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Le président américain Donald Trump a annoncé qu’il annulait tous les pardons et commutations signés par son prédécesseur Joe Biden au moyen d’un autopen. La déclaration, largement diffusée sur sa plateforme Truth Social, affirme que ces actes sont « nuls » et sans effet juridique. Cependant, des juristes et des vérificateurs de faits estiment que cette mesure n’est pas applicable et que la portée réelle de l’annonce est limitée.
Ce qu’a déclaré Donald Trump
Sur Truth Social, Trump a écrit que « tous et chacun des Documents, Proclamations, Ordres Exécutifs, Mémorandums ou Contrats, signés par ordre du désormais tristement célèbre et non autorisé ‘AUTOPEN’… sont par la présente nuls, sans effet et dépourvus de toute force ».
Il a ajouté que « toute personne ayant reçu des ‘pardons’, des ‘commutations’ ou tout autre document légal ainsi signé doit être avisée que ledit document a été entièrement et complètement résilié et n’a aucun effet juridique ».
Cependant, la portée pratique de cette annonce est immédiatement contestée par des experts constitutionnels.
Quels documents Biden aurait-il signés avec l’autopen ?
Biden a utilisé un autopen — un appareil mécanique permettant d’apposer une signature sans intervention directe de la main — pour certains documents, selon les critiques. Pendant ses quatre ans de mandat, il a émis un nombre record d’actes de clémence.
- 4 245 actes de clémence au total, selon le Pew Research Center, un chiffre supérieur à celui de tout autre président depuis le début du XXe siècle.
- La majorité de ces actes étaient des commutations de peine, c’est-à-dire des réductions de peine.
- Seuls 80 pardons individuels ont été accordés, un des totaux les plus bas sur la période considérée.
- Biden a aussi fréquemment utilisé des « pardons par proclamation » visant des catégories entières de personnes (anciens militaires condamnés pour relations homosexuelles à une époque où cela était interdit, personnes condamnées pour certains délits fédéraux liés au cannabis, etc.).
Il reste toutefois incertain combien et lesquels de ces pardons ou commutations ont été physiquement signés à l’aide d’un autopen.
La mesure de Trump est-elle légale ?
Selon des spécialistes du droit constitutionnel, Trump n’a pas le pouvoir d’annuler des pardons ou des commutations déjà accordés. Bernadette Miller, experte en droit constitutionnel aux États-Unis et au Royaume-Uni à l’université de Stanford, a indiqué par courriel à Al Jazeera que « cette déclaration n’a aucun effet juridique ».
Elle a précisé que les lois et pardons signés par autopen restent valides, l’exception possible étant un ordre exécutif dont l’effet peut être annulé par un autre président. En résumé : les ordres exécutifs pourraient être révoqués, mais les pardons et les lois subsistent.
Le site de vérification PolitiFact a aussi noté qu’il n’existe « aucun mécanisme constitutionnel pour annuler des pardons », et qu’une décision judiciaire de 1869 a établi qu’une fois délivré, un pardon est final. La Constitution ne précise pas non plus si la signature d’un pardon doit être apposée de la main du président.
Qui pourrait être concerné par cette annulation proclamée ?
Trump a ciblé notamment des pardons dits « préventifs » que Biden aurait accordés à des élus impliqués dans les enquêtes sur l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021. Ces pardons viseraient des parlementaires républicains qui avaient investigué les événements ou critiqué Trump.
Parmi les personnes visées figurent des représentants et anciens élus perçus par certains partisans de Trump comme ayant trahi le mouvement, tels que Liz Cheney et Adam Kinzinger. Trump a déjà déclaré publiquement que ces pardons étaient « VOID, VACANT, AND OF NO FURTHER FORCE OR EFFECT » en invoquant l’usage de l’autopen.
Cependant, si la justice ou des tribunaux devaient être saisis, ils devraient statuer sur la validité effective des pardons et sur la compétence présidentielle pour en prononcer l’annulation.
L’autopen : pratique courante dans l’histoire présidentielle
Biden n’est pas le premier président à recourir à des dispositifs mécaniques pour apposer sa signature. L’utilisation d’autopens et d’appareils analogues remonte à plusieurs présidences américaines.
- Thomas Jefferson utilisait un dispositif appelé « polygraph », composé de deux plumes permettant de copier simultanément l’écriture.
- Dans les années 1960, John F. Kennedy employait une version plus moderne de l’autopen.
- Plus récemment, Barack Obama a également eu recours à l’autopen à quelques occasions.
- Des notes juridiques datant de 1929 et 2005 ont conclu qu’un président n’est pas obligé de signer des documents de sa propre main.
Ainsi, l’usage de l’autopen est embrassé par la pratique historique et encadré par des opinions juridiques, ce qui affaiblit l’argument selon lequel son emploi rendrait automatiquement un acte invalide.
Enjeux et perspectives
La déclaration de Trump soulève des questions politiques et juridiques importantes, mais les experts s’accordent à dire que son annonce a surtout une portée symbolique. Les pardons et commutations accordés restent, pour l’heure, protégés par la pratique judiciaire et constitutionnelle.
Dans les semaines et mois à venir, la situation pourrait évoluer si des procédures judiciaires sont engagées pour contester des actes précis. Pour les bénéficiaires des « pardons autopen Biden », l’incertitude politique ne signifie pas nécessairement une invalidation automatique de leur clémence.