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Une nouvelle étape dans la longue liste des affaires de violences sexuelles dans le milieu ecclésiastique en France a été franchie avec le classement sans suite de l’enquête concernant la congrégation de Bétharram. Cette procédure portait sur des accusations de violences, viols et agressions sexuelles sur mineurs au sein de l’établissement Ozanam de Limoges, couvrant la période de 1966 à 1975.
Une investigation menée mais où la prescription a eu raison des poursuites
Après plusieurs mois d’enquête par la Section de Recherches de Limoges (SIPJ), le parquet a décidé de clôturer l’affaire en raison du décès des prêtres mis en cause, tous décédés à ce jour. Selon Émilie Abrantes, procureure de la République à Limoges, cette extinction de l’action publique empêche toute poursuite judiciaire, même si l’enquête a permis d’établir une concordance entre témoignages et identités des prêtres impliqués.
Les plaignants, scolarisés à l’époque dans cet établissement catholique, ont déposé neuf témoignages + et sept plaintes formelles accusant des violences physiques, viols et autres agressions sexuelles. Parmi eux, quatre ont élargi leur plainte en évoquant un « crime contre l’humanité », un terme juridique contesté en raison du délai de prescription, puisque cette infraction n’a été intégrée dans le Code pénal qu’en 1994, et ne concerne à l’époque que les crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les limites législatives et le poids des délais de prescription
Ce cas illustre les difficultés rencontrées par les victimes pour faire reconnaître leur douleur face à la prescription. La majorité d’entre elles, désormais âgées, ne peuvent faire valoir juridiquement leurs accusations en raison des délais qui débutent généralement à la majorité ou à la fin des abus, pouvant atteindre 30 ans pour les violations sexuelles. Sur plus de 200 plaintes déposées à Pau, seules deux ont échappé à la prescription, en dépit de l’élargissement progressif de la législation depuis les années 1990.
Les plaignants ayant tenté de contourner ces délais en évoquant des « crimes contre l’humanité » ont été confrontés à la rigidité du cadre législatif, dans un contexte où ces infractions n’étaient pas reconnues avant 1994. La procureure a ainsi souligné le caractère limité de ces recours, malgré la volonté de certains victimes de faire reconnaître leur douleur et obtenir justice.
Une problématique systémique toujours actuelle
Alors que ces affaires constituent une réalité douloureuse pour de nombreuses victimes, elles soulèvent aussi un enjeu majeur pour la société française : la nécessité de réformer le cadre législatif pour mieux protéger les victimes et lutter contre l’impunité. Le collectif des anciens d’Ozanam dénonce une impunité encore trop présente, alimentée par les délais et la difficulté pour les victimes de se faire entendre, surtout lorsqu’elles avancent avec l’âge.
Le cas de Bétharram s’inscrit dans un contexte plus vaste, où des centaines de victimes attendent que justice se fasse, face à des lois parfois inadaptées pour traiter des abus dans des institutions qui ont durablement marqué la jeunesse de plusieurs générations.