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Afrique : reprendre la démocratie, pas l’emprunter

by Sara
Botswana, Sénégal, Ghana, Kenya, Afrique (continent)

Pendant trop longtemps, nombre de jeunes Africains ont entendu que la démocratie était un modèle importé, emprunté et étranger à leur identité. Or l’histoire raconte une réalité différente : la démocratie n’est pas une invention occidentale, mais une idée humaine ancienne dont l’Afrique a été l’une des sources.

Un héritage démocratique profondément ancré

Bien avant l’apparition des États modernes et la tracé des frontières coloniales, des systèmes politiques africains pratiquaient des formes de gouvernance fondées sur la participation collective. Ces traditions montrent que la notion de responsabilité du pouvoir et de reddition de comptes est ancienne sur le continent.

Parmi ces pratiques :

  • le shir somali, où tout homme pouvait se lever, débattre et voter en assemblées ouvertes ;
  • le système Gadaa des Oromo, avec rotation des dirigeants et limitation des mandats ;
  • les assemblées villageoises igbo, opposées à la royauté et attachées au consensus ;
  • les conseils d’anciens ashanti, capables de contrôler et révoquer les chefs ;
  • la kgotla tswana, lieu de débat public où les responsables écoutent davantage qu’ils ne parlent.

Ces modèles n’étaient pas identiques aux démocraties modernes, mais le principe restait clair : le pouvoir doit servir la communauté et rester redevable à celle-ci.

La démocratie : une idée humaine, pas strictement occidentale

Les idées démocratiques ne sont pas le monopole d’une civilisation unique. L’Athènes antique a développé sa propre forme de citoyenneté ; la gouvernance islamique a mis en avant la shura (consultation) ; l’Asie de l’Est a forgé des services publics méritocratiques avant l’Europe.

Lorsque la démocratie moderne s’est renforcée aux XVIIIe et XIXe siècles, certains pays ont contribué à stabiliser ces institutions. Mais cela n’efface pas les contributions africaines historiques : la démocratie en Afrique est une réalité ancienne et pertinente pour les sociétés actuelles.

Défis contemporains : attention, désinformation et tentations autoritaires

Les jeunes Africains évoluent aujourd’hui dans une « économie de l’attention » où la colère se propage plus vite que la raison et où la désinformation circule en quelques secondes. Ce contexte pousse parfois les dirigeants à réagir impulsivement plutôt qu’à réfléchir.

La rapidité et l’impact des réseaux favorisent la course aux effets immédiats plutôt que la consolidation d’institutions pérennes. Pourtant, la démocratie est une course de fond : la stabilité durable dépend d’institutions responsables et résilientes, non de solutions autoritaires à court terme.

Exemples de résilience démocratique en Afrique

Les sociétés africaines modernes ne partent pas de zéro. Plusieurs pays montrent la capacité d’adaptation et d’auto-correction nécessaires à la démocratie en Afrique.

  • Botswana : résistance institutionnelle et continuité démocratique ;
  • Sénégal : transferts pacifiques du pouvoir et culture politique pluraliste ;
  • Ghana : renforcement progressif des institutions électorales et judiciaires ;
  • Kenya : autonomie judiciaire et recours aux tribunaux pour trancher les litiges électoraux.

En parallèle, plusieurs pays font face à des défis sérieux : élections contestées, corruption, exclusion politique et instrumentalisation identitaire. Admettre ces problèmes est indispensable pour les résoudre.

Réaffirmer et élargir la démocratie

Reprendre la démocratie aujourd’hui signifie aussi l’élargir. Les formes anciennes ont parfois exclu les femmes et les groupes marginalisés. Une démocratie moderne en Afrique doit être inclusive et représenter pleinement la diversité de la société.

Reprendre un héritage ne veut pas dire revenir en arrière : il s’agit de le porter plus loin, avec davantage de justice et d’égalité pour les femmes, les jeunes et les minorités.

Technologie : levier et défi pour la démocratie en Afrique

La technologie est un multiplicateur d’opportunités. L’intelligence artificielle, les plateformes numériques et les ressources d’apprentissage ouvertes offrent aux jeunes Africains un accès global au savoir et aux marchés sans passer par des intermédiaires traditionnels.

Cependant, la connectivité reste inégale, les infrastructures coûtent cher et les politiques peinent à suivre l’innovation. Malgré cela, l’histoire montre que les sociétés qui adoptent tôt les grandes ruptures technologiques retirent souvent d’importants bénéfices.

Si l’Afrique embrasse l’IA et le numérique avec des valeurs civiques fortes et des garde-fous clairs, le continent peut connaître un bond inédit.

Habitudes quotidiennes pour consolider la démocratie

La démocratie ne se protège pas par des slogans, mais par des habitudes. Les jeunes peuvent renforcer la démocratie en agissant chaque jour, au-delà des seules élections.

  • Relancer les forums consultatifs locaux et les assemblées communautaires ;
  • Créer des parlements étudiants et organiser des débats publics ;
  • Combattre la désinformation et soutenir un journalisme indépendant ;
  • Lancer des campagnes d’éducation aux médias et citoyenneté numérique.

Ces petits gestes forgent des cultures politiques plus solides et durables.

Un appel à la jeunesse africaine

L’avenir appartient aux jeunes. En défendant leur voix, leur liberté, et leur dignité, ils peuvent construire des institutions plus fortes que n’importe quel individu. Ils peuvent bâtir un continent uni sans effacer les identités nationales et une souveraineté qui n’étouffe pas la société civile.

La démocratie en Afrique n’est pas un prêt à demander : c’est un héritage à reprendre et à conduire. Le continent est prêt à en être le leader, en s’affirmant selon ses propres valeurs et expériences.

source:https://www.aljazeera.com/opinions/2025/11/21/africa-does-not-need-to-borrow-democracy-it-needs-to-reclaim-it

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