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Les États-Unis tuent 14 personnes lors de frappes contre des bateaux narcotrafiquants

by Sara
États-Unis, Colombie, Venezuela, Mexique, Équateur, Amérique latine

Les États-Unis ont annoncé avoir mené trois frappes aériennes supplémentaires contre des embarcations accusées de trafic de stupéfiants dans l’océan Pacifique oriental, faisant 14 morts et un rescapé. Ces actions s’inscrivent dans une campagne de frappes militaires visant à stopper l’acheminement de drogues vers le territoire américain, une opération qui suscite de vives critiques pour ses implications juridiques et humanitaires.

Annonce et éléments diffusés par le Pentagone

Le secrétaire à la Défense américain, Pete Hegseth, a annoncé mardi matin les frappes dans un message publié sur la plateforme X (https://x.com/SecWar/status/1983164355999883548). Il a présenté ces raids comme une mesure de sécurité nationale, écrivant que « le département a passé plus de DEUX DÉCENNIES à défendre d’autres territoires. Maintenant, nous défendons le nôtre. »

La publication était accompagnée d’une vidéo montrant un missile touchant deux bateaux côte à côte, qui ont pris feu. Hegseth a précisé que les trois frappes avaient eu lieu la veille, lundi.

Détails des frappes et bilan humain

Selon les informations communiquées :

  • La première frappe a touché une paire de petites embarcations transportant huit hommes.
  • La deuxième a visé un petit bateau avec quatre personnes à bord.
  • La troisième attaque a frappé une autre embarcation avec trois passagers.

Au total, 14 personnes ont été tuées et un survivant a été retrouvé. Il n’a pas été immédiatement précisé quelle attaque avait laissé un rescapé.

Les autorités mexicaines mènent les opérations de recherche et de sauvetage, selon le département américain de la Défense. Aucune des victimes n’a été identifiée publiquement et aucun élément de preuve n’a été fourni au public pour étayer les accusations de trafic de drogue.

Une campagne qui s’intensifie

Ces frappes marquent la première fois que plusieurs attaques sont annoncées en une seule journée depuis le début de la campagne, lancée le 2 septembre.

Quelques éléments chiffrés :

  • Au moins 13 frappes aériennes ont été recensées depuis le lancement de l’opération.
  • Quatorze embarcations ont été visées, majoritairement de petites unités de pêche ou de transport.
  • Le bilan connu s’établit désormais à 57 morts, après les attaques annoncées lundi.

La fréquence des raids a augmenté : trois bateaux ont été bombardés en septembre, puis dix autres frappes ont été annoncées au cours du mois en cours. Les annonces publiques comprenaient des messages datés des 21, 22 et 24 octobre sur X (21 oct., 22 oct., 24 oct.).

Questions de légalité et réactions internationales

Des organisations de défense des droits humains et des experts internationaux estiment que ces frappes peuvent constituer des exécutions extrajudiciaires et violer le droit international, notamment la Charte des Nations unies.

Miroslav Jenca, secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Amériques, a rappelé au Conseil de sécurité la nécessité que la lutte contre la criminalité transnationale respecte le droit international : « Nous continuons d’insister sur la nécessité que tous les efforts visant à lutter contre la criminalité organisée transnationale se déroulent conformément au droit international. »

Les critiques soulignent aussi l’absence de preuve publique établissant la destination des embarcations frappées et si elles représentaient une menace imminente pour le sol américain.

Argumentaire de l’administration américaine

La Maison Blanche et le département de la Défense affirment que la campagne est nécessaire pour empêcher l’arrivée de drogues illicites aux États-Unis. L’administration Trump a, depuis septembre, qualifié certains cartels d’Amérique latine de « combattants illégaux » dans un contexte qu’elle décrit comme un « conflit armé non international ».

En septembre, le président a adressé un mémorandum au Congrès affirmant cette position (lire le mémo).

Cependant, des juristes ont remis en question cette logique, rappelant que le trafic de drogue est généralement traité comme une infraction pénale et non comme un acte de guerre.

Tensions avec le Congrès et accumulation militaire

Les frappes ont aussi déclenché un débat interne aux États-Unis sur la séparation des pouvoirs. Selon l’article I de la Constitution américaine, le Congrès détient le pouvoir exclusif de déclarer la guerre.

Le War Powers Resolution Act de 1973 impose de notifier le Congrès dans les 48 heures pour toute action militaire isolée et limite la durée de telles opérations sans autorisation législative.

Parallèlement aux raids, le Pentagone a annoncé le déploiement du groupe porte-avions USS Gerald R. Ford et de forces associées dans les eaux entourant l’Amérique du Sud (déclaration du Pentagone), renforçant la présence militaire dans la région.

Réactions politiques et tentatives de contrôle

Les critiques au Congrès sont venues des deux bords du spectre politique. Le sénateur républicain Rand Paul a qualifié les frappes d’« exécutions extrajudiciaires ». Le sénateur démocrate Mark Kelly a déclaré que l’administration n’avait pas fourni d’explication juridique convaincante lors d’un briefing au Congrès.

Des élus ont tenté d’endiguer la campagne :

  • Le député démocrate Jason Crow a présenté en septembre une résolution visant à exiger l’autorisation du Congrès pour de telles opérations (communiqué de Crow).
  • Une initiative similaire au Sénat, qui aurait requis l’aval du Congrès pour la poursuite des frappes, a été rejetée ce mois-ci.

Malgré ces efforts, le Congrès n’a pas encore adopté de mesure contraignante pour stopper la campagne, ce que certains analystes jugent préoccupant au regard du rôle constitutionnel du Parlement.

Cas de survivants et rapatriements

Depuis le début des frappes, quelques survivants ont été confirmés. Le 16 octobre, une attaque aurait laissé deux rescapés qui ont été rapatriés dans leurs pays respectifs.

Selon des reportages, l’un d’eux, identifié comme Andres Fernando Tufino, a été remis en liberté en Équateur sans poursuites. L’autre, Jeison Obando Perez, demeure hospitalisé en Colombie.

Ces cas soulèvent des questions sur l’identification des personnes à bord et sur la proportionnalité des réponses militaires face à des embarcations civiles présumées impliquées dans le narcotrafic.

Points à retenir

La campagne de frappes américaines en mer soulève plusieurs enjeux clés :

  • Une multiplication des frappes et une hausse du nombre de victimes en deux mois.
  • Des doutes persistants sur la légalité internationale des opérations et sur la preuve publique du lien avec le trafic de drogues.
  • Des tensions institutionnelles aux États-Unis concernant le rôle du Congrès et la justification juridique des attaques.
  • Un renforcement militaire visible dans la zone, avec le déploiement du groupe aéronaval et d’autres moyens.

La question centrale demeure la même : comment concilier la volonté de contrer le narcotrafic avec le respect du droit international et des principes constitutionnels américains ?

source:https://www.aljazeera.com/news/2025/10/28/us-kills-14-people-in-three-strikes-on-alleged-drug-smuggling-boats

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