Home ActualitéAymen Gharib : militant palestinien arrêté, voix des Aghwar

Aymen Gharib : militant palestinien arrêté, voix des Aghwar

by Sara
Palestine, Israël

Aymen Gharib, militant palestinien de 42 ans originaire de la localité de Tammoun, en bordure des Aghwar, est porté disparu des réseaux locaux depuis deux semaines après avoir été placé en détention administrative pour une durée de six mois. Connu pour sa capacité à documenter en temps réel les violations commises par des colons et à relayer ces images aux organisations et médias, il fait aujourd’hui face à une privation de liberté qui prive la région d’une voix essentielle.

Un repère des Aghwar et un témoin constant

Les proches décrivent Aymen comme un acteur qui connaît la géographie des Aghwar « sur le pouce », depuis Masafir Yatta au sud jusqu’à Beisan au nord (https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2022/6/28/%D9%85%D9%86%D8%B7%D9%82%D8%A9-%D9%85%D8%B3%D8%A7%D9%81%D8%B1-%D9%8A%D8%B7%D8%A7-%D9%82%D8%B1%D9%89-%D9%81%D9%84%D8%B3%D8%B7%D9%8A%D9%86%D9%8A%D8%A9-%D9%8A%D9%87%D8%AF%D8%AF%D9%87%D8%A7).

Sa maîtrise du terrain lui permettait d’accéder aux zones à risque et d’enregistrer en direct violences, agressions et expulsions. Grâce à ces enregistrements audio, vidéo et aux diffusions live, il constituait un maillon crucial entre les populations locales et les instances de défense des droits, au niveau national et international.

Ces images et témoignages ont souvent servi à contrer les récits officiels et à attirer l’attention sur des événements qui, sinon, seraient restés invisibilisés.

Ciblage, harcèlement et incitation

Le travail d’Aymen a fortement irrité certains colons, qui l’ont ciblé sur les réseaux sociaux et appelé à des représailles. Des commentaires virulents, notamment sur la page du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir (https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2022/11/3/%D8%A5%D9%8A%D8%AA%D9%85%D8%A7%D8%B1-%D8%A8%D9%86-%D8%BA%D9%81%D9%8A%D8%B1-%D8%B9%D8%B6%D9%88-%D8%A7%D9%84%D9%83%D9%86%D9%8A%D8%B3%D8%AA-%D8%A7%D9%84%D8%A5%D8%B3%D8%B1%D8%A7%D8%A6%D9%8A%D9%84%D9%8A), demandaient soit son transfert vers Gaza, soit sa mort plutôt que son emprisonnement.

Les colons installés à Fseel ont exprimé un « soulagement temporaire » face à sa disparition, liée aussi à l’absence de journalistes qui l’accompagnaient habituellement.

Son frère Bilal explique qu’Aymen publiait en arabe et en anglais afin de sensibiliser tant localement qu’internationalement à la gravité des attaques dans les Aghwar. Ce travail de mise en lumière des communautés marginalisées était une source majeure d’ennui pour les colons.

Violences répétées et détentions antérieures

Aymen a déjà été blessé et visé par des tirs à plusieurs reprises lors de ses reportages de terrain. Il faisait l’objet de contrôles prolongés aux postes militaires et avait été, à plusieurs occasions, détenu et maltraité par des colons sur place.

Père de quatre enfants, il a vu ses arrestations précédentes coïncider douloureusement avec les naissances de ses trois aînés : trois incarcérations pendant lesquelles il est entré en prison alors que ses enfants avaient un mois et en est ressorti alors qu’ils avaient deux ans, les privant d’un véritable lien paternel.

Au total, Aymen a passé plus de cinq ans dans les prisons de l’occupation (https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2024/10/19/%D9%85%D8%B9%D8%AA%D9%82%D9%84%D8%A7%D8%AA-%D9%88%D8%B3%D8%AC%D9%88%D9%86-%D8%A5%D8%B3%D8%B1%D8%A7%D8%A6%D9%8A%D9%84-%D8%AA%D8%A7%D8%B1%D9%8A%D8%AE-%D9%85%D9%86).

Les trois premiers jours d’incarcération

La famille a appris que les premiers jours après son arrestation, Aymen avait été maintenu en détention secrète à la base militaire de Samra dans les Aghwar, un camp d’entraînement dépourvu d’installations d’incarcération adaptées.

Sur place, il aurait été laissé dehors, menotté, exposé au froid, privé de nourriture et frappé par des soldats. Les violences subies ont nécessité deux transferts à l’hôpital israélien au cours de ces trois jours, selon le récit familial.

