal perdant » d’une annexion israélienne. Il rappelle que la Cisjordanie forme un pont historique et géographique avec le Royaume et que tout changement juridique ou démographique y affecterait directement la sécurité, les frontières et la tutelle hachémite sur les lieux saints.

Al-Rantawi ajoute que l’imposition de la souveraineté israélienne sur la Cisjordanie reviendrait à enterrer la solution à deux États et à entraîner la Jordanie dans des conséquences démographiques et sécuritaires lourdes. Il voit aussi dans les évolutions actuelles en Israël un glissement vers une définition plus exclusive de l’État au détriment du droit des Palestiniens à un État entre le Jourdain et la mer.

Areeb al-Rantawi

Face à un contexte régional en mutation, la Jordanie se trouve contrainte de réévaluer ses rapports avec Israël selon l’intérêt national, tout en maintenant ses engagements internationaux. Le développement du dossier en Cisjordanie demeure donc un élément susceptible de reconfigurer les équilibres sécuritaires, politiques et humanitaires de la région.

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/10/26/%d8%a8%d8%b0%d9%83%d8%b1%d9%89-%d9%88%d8%a7%d8%af%d9%8a-%d8%b9%d8%b1%d8%a8%d8%a9-4-%d8%ae%d9%8a%d8%a7%d8%b1%d8%a7%d8%aa-%d8%a3%d9%85%d8%a7%d9%85-%d8%a7%d9%84%d8%a3%d8%b1%d8%af%d9%86

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