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À la faveur du pic d’activité solaire, des radiations ont perturbé des systèmes avioniques sensibles, affectant récemment un Airbus A320 en vol entre les États-Unis et le Mexique. L’incident a relancé les inquiétudes sur l’impact des tempêtes solaires sur les systèmes de vol, la navigation et les réseaux terrestres, et a poussé le constructeur à recommander une mise à jour logicielle pour sécuriser la flotte.
Le cycle solaire et ses conséquences
Le Soleil suit un cycle d’environ 11 ans ; la période actuelle, dite « cycle solaire 25 », a officiellement commencé en décembre 2019 et doit culminer entre 2025 et 2026.
Pendant les pics d’activité, on observe :
- une hausse du nombre de taches solaires ;
- des éruptions et des éjections de masse coronale ;
- un accroissement du flux de particules et de photons de haute énergie.
Ces phénomènes augmentent le risque d’interférences avec les communications, les satellites, les réseaux électriques et l’avionique embarquée.
Comment les tempêtes solaires affectent l’électronique
Les réactions nucléaires et les interactions dans le plasma solaire génèrent des particules chargées (protons, ions) et des photons énergétiques. La Terre reçoit ces flux, et certains effets se forment ensuite dans l’atmosphère.
Selon le Dr Ali Abdo, les particules ionisées peuvent provoquer des « flips » d’un bit dans une mémoire électronique :
- un 0 peut devenir 1 (ou l’inverse), entraînant une erreur de calcul ou de mesure ;
- si le bit corrompu correspond à un paramètre critique (altitude, vitesse, pression), la lecture erronée peut induire un comportement inapproprié du système de contrôle.
Lors des fortes tempêtes solaires, ces risques augmentent sensiblement pour l’électronique embarquée non protégée.
Incident sur un Airbus A320 en octobre
Le 30 octobre dernier, un Airbus A320 exploité par la compagnie américaine GetJet Blue a subi une baisse d’altitude soudaine sans commande des pilotes, alors qu’il reliait les États-Unis au Mexique.
L’événement a provoqué des blessures chez 15 passagers et un atterrissage d’urgence en Floride.
Les enquêtes ont conclu que des données vitales du système de contrôle de vol avaient été compromisees par un épisode d’irradiation solaire intense.
Diagnostic : le rôle d’une unité électronique
L’analyse a identifié l’ELAC B (Elevator Aileron Computer version B) comme composant affecté. Cette unité gère les gouvernes et le roulis de l’appareil.
La version logicielle L104 de l’ELAC B a été jugée vulnérable aux effets d’un rayonnement solaire intense, entraînant des corruptions de données au sein du système de contrôle de vol.
Airbus a précisé que d’autres flottes utilisent des logiciels ou protections différentes, ce qui expliquerait pourquoi elles n’ont pas rencontré le même problème.
Mesures immédiates prises par Airbus
Airbus a émis un « avis urgent aux exploitants » au plus haut niveau d’alerte avant toute mise à l’arrêt forcé d’appareils.
Les recommandations incluent :
- le retour provisoire à une version logicielle antérieure jugée sûre ;
- ou le remplacement de l’unité ELAC B par une autre ne comportant pas la version L104 vulnérable.
Le constructeur indique que l’opération de correction prend environ trois heures par avion, limitant ainsi les interruptions d’exploitation.
Communiqué d’Airbus : https://www.airbus.com/en/newsroom/press-releases/2025-11-airbus-update-on-a320-family-precautionary-fleet-action
Antécédents : des événements similaires dans le passé
Des études et archives montrent que les tempêtes solaires ont déjà provoqué des perturbations majeures :
- mars 1989 (cycle 22) : panne du réseau électrique du Québec en moins de 90 secondes et pics d’irradiation pour l’aviation en Amérique du Nord ;
- octobre 2003 (cycle 23) : l’une des plus puissantes tempêtes solaires a interrompu des services GPS pendant plusieurs heures, affectant aéronefs, navires et opérations militaires ;
- septembre 2017 (cycle 24) : une éruption de classe X a interrompu les communications HF pendant environ une heure au-dessus de l’Atlantique, forçant des réacheminements.
Une revue scientifique récapitulative est disponible : https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2024SW004055
Pourquoi l’affaire suscite-t-elle autant d’attention ?
La portée médiatique et opérationnelle est accrue parce que l’incident concerne l’Airbus A320, un des avions les plus répandus au monde.
Caractéristiques qui amplifient l’impact :
- grande diffusion chez les compagnies commerciales ;
- capacité et autonomie élevées (jusqu’à 8 700 km) ;
- importance dans les liaisons court et moyen-courrier à l’échelle globale.
La vulnérabilité d’une version logicielle d’un composant critique sur un type si répandu a des conséquences opérationnelles et économiques importantes.
Perspectives : prévention et résilience
Les experts estiment que, si les mesures correctives recommandées sont appliquées, la probabilité de répétition de ce type d’incident diminue nettement.
Des actions possibles pour renforcer la résilience :
- intégrer des protections anti-radiation dans la conception logicielle et matérielle des futurs systèmes avioniques ;
- améliorer les prévisions de « météo spatiale » et coordonner les alertes au niveau international ;
- adapter temporairement les routes et réduire le nombre de vols durant les pics d’activité solaire.
À plus long terme, l’événement pourrait accélérer l’adoption de normes renforcées pour la tolérance aux radiations dans l’industrie aéronautique.


