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Affaire French Bukkake : déni de justice pour les victimes

by Sara
France

La décision est tombée jeudi 6 février 2025, après trois reports. La chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris a décidé de renvoyer l’affaire French Bukkake, vaste affaire de viols sur des dizaines de femmes dans le milieu de la pornographie amateur, devant la cour criminelle départementale de Paris, écartant de fait plusieurs circonstances aggravantes.

Un déni de justice dénoncé

« C’est un déni de justice, réagit auprès du Point Me Lorraine Questiaux, avocate de trois parties civiles. On est dans l’incompréhension totale, d’autant que la France vient tout juste d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour ne pas avoir retenu la circonstance aggravante d’antisémitisme dans une autre affaire. On réfléchit très sérieusement à se pourvoir en cassation ».

Des viols massifs révélés

Fin août 2023, 17 hommes, âgés d’une trentaine à une soixantaine d’années, ont été renvoyés devant la cour criminelle départementale pour viols en réunion et/ou traite d’êtres humains en bande organisée, notamment. Onze mis en cause, comme 36 parties civiles, ont fait appel. Ces dernières ont demandé que les circonstances aggravantes d’actes de torture, de racisme et de sexisme soient retenues.

« On parle de viols massifs. Pascal OP, le gérant de la plateforme French Bukkake, louait un hangar, mettait une palette, la femme était déposée dessus et les hommes lui passaient tous dessus, en finissant par une éjaculation faciale. Certaines femmes ont fait état de lésions anales, de brûlure au visage, donc on est bien dans la torture », s’insurge Céline Piques, porte-parole de l’association Osez le féminisme qui s’est constituée partie civile dans le dossier, au même titre que deux autres associations féministes.

Les dérives de l’industrie pornographique

Au même titre que l’affaire Pelicot, le procès French Bukkake s’annonce comme un dossier emblématique sur la question des violences sexuelles. Cette fois, c’est le milieu de la pornographie qui est visé. Dans un rapport sénatorial publié en 2022, quatre sénatrices, dont l’ancienne ministre des familles, Laurence Rossignol, dénonçaient les violences systémiques contre les femmes d’une industrie devenue « une machine à broyer les femmes ». Elles y rappelaient que l’immense majorité des scènes pornographiques actuelles contiennent de la violence explicite.

« Ce procès doit marquer un tournant, en reconnaissant la gravité des violences sexuelles dans cette industrie et en mettant en lumière les mécanismes d’exploitation qui permettent ces abus », estime par message Léonie (prénom modifié), 27 ans, et partie civile dans le dossier.

Viol d’abattage et exploitation

Le début de l’enquête remonte à 2020. Des gendarmes de la section de recherches de Paris mènent une veille sur Internet lorsqu’ils tombent sur le site French Bukkake : on y propose de payer un abonnement pour participer en priorité à des éjaculations collectives et filmées sur des femmes. En octobre 2020, une information judiciaire est ouverte, notamment pour « viols », « traite d’êtres humains aggravée », et « proxénétisme aggravé ». Les enquêteurs identifient rapidement plusieurs suspects dont le gérant Pascal OP, Mathieu L., son associé, et Julien D., qui appâtait les femmes en se faisant passer pour « Axelle Vercoutre », une escort-girl « alliée », avant, selon l’accusation, de les violer. Ils font aujourd’hui partie des quatre accusés (sur 17) également renvoyés pour traites d’êtres humains en bande organisée.

Les victimes dans l’attente de justice

Les vidéos sont ensuite diffusées sur de nombreux sites pornographiques, dont Jacquie et Michel, Dorcel, les deux mastodontes du porno français, ou encore la plate-forme VOD d’Orange. Les sociétés mises en cause disent n’avoir eu aucune connaissance des agissements des accusés. « Depuis 2020, les processus d’acquisition du groupe ont été drastiquement renforcés notamment avec la mise en place d’une charte éthique », se défend le groupe Dorcel, qui a par ailleurs supprimé de nombreuses vidéos de son site au moment des premières interpellations.

Dans l’attente d’un procès, les victimes du dossier French Bukkake peinent à se reconstruire. Après avoir subi des viols filmés, elles doivent maintenant lutter pour faire supprimer les vidéos de plateformes, souvent hébergées à l’étranger. « Le site French Bukkake a été fermé, mais n’importe qui peut remettre en ligne ces contenus sur les grandes plateformes américaines. Il y a encore des dizaines voire des centaines de vidéos en ligne, hors les plateformes ne répondent pas aux demandes de retrait », dénonce Céline Piques d’Osez le féminisme. Conséquence, Léonie, comme les autres victimes, vit constamment dans la peur d’être reconnue.

Dix-sept hommes ont été renvoyés devant la cour criminelle départementale pour viols en réunion et/ou traite d’êtres humains en bande organisée, notamment.

French Bukkake | Viols | Justice | Pornographie | Paris | France
source:https://www.lepoint.fr/societe/french-bukkake-les-parties-civiles-denoncent-un-deni-de-justice-11-02-2025-2582220_23.php

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