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Pourquoi l’analphabétisme persiste-t-il au Maroc après 6 décennies ?
La marocaine Rahma Al-Baroudi a décidé d’apprendre à lire et à écrire à l’âge de cinquante ans. Elle s’est rendue à la mosquée de son quartier, une fois que ses enfants avaient grandi, pour suivre des cours religieux, avant d’être attirée par les sessions de femmes apprenant à lire et à écrire.
Après quatre années passées dans la mosquée à déchiffrer les lettres et les chiffres qui lui semblaient auparavant mystérieux et dénués de sens, Rahma a réussi, grâce à sa détermination et son assiduité, à écrire des lettres, puis des mots et des chiffres. Elle a même réussi à lire des phrases, mais ce dont elle est la plus fière, c’est d’avoir appris à lire le Coran toute seule.
Rahma a progressé du premier au deuxième niveau dans ses cours d’alphabétisation, obtenant deux certificats de fin de programme, tout en continuant à assister aux leçons religieuses et à mémoriser le Coran.
Un parcours long et complexe
Le Maroc a lancé sa première campagne nationale de lutte contre l’analphabétisme immédiatement après son indépendance en 1956, sous la direction du roi défunt Mohammed V. Cette campagne a bénéficié à un million de personnes, suivie d’une deuxième campagne l’année suivante qui a touché environ deux millions d’individus. D’autres programmes et stratégies ont suivi.
Selon le premier recensement officiel réalisé en 1960, le taux d’analphabétisme au Maroc était de 87 %, soit environ 9 personnes sur 10. Ce chiffre est descendu à plus de 60 % en 1982, puis à 40 % en 2004, et enfin à 32 % en 2014, pour atteindre 24,8 % en 2024.
Le Maroc a diversifié les programmes d’alphabétisation au fil des décennies, certains gérés par le ministère de l’Éducation nationale, d’autres par des ministères comme celui des Habous, de l’Agriculture et de l’Artisanat.
Les résultats des efforts gouvernementaux
Le programme d’alphabétisation dans les mosquées, lancé en 2000, a été une initiative clé dans ce parcours. Selon les données du ministère des Habous, plus de 4,5 millions de personnes ont été enregistrées dans ce programme depuis son lancement jusqu’en 2023, dont près de deux millions dans les zones rurales.
En 2013, le gouvernement a créé l’Agence nationale de lutte contre l’analphabétisme pour coordonner les efforts de lutte contre ce fléau, après un long parcours de gestion entre plusieurs ministères.
Depuis 2014, plus de 9,1 millions de personnes se sont inscrites à divers programmes d’alphabétisation, dont 85 % sont des femmes et 65 % vivent en milieu rural.
Les défis persistants
Entre 2015 et 2023, le gouvernement marocain a alloué environ 3 milliards de dirhams (300 millions de dollars) à l’Agence nationale de lutte contre l’analphabétisme, selon le dernier rapport de la Cour des comptes. Cependant, les statistiques montrent que le taux d’analphabétisme demeure élevé parmi les personnes de plus de 15 ans, avec plus de 7,5 millions d’analphabètes en 2024.
Cela soulève des questions sur les raisons de la persistance de l’analphabétisme malgré les ressources investies et les efforts déployés depuis les années 1950, ainsi que sur l’impact de cette situation sur le développement du pays.
Le spécialiste en éducation, Abdel Nasser Al-Naji, souligne que l’analphabétisme est alimenté par plusieurs facteurs, rendant son éradication difficile, surtout en raison de l’absence d’attention des politiques publiques envers ce problème pendant de nombreuses années.
Solutions et recommandations
Il est nécessaire d’accorder à l’Agence nationale de lutte contre l’analphabétisme tous les pouvoirs nécessaires pour superviser ce dossier. Selon Khaled Samdi, ancien membre de l’agence, il est crucial de rassembler les efforts sous une seule autorité et de mettre en place des programmes cohérents.
Les solutions doivent également inclure le renforcement de la formation et de la stabilité professionnelle pour ceux qui travaillent dans ce secteur. Le développement de la recherche scientifique est essentiel pour accélérer la lutte contre l’analphabétisme, en tenant compte des spécificités sociales, économiques et culturelles de chaque région.
En fin de compte, la définition même de l’analphabétisme évolue. L’accent doit désormais être mis sur la construction d’un système éducatif capable de préparer les individus aux défis futurs, ce qui rendra possible l’élimination de l’analphabétisme sous toutes ses formes.