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Pourquoi Athènes a retardé la construction d’une mosquée

by Sara
Grèce

Athènes n’a officiellement accueilli sa première mosquée reconnue par l’État qu’en 2020, après près de deux siècles d’absence d’un lieu de culte musulman central dans la capitale.
La mosquée Athènes, financée par l’État, peut recevoir 350 personnes : environ 300 dans la salle principale pour hommes et une cinquantaine dans une salle réservée aux femmes.
Le bâtiment, volontairement sobre — sans minaret ni coupole traditionnelle — illustre la volonté des autorités de limiter la symbolique religieuse et de présenter le lieu comme une infrastructure fonctionnelle.

Ce retard historique et les choix architecturaux ont suscité débats et interrogations sur la place de l’islam dans l’espace public grec et sur la manière dont la démocratie gère les demandes des minorités.

Mosquée de Botanikos à Athènes, premier lieu de culte musulman reconnu par l'État grec

Un livre récent revient sur deux siècles d’attente

Le chercheur Dimitris Antoniou publie l’ouvrage Pourquoi ne construisons-nous pas la mosquée ? Islam, coût politique et exercice de la démocratie en Grèce, qui examine la question de l’islam dans la Grèce moderne.
L’auteur part de l’indépendance grecque vis-à-vis de l’Empire ottoman en 1821 et retrace les raisons d’une absence durable d’un lieu de culte officiel à Athènes, malgré la présence de centaines de milliers de musulmans au fil du temps.

À travers une étude ethnographique approfondie, l’ouvrage montre comment politiques publiques, préoccupations identitaires et considérations religieuses se sont conjuguées pour retarder la construction d’une mosquée nationale.

  • Analyse historique depuis 1821.
  • Enquêtes de terrain et entretiens avec acteurs politiques et religieux.
  • Réflexion sur le lien entre identité nationale et religion majoritaire.

Obstacles historiques et opposition locale

Les premières tentatives pour implanter une mosquée officielle à Athènes remontent au XIXe siècle ; un projet daté de 1890 n’a jamais abouti en raison d’une forte résistance.
Le livre consacre un chapitre à l’affaire Votanikos (Botanikos), où un projet lancé au début des années 2000 a été entravé à plusieurs reprises.

En 2006, un terrain de la Marine avait été proposé pour un lieu de culte, mais le projet a immédiatement suscité protestations, recours judiciaires et campagnes orchestrées, notamment par des figures religieuses influentes.
Le métropolite Serafim qualifiait la mosquée de « menace pour la structure orthodoxe » et y voyait « une partie d’un plan d’islamisation du pays ».

Le rôle de l’Église orthodoxe apparaît ambivalent : sans toujours afficher un refus officiel, elle a exercé des pressions, formelles et informelles, pour éloigner la mosquée du centre-ville afin d’éviter « la provocation des sentiments publics ».

Manifestation à Athènes contre la construction d'une mosquée officielle

La « coût politique » : calcul et paralysie décisionnelle

L’une des idées centrales du livre est celle de la « coût politique » : les responsables évaluent gains et pertes électoraux avant d’agir, et préfèrent souvent différer les projets sensibles.
Antoniou relie ce phénomène à un mécanisme fréquent dans les démocraties modernes où une minorité influente peut paralyser la prise de décision.

Le chercheur décrit la « démocratie comme état d’attente » : au lieu de résoudre les questions délicates, les politiques les reportent, produisant des projets pendants qui servent parfois d’outil rhétorique.

  • Les politiciens craignent de perdre des voix ou d’alimenter les nationalismes.
  • Les médias et certains acteurs publics exploitent la question pour gagner en visibilité.
  • Les plans non réalisés deviennent « productifs » pour ceux qui s’en servent politiquement.

Pour la communauté musulmane, l’absence de reconnaissance juridique et institutionnelle a longtemps signifié la pratique du culte dans des locaux non autorisés : appartements, caves ou garages.

Perceptions de la communauté musulmane et espoirs futurs

La construction de la mosquée en zone industrielle et son architecture volontairement dépouillée ont laissé un sentiment mitigé parmi de nombreux musulmans d’Athènes.
Beaucoup estiment que le projet, bien qu’étant une avancée formelle, ne répond pas pleinement aux aspirations d’une communauté largement intégrée à la société grecque.

Le livre d’Antoniou offre un cadre historique et politique pour comprendre ces frustrations et rappelle l’importance d’une reconnaissance pleine et égale des minorités dans une démocratie.
Les représentants de la communauté voient dans ce travail une validation de leurs épreuves et un appel à éviter la répétition des retards lors de futures demandes d’institutions religieuses ou culturelles.

  • Sentiment d’un succès partiel : reconnaissance formelle mais visibilité limitée.
  • Appel à une égalité de traitement et à une meilleure intégration institutionnelle.
  • Espoir que l’expérience serve de leçon pour l’avenir démocratique du pays.
source:https://www.aljazeera.net/culture/2025/11/9/%d9%84%d9%85%d8%a7%d8%b0%d8%a7-%d9%84%d8%a7-%d9%86%d8%a8%d9%86%d9%8a-%d8%a7%d9%84%d9%85%d8%b3%d8%ac%d8%af-%d9%83%d8%aa%d8%a7%d8%a8-%d8%ac%d8%af%d9%8a%d8%af-%d8%b9%d9%86-%d9%82%d8%b5%d8%a9

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