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Pour les salariés sans diplôme ou les réfugiés sans qualification reconnue en France, l’intégration professionnelle peut être un chemin semé d’embûches. Une étude montre la possibilité de contourner l’absence de réseaux ou de titres académiques en misant sur son capital psychologique.
La tyrannie du diplôme en France
Si la centralité du diplôme dans le processus de recrutement est une affaire de bon sens, seules les compétences et les performances devraient être prises en compte par la suite. Or, c’est rarement le cas. Bienvenue en France, où prévaut la « tyrannie du diplôme initial ».
Les défis des populations ciblées
Notre étude est le fruit de deux recherches menées indépendamment. La première s’intéresse à la carrière des salariés peu qualifiés dans une grande entreprise française de télécommunications, que nous appellerons T par souci d’anonymisation. La seconde examine le devenir professionnel des réfugiés en France en provenance de zones de conflits, tels que la Syrie ou l’Afghanistan.
Ces deux populations souffrent d’un capital sociologique déficient au regard de leur environnement professionnel. Les premiers sont désavantagés par l’insuffisance de titres dans un milieu qui valorise les diplômes d’excellence, tandis que les seconds se heurtent à la disqualification de leur bagage culturel et à la disparition de leurs réseaux sociaux dans l’exil.
Réussir sans qualifications
Comment comprendre que certains réussissent professionnellement malgré un manque de qualifications ? Nous avons fait appel au concept de ressources de carrière. Cette notion comprend des ressources psychologiques et sociales, en capital humain (éducation, formation, expérience) et identitaires (conscience de son identité professionnelle) qu’un individu peut mobiliser au service de sa carrière.
PsyCap ou capital psychologique
Nos résultats montrent que près de la moitié des personnes interrogées, peu diplômées ou aux qualifications non reconnues en France, ont réussi à s’inscrire dans des trajectoires professionnelles plus ascendantes que ce qu’une analyse sociologique aurait pu laisser prévoir.
Ces individus sont capables de transformer leurs ressources personnelles et valeurs personnelles en ressources pour faire carrière. L’étude révèle la puissance du capital psychologique, ou PsyCap, pour initier ou relancer une carrière, même sans capitaux sociologiques traditionnels.
Le PsyCap se compose de quatre dimensions, selon le professeur de gestion Luthans :
- Confiance : Croyance en sa capacité à transformer ses efforts en succès.
- Optimisme : Attribution positive concernant le succès présent ou futur.
- Espoir : Orientation vers les objectifs et capacité à modifier les chemins pour y parvenir.
- Résilience : Capacité à rebondir face à l’adversité.
Processus de carrière
L’analyse des récits des salariés et réfugiés révèle trois processus distincts pour faire carrière sans diplôme ni réseaux sociaux en France : construction, activation et obstruction.
Construction
Le premier processus, la construction, concerne ceux sans diplôme qui s’appuient sur leurs ressources psychologiques et éthiques pour bâtir leur parcours. Ces ressources agissent comme leviers pour créer des opportunités. Par exemple, Samuel, entré chez T sans qualification, a gravi les échelons grâce à des formations et au soutien de son management.
Travail de deuil
Le second groupe, représentant un tiers de l’échantillon, illustre un processus d’activation. Ceux-ci, dotés d’un bon capital initial, mobilisent leurs ressources psychologiques pour avancer dans leur carrière. Sami, réfugié et ancien journaliste iranien, a dû recommencer à zéro en France, mais a réussi à retrouver un emploi en utilisant ses compétences.
Focalisation sur les obstacles
Un quart des répondants ressentent un sentiment d’échec professionnel malgré un bon capital sociologique. Ils sont freinés par un état d’esprit négatif et se concentrent sur les obstacles. Néda, ingénieure et docteure, exprime un ressenti pessimiste sur sa carrière, dénonçant les discriminations et les inégalités dans le processus de recrutement.

Les ressources psychologiques comme levier
Cette recherche suggère que, bien que les inégalités de départ soient significatives, elles ne sont pas une fatalité. En développant des ressources psychologiques telles que la confiance en soi, l’optimisme, l’espoir et la résilience, il est possible de surmonter l’absence de réseaux ou de diplômes. Ces qualités permettent de rebondir, d’apprendre et, parfois, de réussir là où cela semblait improbable.