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Les agences de fertilité proposant la sélection d’embryons pour la fécondation in vitro (FIV) et la gestation pour autrui sont sous le feu des critiques pour avoir prétendument promu l’eugénisme et trompé les consommateurs sur le pouvoir du dépistage génétique.
Des cliniques américaines en cause
Certaines cliniques américaines affirment pouvoir « classer » les embryons pour la FIV en utilisant un système de dépistage génétique, le Test Génétique Préimplantatoire pour le Risque Polyénique (PGT-P), qui est illégal au Royaume-Uni. Elles soutiennent que ce processus peut détecter la probabilité qu’un embryon développe ultérieurement des maladies telles que la schizophrénie et le cancer du sein.
Analyse critique des méthodes proposées
Une analyse publiée dans la revue médicale Nature a révélé que cette nouvelle méthode, utilisée par les cliniques pour vendre des services de fertilité, « n’est pas suffisamment efficace ou robuste pour la sélection d’embryons ». L’étude a également averti que le PGT-P « pourrait être utilisé de manière eugénique pour trier la valeur des embryons en fonction de traits désirables pour les consommateurs ».
Le coût des tests PGT-P peut varier entre 2 000 et 6 000 euros, en plus du prix de la FIV et des coûts associés, qui peuvent déjà atteindre des dizaines de milliers d’euros. Le marché mondial de la fertilité est estimé à plus de 34 milliards d’euros et devrait presque doubler de valeur au cours de la prochaine décennie. L’industrie est non réglementée dans de nombreux pays, permettant aux cliniques d’offrir des services de test à des prix élevés, soutenus par des preuves scientifiques fragiles.
Exemples de cliniques et leurs affirmations
Une clinique, le Virginia Centre for Reproductive Medicine, prétend pouvoir tester les embryons pour des conditions aussi variées que la schizophrénie, les maladies coronariennes et divers types de cancer. Ils affirment même être capables d’évaluer si l’enfant issu de l’embryon aura plus de chances de subir une crise cardiaque à l’âge adulte.
« Tous les risques de maladie pour chaque embryon sont fusionnés en un seul chiffre : le Score de Santé de l’Embryon (EHS). Les embryons sont ensuite classés (du risque le plus bas au plus élevé) à l’aide de ce chiffre EHS unique », indique le site de la clinique. Grâce à ce score, les embryons « sont prioritaires dans un ordre clair ». Le site affirme que le dépistage PGT-P peut réduire l’incidence des maladies de plus de 70 %.
Le point de vue des experts
Des experts estiment que de telles affirmations sont difficiles à justifier. Le PGT-P et le Score de Risque Polyénique (PRS) constituent un domaine de recherche actif et pourraient avoir un potentiel futur pour aider au diagnostic et aux décisions de traitement des patients. Cependant, bien que cela reste à prouver, ces méthodes ont été largement commercialisées par les fournisseurs de FIV, selon des chercheurs d’universités japonaises de renom.
Les universitaires japonais soulignent que le PGT-P présente plusieurs problèmes. Premièrement, les avantages de santé supposés des embryons sélectionnés peuvent être « trop petits pour être validés ou avoir un sens clinique ». De plus, ils ont découvert qu’un même embryon peut recevoir un score élevé ou bas selon la méthodologie utilisée pour évaluer les résultats des tests.
Conséquences éthiques et sociales
Les opinions des chercheurs sont corroborées par l’Autorité de Fertilisation et d’Émbryologie du Royaume-Uni, qui déclare que le PGT-P « ne répond pas aux critères de dépistage génétique et n’est actuellement pas soutenu par des preuves d’études scientifiques ». Elle explique que les scores de risque peuvent être « interprétés de manière trop rigide » et que le maintien d’un mode de vie sain a « probablement un impact plus important sur la prévention des maladies ». De plus, l’utilisation du PGT-P peut en réalité réduire les chances d’avoir un bébé, car des embryons viables pourraient être rejetés.
Les scientifiques craignent également que cette méthode puisse être utilisée pour évaluer des traits de manière « eugéniste ». Certains clients du marché international de la FIV et de la gestation pour autrui ont déjà tenté de sélectionner des spermatozoïdes et des ovules pour avoir des enfants « grands et blonds ». L’idée que le PGT-P puisse être utilisé à des fins similaires ne semble pas farfelue.
Le PGT-P et ses limites
La méthode PGT-P est la plus récente parmi une variété de tests disponibles pour détecter d’éventuels défauts de santé des embryons, tels que le PGT-A, qui est utilisé pour déterminer si les embryons ont le bon nombre de chromosomes. Un embryon avec un nombre incorrect de chromosomes peut ne pas s’implanter, entraîner une fausse couche ou aboutir à un enfant atteint de troubles chromosomiques tels que le syndrome de Down.
Bien que les preuves concernant l’efficacité du PGT-A soient mitigées, des études suggèrent qu’il peut améliorer les taux de naissances vivantes dans certains groupes d’âge. Le PGT-P, quant à lui, analyse les gènes plus en détail, évaluant les risques de troubles polygéniques, c’est-à-dire les problèmes médicaux associés à des variantes génétiques sur plusieurs gènes. Les cliniques proposant ce test évoquent des études soutenant son potentiel, mais la communauté médicale et scientifique est plus sceptique.
En fin de compte, le PGT-P n’est utilisé que depuis 2019, et il est donc impossible de tirer des conclusions sur les résultats de santé à long terme des personnes nées après avoir subi ce test. Le processus est controversé sur le plan scientifique, et les questions concernant les lacunes techniques et les enjeux éthiques restent sans réponse définitive. Malgré cela, les cliniques continuent de facturer des milliers d’euros aux patients subissant une FIV pour des tests génétiques, indépendamment des voix appelant à la prudence.