Le Pays d’Arto, premier long métrage de Tamara Stepanyan, est présenté comme une fiction qui poursuit son travail sur la mémoire et les fantômes familiaux. L’autrice, Arménienne installée en France, réutilise son regard posé sur le passé pour explorer les traces d’un conflit et les récits qui restent vivants. Le récit suit une jeune veuve en Arménie qui cherche un acte de naissance et découvre que le voyage se transforme en enquête autour du mari Arto, disparu dans les guerres récentes. Dans ce film, la frontière entre mémoire personnelle et histoire collective est mise à l’épreuve, et le spectre du passé continue d’influer sur le présent.

Le voyage devient une enquête au cœur de l’Arménie
Le film suit Camille Cottin dans le rôle d’une veuve qui se rend en Arménie pour retracer les traces d’un mari et pour comprendre ce qui s’est passé autour d’Arto, figure absente autour de laquelle tout gravite. Le voyage, qui pouvait sembler cerner une consolation ou une réparation, se transforme en une enquête où des indices personnels rencontrent des témoignages publics. Arto a participé à des combats au Nagorno-Karabakh et, selon certains, a pris de mauvaises décisions, ce qui nourrit une série de récits contradictoires. À mesure que la veuve rencontre d’anciens amis, des vétérans et des témoins, elle ne retrouve pas son homme mais un ensemble de voix qui disent des choses différentes sur ce passé. Le récit se déroule dans un pays où la guerre n’est jamais vraiment terminée, et où le souvenir continue d’assiéger le présent.
Réalisé par une cinéaste venue du documentaire, Le Pays d’Arto prolonge le geste de mémoire et de deuil qui a animé les films précédents de Stepanyan, comme Mes fantômes arméniens. Le voyage est pensé non pas comme une simple rétrospective mais comme une fiction sans rupture qui permet d’approcher autrement l’histoire, tout en restant dans la continuité du travail de mémoire engagé auparavant.
Une fiction qui prolonge le travail de mémoire et du deuil
Avec Camille Cottin au cœur du récit, le film propose une méditation sur le deuil et les fantômes qui hantent les vies personnelles et collectives. Il assemble des voix — vétérans, amis, inconnu·e·s — sans trahir une vérité unique et sans éluder les récits qui s’opposent. Cette approche, fidèle au ton mesuré de Stepanyan, offre une image d’Arménie où les histoires se croisent et où les traumatismes passés continuent d’imprégner le présent. Le Pays d’Arto invite le spectateur à réfléchir à la façon dont les sociétés racontent leur passé et à la manière dont le cinéma peut favoriser un dialogue entre mémoire et réalité.