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La Chine a mené pendant deux jours les exercices militaires baptisés « Justice Mission 2025 » autour de Taïwan, marquant la sixième série de manœuvres à grande échelle depuis 2022. Ces exercices, plus vastes que les précédents, ont simulé l’encerclement de l’île et le blocus de ses principaux ports, perturbant vols et liaisons maritimes et relançant les inquiétudes régionales. Les observateurs parlent d’un tournant dans les exercices militaires Chine Taïwan, tant par l’ampleur des zones couvertes que par l’objectif explicite de couper Taïwan du monde extérieur.
Déroulement des manœuvres
Les manœuvres ont débuté lundi dans les eaux et l’espace aérien au nord, au sud-ouest, au sud-est et à l’est de l’île principale, selon le porte-parole du Commandement de théâtre de l’Est, Shi Yi. L’exercice a mobilisé destroyers, frégates, avions de chasse, bombardiers, drones et missiles longue portée pour simuler la prise de contrôle de l’espace aérien, le blocus des ports et des frappes contre des infrastructures critiques et des cibles mobiles.
Mardi, des tirs réels ont été effectués durant une fenêtre de dix heures dans cinq zones autour de Taïwan. Selon le ministère de la Défense de Taïwan, entre 6 h lundi et 6 h mardi, les forces chinoises ont été suivies sur 130 sorties aériennes, 14 navires de guerre et huit navires « officiels », et au moins 90 incursions ont franchi la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) taïwanaise.
La garde côtière taïwanaise a indiqué que sept roquettes ont été tirées dans deux zones d’exercice autour de l’île, et des images publiées par l’Armée populaire de libération sur les réseaux sociaux montrent des tirs de longue portée en mer.
Ce qui a changé par rapport aux précédentes éditions
Ces exercices se distinguent par l’étendue des zones engagées, notamment au sud et au sud-est, où les manœuvres ont franchi les eaux territoriales selon des analystes. Cette évolution représente, d’après plusieurs experts, une escalade notable par rapport aux précédentes rotations.
Autre nouveauté majeure : la focalisation explicite sur le blocus de l’île et de ses grands ports, comme Keelung et Kaohsiung. Le message est clair — démontrer une capacité A2/AD (anti-access/area denial) pour empêcher l’accès et isoler Taïwan de partenaires extérieurs potentiels.
Les conséquences seraient lourdes : au-delà des livraisons d’armements, un blocus affecterait des importations vitales, notamment de gaz naturel et de charbon, et perturberait des routes maritimes essentielles transitant par le détroit de Taïwan.
Motivations affichées par Pékin
Pékin explique tenir ces exercices pour punir et dissuader les « forces séparatistes » cherchant l’indépendance de Taïwan et pour défendre sa souveraineté territoriale. Les manœuvres interviennent quelques jours après l’approbation par Washington d’une vente d’armes record à Taïwan.
En réponse à cette vente, la Chine a annoncé des sanctions contre des entreprises et individus américains, tandis que des tensions diplomatiques récentes avec le Japon, liées à des déclarations sur la sécurité régionale, semblent également alimenter la montée en puissance des démonstrations de force.
Réponse de Taïwan
Face aux exercices, Taïwan a déployé des navires et surveillé étroitement toutes les incursions dans son ADIZ. Le ministère de la Défense a signalé un important mouvement d’aéronefs et de navires et a suivi les tirs et manœuvres à proximité des îles périphériques.
Les autorités taïwanaises ont dû annuler plus de 80 vols intérieurs et anticipent des retards pour plusieurs centaines de vols internationaux en raison du déroutement des couloirs aériens. Le ministre de la Défense a qualifié les actions de Pékin de « guerre cognitive », visant à épuiser les capacités de défense et à semer la discorde au sein de la société taïwanaise.
Réactions internationales et enjeux
La réponse officielle américaine est restée mesurée : le président des États-Unis a déclaré ne pas être particulièrement inquiet, soulignant ses relations personnelles avec le dirigeant chinois et n’annonçant pas d’escalade verbale immédiate. Des analystes estiment qu’une posture prudente vise à préserver les canaux diplomatiques et un calendrier de pourparlers commerciaux bilatéraux.
Les manœuvres inquiètent toutefois les voisins régionaux et les acteurs du commerce mondial, en raison du risque de perturber durablement le trafic maritime et aérien dans une zone stratégique. Les tensions rappellent combien la sécurité du détroit de Taïwan est désormais au cœur des calculs militaires et géopolitiques en Asie-Pacifique.
À court terme, les exercices « Justice Mission 2025 » renforcent la pression sur Taïwan et testent la réaction des alliés et partenaires régionaux. À plus long terme, ils illustrent une montée en puissance des capacités et des doctrines militaires qui complexifient davantage la stabilité autour du détroit et la sécurité des routes commerciales internationales.