Un activisme de terrain exceptionnel

Le journaliste Hafez Abu Sabra qualifie Aymen d’« adresse première » pour tout média souhaitant couvrir les Aghwar. Il rappelle sa mémoire géographique précise et son initiative constante de placer des caméras au cœur de l’événement plutôt que d’attendre la presse.

Aymen n’était pas seulement coordinateur : il accueillait et hébergeait les journalistes, mettait à leur disposition un logement sûr lors des fermetures de la ville, et les transportait sur des routes de montagne difficiles, veillant à ce que la voix des habitants de Tammoun atteigne le monde malgré le siège.

Sa vigilance politique et de terrain l’amenait aussi à alerter sur les projets d’expulsion avant même le déclenchement du conflit du 7 octobre 2023. Par exemple, le 4 octobre 2023, il a documenté le déplacement de communautés bédouines pour la construction d’une école religieuse d’implantation, signalant des maisons vidées et un péril imminent ( https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2015/12/18/%D8%A7%D9%84%D8%A7%D8%B3%D8%AA%D9%8A%D8%B7%D8%A7%D9%86 ).

Un champ d’action privé de témoins

Amir Dawood, directeur de la publication et de la documentation au sein de la Commission de résistance au mur et à la colonisation (https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2025/9/10/%d9%87%d9%8a%d8%a6%d8%a9-%d9%85%d9%82%d8%a7%d9%88%d9%85%d8%a9-%d8%a7%d9%84%d8%ac%d8%af%d8%a7%d8%b1-%d9%88%d8%a7%d9%84%d8%a7%d8%b3%d8%aa%d9%8a%d8%b7%d8%a7%d9%86-%d9%85%d8%a4%d8%b3%d8%b3%d8%a9), alerte sur l’augmentation spectaculaire des pressions pesant sur la documentation de terrain.

Selon lui, les attaques des colons sont devenues plus organisées et s’appuient sur des groupes quasi-militaires, ce qui complique le travail des équipes et des volontaires et rend le rôle d’un enregistrement professionnel et rapide encore plus crucial pour préserver la vérité.

Dawood souligne par ailleurs la montée d’une stratégie ciblée contre les documenteurs : intimidation verbale, agressions physiques, détentions temporaires, confiscation de téléphones et arrestations directes, comme dans le cas d’Aymen.

Aymen, obstacle à l’impunité

Pour Amir Dawood, Aymen n’était pas seulement un « porteur de caméra » : il avait la capacité de déconstruire la narration israélienne et d’exposer les pratiques des militias de colons et des « jeunes des collines » dans les points de confrontation quotidiens des Aghwar (https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2024/4/17/%D8%B4%D8%A8%D9%8A%D8%A8%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D9%84%D8%A7%D9%84-%D9%85%D8%AC%D9%85%D9%88%D8%B9%D8%A7%D8%AA-%D8%B4%D8%A8%D8%A7%D8%A8%D9%8A%D8%A9-%D9%8A%D9%87%D9%88%D8%AF%D9%8A%D8%A9).

Il rappelait ainsi aux responsables et aux forces en place que l’absence de témoins et de preuves facilite l’effacement des crimes sur le terrain. Privé de sa caméra et de sa présence, le terrain risque de devenir une zone d’impunité accrue.

La détention administrative d’Aymen Gharib prive aujourd’hui la société civile d’un témoin actif et soulève de nombreuses questions sur la liberté d’action des documenteurs et la protection des droits dans les zones les plus exposées de Cisjordanie.

Image 1 : Aymen Gharib visé par des tirs et des poursuites de colons à plusieurs reprises, ici lors d’un reportage dans le village d’al-Sawiya — photo : Bilal Gharib — source : Al Jazeera.

Aymen Gharib exposé aux tirs et poursuites par des colons

Image 2 : Aymen après des actes de torture présumés à la base militaire de Samra dans les Aghwar, transféré ensuite à l’hôpital — source : réseaux sociaux / Mi Shahin.

Aymen après des actes de torture présumés à la base de Samra

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/12/8/%d8%a3%d9%8a%d9%85%d9%86-%d8%ba%d8%b1%d9%8a%d8%a8-%d9%88%d8%ab%d9%82-%d8%a7%d9%84%d8%a7%d9%86%d8%aa%d9%87%d8%a7%d9%83%d8%a7%d8%aa-%d9%88%d8%a7%d9%84%d8%aa%d9%87%d8%ac%d9%8a%d8%b1

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