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Depuis l’attentat qui a tué Imad Mughniyeh le 12 février 2008 à Damas — une bombe placée dans sa voiture — les circonstances exactes de cet assassinat n’ont jamais été totalement élucidées. Les soupçons pointèrent alors le Mossad, sans revendication officielle, et l’affaire resta longtemps enveloppée de mystère.
Les révélations publiées en janvier 2015 par le Washington Post et le New York Times ont ravivé le dossier en affirmant que l’élimination de ce haut responsable du Hezbollah, connu sous le nom de « al‑Hajj Radwan », avait été coordonnée entre les services de renseignement américains et israéliens.
Un maillon humain exposé par Yossi Cohen
Le livre du précédent directeur du Mossad, Yossi Cohen, a relancé le débat sur la faille sécurité Hezbollah en dévoilant, dans son sixième chapitre, un épisode de recrutement d’un proche de Mughniyeh. Cohen décrit comment, au début des années 1990, il a ciblé un Libanais présenté sous le pseudonyme « Abdullah », identifié comme un ancien des rangs des sabotages au Liban.
Sous la couverture d’un homme d’affaires argentin, Cohen dit avoir tissé une relation de confiance, proposé un partenariat et, finalement, convaincu « Abdullah » d’accepter une mission d’enquête sur le Hezbollah. Ce contact, selon Cohen, a ensuite visité Israël sans savoir que son interlocuteur était un officier du Mossad.

De Mughniyeh à Tabtabai : répétition du schéma
Moins d’un mois après la parution du livre de Cohen, l’aviation israélienne a frappé un immeuble à Haret Hreik, dans la banlieue sud de Beyrouth, éliminant un autre cadre important du Hezbollah : Haytham Hussein al‑Tabtabai.
Les autorités militaires israéliennes l’ont présenté comme un chef central du mouvement, anciens des années 1980, impliqué dans le développement des capacités militaires du parti et la direction d’unités spéciales.

Rôle du terrain syrien et yéménite
Les analyses et dossiers officiels montrent que Tabtabai était visé en raison de son rôle opérationnel en Syrie et au Yémen. Le département d’État américain l’a inscrit en octobre 2016 sur la liste des « terroristes mondiaux » et a proposé une récompense financière pour toute information le concernant.
Selon Washington, ses activités incluaient la formation, la fourniture d’équipements et le commandement d’opérations des forces spéciales du Hezbollah dans ces pays, considérées comme des éléments déstabilisateurs régionaux.
Un mode opératoire récurrent
La similitude des attaques — précision des frappes, usage de missiles guidés et ciblage de sanctuaires supposés — interroge sur la persistance d’une faille au sein des dispositifs de sécurité du Hezbollah.
Parmi les victimes récentes visées selon le texte :
- Saleh al‑Arouri (dirigeant palestinien) — 2 janvier 2024;
- Fouad Shokr (commandant militaire du Hezbollah) — 30 juillet 2024;
- Hassane Nasrallah (mentionné dans le texte) — 27 septembre (année non précisée);
- Son successeur Hachem Safieddine — 3 octobre (année non précisée).
La précision des attaques et la répétition du schéma ont mis en lumière une incapacité apparente du parti à identifier et combler la brèche qui permet ces éliminations ciblées.

La piste techno versus la piste humaine
Les opinions divergent quant à l’origine des fuites d’informations : certains experts évoquent l’usage intensif de technologies avancées — drones de reconnaissance, satellites, systèmes de géolocalisation et reconnaissance faciale — pour localiser et frapper des cibles.
D’autres insistent sur une composante humaine : infiltration d’agents, recrutement au sein des réseaux du parti ou fuite de responsables. Le récit de Cohen soutient d’ailleurs la validité d’opérations hybrides mêlant technologie et renseignement humain.

Accusations d’une compromission interne
Le site libanais Asas a publié, dès décembre 2024, des lectures d’experts anonymes évoquant des complicités internes :
- un responsable de la « unité des lieux » aurait transmis des données sur les positions et refuges des dirigeants ;
- un responsable de l’« unité des communications » se serait enfui vers Israël ;
- les réseaux de communication internes, y compris certains systèmes de pager, auraient été infiltrés.
Ces éléments, s’ils sont confirmés, indiqueraient une défaillance à la fois technique et humaine dans la sécurité opérationnelle du parti.
La réponse et la prudence du Hezbollah
Interrogé, un responsable du Hezbollah a rejeté l’idée d’une faille interne systémique, mais a reconnu la supériorité technologique de l’« ennemi » et le rôle déterminant d’outils comme l’intelligence artificielle, l’observation satellitaire et la surveillance des communications.
Selon ce responsable, ces capacités étrangères rendent possible la localisation de responsables même lorsque ceux‑ci multiplient les précautions.

Accumulation d’informations : un avantage stratégique
Pour le colonel à la retraite Mounir Chahada, l’arsenal de données accumulées depuis deux décennies a permis à Israël de constituer un « banque d’informations » exhaustive sur les Libanais et les combattants du Hezbollah.
Il évoque deux moments clés :
- les bases de données rassemblées après l’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri en 2005 ;
- les informations collectées lors des combats du Hezbollah en Syrie à partir de 2011, révélant l’usage massif de téléphones et d’identifiants numériques par les combattants.
Selon Chahada, cette combinaison a réduit la nécessité pour Israël d’un agent humain local pour identifier et suivre des responsables stratégiques.

Enquête interne et incertitudes persistantes
Malgré les éléments avancés, le Hezbollah garde le silence sur les conclusions de ses investigations internes, laissant ouverte la question du poids relatif du facteur humain par rapport à l’espionnage électronique.
Le chercheur Qassem Kaseer souligne que les opérations israéliennes reposent « sur un mélange de technologies avancées et d’agents humains », sans que l’on sache précisément comment ces dernières sont recrutées ou exploitées.
Jusqu’à la publication de résultats officiels, le débat sur l’origine de la faille — humaine, technique ou hybride — demeure entier.
