La mission Artemis II de la NASA pourrait décoller dès le 5 février 2026, a annoncé l’agence américaine, ouvrant une fenêtre de lancement jusqu’au 26 avril 2026 et relançant de facto la compétition pour la Lune.
Calendrier et objectifs de la mission Artemis II
Après des années de reports, la date annoncée met fin à une longue période d’incertitude. La NASA confirme que le premier survol habité de la Lune depuis plus d’un demi‑siècle vise désormais un départ début février 2026, la fenêtre s’étalant jusqu’au 26 avril 2026. La sécurité de l’équipage demeure « la priorité absolue », mais la pression politique et géostratégique est forte ; l’administration Trump souhaite un retour rapide sur la Lune, face aux ambitions chinoises d’y envoyer des hommes et d’y installer une base dans les prochaines années.
La remise à l’horaire de cette mission constitue une prouesse après le report initial prévu en 2024, lié à des « défaillances critiques » observées lors d’Artemis I, vol non habité lancé en novembre 2022. Le principal point de friction fut la dégradation inattendue du bouclier thermique de la capsule Orion lors de sa rentrée atmosphérique à haute vitesse. Rick Henfling, directeur du vol d’entrée d’Artemis II, a confirmé que des tests approfondis ont permis de comprendre les conditions thermodynamiques responsables et que la trajectoire de la mission a été adaptée pour éviter ce phénomène.
Le lanceur SLS (Space Launch System), développé par Boeing, est « pratiquement assemblé ». L’équipage, constitué officiellement en avril 2023, a baptisé sa capsule Orion « Integrity » (Intégrité), un nom destiné à symboliser la confiance et l’effort collectif des milliers d’ingénieurs et scientifiques impliqués.
La perspective d’un succès rapide intéresse au‑delà des enjeux techniques : « Je pense que la Chine va tout faire pour tenir 2029 afin de se poser sur la Lune pour le 80e anniversaire de la République populaire », nous expliquait Philippe Coué en juin 2024, ajoutant que « les Chinois pourraient totalement dépasser les États‑Unis d’ici dix ans » dans le domaine spatial. Artemis II n’est donc pas seulement un test technique, c’est aussi une déclaration de souveraineté.
Équipage d’Artemis II et essais techniques et scientifiques
Quatre « explorateurs modernes » embarqueront pour un périple de 10 jours ; ils ne fouleront pas le sol lunaire — cet honneur est réservé à Artemis III, prévue pour la mi‑2027 — mais iront plus loin que n’importe quel équipage depuis 1972. Reid Wiseman commandera la mission ; Victor Glover assurera le rôle de pilote ; Christina Koch sera responsable des observations géologiques ; Jeremy Hansen représentera l’Agence spatiale canadienne, devenant le premier Canadien à s’aventurer vers la Lune.
La trajectoire choisie est une « trajectoire de retour libre » : Orion s’approchera à plus de 9 260 kilomètres au‑delà de la Lune, utilisant les champs gravitationnels lunaire et terrestre pour permettre un retour automatique vers la Terre sans propulsion supplémentaire, garantissant une sécurité en cas de panne en vol.
Durant le vol, les astronautes testeront des manœuvres critiques : après séparation de l’étage de propulsion, Orion passera en mode manuel pour que l’équipage s’entraîne à s’approcher puis s’éloigner de cet étage, qui servira de cible — une répétition indispensable pour préparer le rendez‑vous délicat avec l’atterrisseur Starship de SpaceX lors d’Artemis III.
Au‑delà des vérifications techniques, la mission embarque un programme scientifique et médical dense. Les membres d’équipage porteront des bracelets moniteurs pour suivre en permanence leur sommeil, leur activité et leur état cognitif dans le cadre de l’étude ARCHeR, destinée à analyser l’impact de l’isolement et du stress sur la santé mentale et la cohésion d’équipe en espace lointain.
Des échantillons de sang et de salive séchée seront collectés — la réfrigération étant impossible dans Orion — afin d’étudier la réponse immunitaire au stress spatial et la possible réactivation de virus dormants, comme le zona, déjà observée sur l’ISS. L’une des expériences les plus innovantes utilisera de minuscules « organes sur puce », des dispositifs contenant des cellules de moelle osseuse prélevées sur les astronautes pour mesurer en temps réel les effets des radiations. Comme l’a expliqué la scientifique Nicky Fox lors d’une conférence de presse : « Je ne vais pas disséquer un astronaute, mais je peux analyser ces petits organoïdes. »
Christina Koch mènera parallèlement une campagne d’observations géologiques, photographiant cratères et coulées de lave lors du survol de la face cachée lunaire, afin de fournir des données essentielles pour préparer l’alunissage d’Artemis III.
Le succès d’Artemis II conditionnera en grande partie l’avenir du programme lunaire américain. Artemis III dépend du système d’atterrissage humain Starship HLS développé par SpaceX, un projet qui accuse d’importants retards et repose sur des manœuvres orbitales complexes, notamment le ravitaillement en orbite terrestre. Certains anciens responsables de la NASA estiment que l’atterrisseur ne sera pas opérationnel avant 2028, voire 2032, ce qui pèse sur le calendrier global du programme.
En décollant potentiellement dès février 2026, Artemis II envoie néanmoins un message aux partenaires internationaux et aux rivaux : la capacité américaine à opérer en espace lointain est en train d’être restaurée, après un demi‑siècle d’absence humaine autour de la Lune.