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Affaire Escoire, Henri Girard, triple meurtre, accusation, famille Girard : soixante-dix‑huit ans après le drame, la fille d’Henri Girard affirme dans un livre que son père lui aurait avoué le massacre, et rompt le silence sur l’un des faits divers les plus débattus de la Dordogne.
Affaire Escoire, Henri Girard, triple meurtre, accusation, famille Girard : la révélation de Catherine Girard
Dans In violentia veritas, publié cette rentrée, Catherine Girard raconte qu’à l’adolescence son père lui avait avoué le crime. « Je ne peux pas ne pas te répondre », aurait dit Henri Girard à sa fille alors âgée de 14 ans, lorsqu’elle lui demandait pourquoi on la surnommait « la fille de l’assassin ». L’autrice, qui refuse presque toutes les interviews, écrit : « Nos innocences se sont parlé, et comme j’avais eu vent de son désastre, il me l’a confié. »
Ce livre marque la troisième reprise littéraire de l’affaire mais la première fois que la petite‑fille et petite‑nièce des victimes donne sa version personnelle. Le PDG de Grasset, Olivier Nora, a déclaré à l’AFP : « Le dissensus au sein de la famille ne nous regarde pas. La force littéraire de ce livre est indiscutable et c’est ce qui nous a donné envie de le programmer à la rentrée ». L’éditeur en a fait imprimer 16 000 exemplaires.
Les faits : le triple meurtre du château d’Escoire le 24 octobre 1941
La nuit du 24 octobre 1941, au château d’Escoire, un bâtiment du XVIIIe siècle en Dordogne, trois personnes sont retrouvées sauvagement tuées à la serpe : Georges et Amélie Girard, frère et sœur, et Louise Marie Soudeix, la femme de chambre. Georges et Amélie, qui vivent à Paris, étaient venus passer quelques jours dans leur propriété avec le fils de Georges, Henri Girard.
Louise, retrouvée ensanglantée dans la cuisine, avait subi de nombreuses mutilations : son dos présentait dix‑huit coups de serpe. Le gardien du domaine affirme avoir prêté la serpe à Henri la veille des meurtres. René Taulu, fils des gardiens, assure avoir vu le château plongé dans l’obscurité vers 21h30, et le tableau d’alimentation électrique se trouvait dans la chambre d’Henri, ce qui alimente les soupçons.
Henri Girard, alors âgé de 24 ans, a nié les faits en évoquant un cambriolage. Aucune trace d’effraction n’a toutefois été relevée, toutes les issues étaient verrouillées et rien ne semblait manquer dans le logis.
Procès et acquittement à Périgueux en mai 1943
Incarcéré pendant dix‑neuf mois dans des conditions difficiles, Henri Girard comparaît devant la Cour d’assises de la Dordogne à Périgueux le 27 mai 1943, risquant la peine capitale. Les comptes rendus de l’époque mettent en avant sa froideur et son détachement.
Après cinq jours d’audience, Me Maurice Garçon mène la défense et convainc les jurés : en moins de quinze minutes, ils prononcent l’acquittement. Henri Girard sort de la cour sous les acclamations.
De l’héritier controversé à l’écrivain Georges Arnaud
Fils unique et héritier de la famille Girard, Henri mène une vie de dépense rapide, puis quitte la France en 1947 pour l’Amérique du Sud. En 1950, il réapparaît sous le nom de Georges Arnaud — combinant le prénom de son père et le nom de jeune fille de sa mère — et publie Le Salaire de la peur, qui connaît un grand succès. Le roman est ensuite porté à l’écran par Henri‑Georges Clouzot, avec Yves Montand et Charles Vanel ; le film reçoit la Palme d’Or à Cannes et l’Ours d’Or à Berlin.
Malgré ces succès, l’auteur du triple meurtre n’a jamais été formellement identifié. Georges Arnaud (Henri Girard) décède en 1987.
Reprises littéraires et positions divergentes au sein de la famille Girard
Le dossier a déjà alimenté la littérature : en 2017, Philippe Jaenada — lauréat du prix Femina pour La Serpe — et, quatre ans plus tard, Nan Aurousseau et Jean‑François Miniac (La Serpe rouge) ont proposé des pistes contradictoires, pointant successivement des suspects différents, notamment René Taulu pour Jaenada.
Dans In violentia veritas, c’est la propre fille d’Henri qui apporte un nouvel élément en affirmant l’aveu paternel dans les années 1970. Cette version est vigoureusement contestée par le demi‑frère de l’autrice. « Rien, dans la personnalité et le parcours d’Henri Girard, ne corrobore ces accusations », écrit‑il dans un communiqué à l’AFP. « Ces accusations sont gravissimes et nous les contestons fermement », ajoute Henri Girard, 78 ans, au nom de ses enfants et petits‑enfants.
En 1988, Catherine et son demi‑frère avaient toutefois gagné ensemble un procès pour diffamation contre Le Quotidien de Paris, qui qualifiait leur père d’assassin.
Éléments factuels restants et héritage du dossier
Le mystère judiciaire demeure : le meurtrier du château d’Escoire n’a jamais été identifié officiellement et plusieurs versions se sont affrontées au fil des décennies. Le livre de Catherine Girard ajoute une nouvelle voix aux débats familiaux et littéraires, sans apporter de décision judiciaire supplémentaire.
Les faits établis — le triple meurtre du 24 octobre 1941, l’inculpation puis l’acquittement d’Henri Girard en 1943, la carrière littéraire de Georges Arnaud, et les reprises récentes par d’autres auteurs — restent inchangés, tandis que la famille Girard se trouve à nouveau divisée sur la vérité des événements.