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Une nouvelle étude menée par des experts américains suggère que l’intelligence artificielle (IA) pourrait réduire les coûts du dépistage du cancer du sein de près de 30 % grâce à une collaboration efficace avec les radiologues humains, plutôt qu’en les remplaçant totalement.
Une stratégie de délégation pour optimiser le dépistage cancer du sein
Le modèle présenté dans cette recherche privilégie une approche de « délégation » où l’IA prend en charge le tri initial des mammographies à faible risque, tandis que les cas à risque élevé ou ambigus sont transférés aux radiologues pour un examen approfondi. Cette méthode permettrait de réduire significativement les coûts tout en garantissant la sécurité des patientes.
Mehmet Eren Ahsen, professeur en administration des affaires et expert en innovation santé-technologie à l’Université de l’Illinois, souligne : « La vraie valeur de l’IA ne réside pas dans le remplacement des humains, mais dans l’aide qu’elle leur apporte par un partage stratégique des tâches. »
Comparaison des méthodes d’évaluation des mammographies
Les chercheurs ont élaboré un modèle décisionnel pour comparer trois stratégies dans le dépistage du cancer du sein :
- La méthode « expert seul » où les radiologues analysent chaque mammographie, norme clinique actuelle.
- La méthode d’automatisation complète, où l’IA évalue toutes les images sans supervision humaine.
- La stratégie de délégation, où l’IA effectue un premier tri et passe la main aux radiologues pour les cas complexes.
Cette modélisation intègre divers coûts, tels que l’implémentation, le temps des radiologues, les examens complémentaires et les risques juridiques. Elle s’appuie sur des données réelles issues d’un défi mondial de crowdsourcing en IA pour la mammographie, lié à l’initiative Cancer Moonshot des États-Unis.
Des économies substantielles sans compromis sur la sécurité
Selon les résultats publiés dans la revue Nature Communications, la stratégie de délégation offre jusqu’à 30,1 % d’économies par rapport aux autres méthodes. Elle permet de réduire les coûts liés au dépistage tout en maintenant une qualité diagnostique élevée.
Mehmet Ahsen avertit cependant que « l’automatisation totale reste risquée car l’IA ne peut pas encore rivaliser avec le jugement humain pour les cas complexes ou douteux ». L’IA excelle à détecter les mammographies à faible risque, mais les radiologues restent indispensables pour les diagnostics difficiles.
Un enjeu majeur pour la santé publique
Aux États-Unis, environ 40 millions de mammographies sont réalisées chaque année. Ce dépistage massif est crucial pour détecter précocement le cancer du sein, mais il engendre également un grand nombre de faux positifs et de faux négatifs, générant stress et examens supplémentaires.
Un taux de faux positifs de 10 % correspond à environ 4 millions de femmes rappelées pour des analyses supplémentaires, pouvant aboutir à des biopsies inutiles. « Ce processus accentue l’anxiété des patientes, souvent laissées dans l’incertitude pendant des semaines », explique Ahsen.
Améliorer le parcours patient grâce à l’IA
La délégation par IA pourrait simplifier et accélérer le parcours de dépistage. Par exemple, si l’IA détecte une anomalie suspecte lors de la mammographie, la patiente pourrait être immédiatement orientée vers un examen complémentaire, sans délai supplémentaire.
Cette efficacité accrue pourrait réduire le stress des patientes et optimiser les ressources hospitalières.
Perspectives et défis de l’intégration de l’IA en radiologie
Les chercheurs insistent sur la nécessité d’adapter la stratégie d’intégration de l’IA selon la prévalence du cancer du sein dans la population. En cas de forte prévalence, une implication plus importante des radiologues demeure nécessaire, tandis que dans les zones à faible effectif médical, notamment dans certains pays en développement, l’IA peut s’avérer particulièrement utile.
Un autre défi concerne la responsabilité juridique : si les systèmes d’IA sont soumis à des normes de responsabilité plus strictes que les professionnels humains, les établissements de santé pourraient hésiter à adopter ces technologies, malgré leur rentabilité.
Applications futures au-delà de la radiologie
Les conclusions de cette étude sont également pertinentes pour d’autres disciplines médicales nécessitant une grande précision diagnostique, comme la pathologie ou la dermatologie, où l’IA peut améliorer l’efficacité des processus sans se substituer complètement aux experts humains.
Le professeur Ahsen conclut : « L’IA, avec sa capacité de travail illimitée et sa disponibilité 24h/24, continuera à transformer le secteur de la santé. Notre cadre d’analyse vise à guider les décideurs dans l’intégration raisonnée de ces outils, en évaluant non seulement ce que l’IA peut faire, mais aussi ce qu’elle devrait faire, dans quelles conditions et avec quel rôle complémentaire pour l’humain. »