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Gaza : La profession étonnante de réparation d’argent endommagé
Dans un petit stand du marché de la ville de Deir al-Balah, au cœur de la bande de Gaza, le jeune Abdo Abu Alwan s’installe chaque jour pour restaurer et réparer les billets de banque déchirés. Cette activité vise à maintenir leur circulation parmi les citoyens, moyennant une modeste rémunération.
Jamais Abdo n’aurait imaginé exercer un jour ce métier singulier. Plusieurs expériences personnelles difficiles l’ont conduit à ce choix, notamment le refus des commerçants d’accepter des billets qu’ils considéraient comme « endommagés », alors qu’il tentait d’acheter des nécessités pour ses enfants et sa famille.
Avec la guerre israélienne qui perdure depuis près de 18 mois et l’interdiction imposée par l’occupant d’introduire de nouvelles coupures dans la bande de Gaza, ainsi que la fermeture prolongée des agences bancaires, les habitants doivent se contenter des mêmes billets usés. Cette situation complique davantage un commerce déjà fragile et favorise la prolifération de la fausse monnaie.
Une profession par nécessité pour pallier un besoin urgent
Abdo Abu Alwan confie : « Ce n’est pas mon métier, mais j’y ai été contraint pour subvenir à mes besoins quotidiens, en voyant que tous les habitants de Gaza utilisent des billets usés et déchirés, et que les commerçants refusent de les accepter. »
Il explique que tous les commerçants et vendeurs ambulants exigent des billets neufs à chaque achat, ce qui l’a poussé à se lancer dans la réparation des billets afin qu’ils restent acceptés, puisqu’aucune autre alternative n’existe à Gaza.
Les billets les plus souvent réparés sont ceux de 20 et 100 shekels anciens, en raison de leur état de dégradation avancé. Abdo précise que les commerçants refusent particulièrement les billets de 20 shekels à cause de leur usure importante, tout comme les pièces de 10 shekels qui ont disparu du marché il y a environ cinq mois.
Techniques simples et innovantes
Abdo décrit son travail : il utilise deux matériaux principaux. Le premier est une substance à séchage rapide, achetée au centimètre près auprès d’un fournisseur à Gaza, qui permet de réutiliser le billet réparé seulement cinq minutes après l’intervention.
Le second produit crée une couche vitrée sur le billet, camouflant ainsi les zones abîmées. Il est nécessaire de recolorer les déchirures pour masquer environ 70 % des défauts, ce qui facilite la réintroduction du billet dans la circulation monétaire.
Abdo précise qu’il demande un tarif minimal : 2 shekels pour réparer un billet de 20 shekels, et jusqu’à 5 shekels pour des coupures plus endommagées comme celles de 100 shekels, le dinar ou le dollar.
Origine de l’idée de réparation des billets
À proximité, un autre citoyen, Abu Al-Joud, explique que cette idée a émergé en novembre dernier, à mesure que la crise des billets usés s’aggravait entre commerçants et habitants.
Il raconte : « Au début, les billets étaient légèrement abîmés, mais avec la guerre et leur usage intensif sans renouvellement, la situation s’est gravement détériorée, d’autant plus que les banques restent fermées. »
La réalité des billets en circulation
Abu Al-Joud indique que le marché regorge aujourd’hui de billets de toutes sortes : bons, moyens, voire mauvais. Les billets très abîmés sont mis de côté et rarement utilisés, sauf en cas d’absolue nécessité.
Pour son travail, il se sert d’outils simples comme des ciseaux, de la colle et un fixateur, ainsi que de son expérience et de son œil aguerri pour évaluer l’état des billets et déterminer la méthode de réparation appropriée.
Les billets de 20 shekels sont les plus souvent réparés du fait de leur forte circulation, mais ils risquent d’être bientôt retirés de la circulation à cause de leur usure, comme cela est déjà arrivé aux pièces de 10 shekels.
La dégradation des billets cause un vrai problème
Hani Abu Nahl, un autre habitant, décrit la situation financière dans la bande de Gaza comme une « souffrance quotidienne ». La qualité des billets en circulation se détériore depuis plus de 18 mois, sans aucun renouvellement.
Il déclare : « Pour acheter quoi que ce soit, on découvre que la majorité des billets sont abîmés. Ces billets circulent depuis un an et demi entre les gens et les commerçants, sans alternative. »
Il ajoute que le problème commence dès la réception du salaire : « Quand je vais retirer mon salaire chez un commerçant qui fait de la commission, 80 % de l’argent qu’il me donne est en mauvais état, et seulement 20 % en bon état. Comment puis-je subvenir à mes besoins avec seulement 20 % de billets en bon état ? »
Il dénonce aussi que les commerçants ne se contentent pas de prélever une commission sur le salaire, mais leur rendent aussi les billets endommagés qu’ils ont eux-mêmes reçus, les obligeant à les faire réparer pour pouvoir à nouveau les utiliser.
Le coût de la réparation, un fardeau supplémentaire
Abu Nahl détaille les tarifs appliqués pour la réparation : « Chaque billet a son prix… Par exemple, un billet de 20 shekels coûte environ 1 shekel pour être réparé, d’autres billets peuvent coûter jusqu’à 4 shekels, et certains sont irréparables. »
Il souligne que la réparation n’est pas toujours une solution idéale : « Je répare un billet et je le remets en circulation, mais un autre commerçant peut le refuser, même si j’ai payé pour le réparer. »
Il conclut en parlant des réparateurs ambulants : « Leur intention est bonne et ils essaient d’aider, mais la réalité est plus complexe. Cette crise nécessite une solution radicale, pas un simple bricolage. »
Le paiement électronique, une piste pour sortir de la crise
Plusieurs internautes estiment que le recours aux transactions bancaires numériques pourrait considérablement atténuer les difficultés liées à la rareté de liquidités et aux échanges monétaires en pleine guerre israélienne.
Cependant, ils notent aussi que la cupidité de certains commerçants, qui profitent de la demande de liquidités pour vendre à des prix majorés sur le marché noir, complique cette solution.
Certains proposent d’adopter massivement le portefeuille électronique pour toutes les transactions, sans commissions, et de rendre son usage obligatoire et égalitaire. Chaque citoyen pourrait ainsi créer facilement son portefeuille numérique.
De nombreux observateurs insistent sur le fait que la généralisation du paiement numérique pourrait résoudre plusieurs crises accumulées dans la bande de Gaza, en facilitant les échanges et en évitant la détérioration continue des billets physiques.