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La semaine dernière, l’agence de notation Moody’s a abaissé la note de crédit des États-Unis en raison des inquiétudes liées à leur dette colossale de 36 000 milliards de dollars. Cette décision a provoqué des remous sur les marchés financiers et pourrait compliquer les efforts du président Donald Trump pour réduire les impôts.
Moody’s a ainsi dégradé la note du gouvernement américain d’un cran, passant de la prestigieuse note Aaa à Aa1. Cette baisse s’explique par l’augmentation de la dette et du coût des intérêts, jugés « nettement supérieurs à ceux d’autres pays souverains ayant une note comparable ».
Les raisons avancées par Moody’s pour la dégradation
Moody’s a expliqué que « les administrations américaines successives et le Congrès n’ont pas réussi à s’accorder sur des mesures pour inverser la tendance des déficits fiscaux annuels importants et de l’augmentation des coûts d’intérêts ».
Au cours de plus d’une décennie, la dette fédérale américaine a fortement augmenté en raison de déficits fiscaux persistants. Dans le même temps, les dépenses fédérales ont progressé tandis que les réductions d’impôts ont diminué les recettes publiques.
Cette dégradation est la première de Moody’s sur la note de crédit des États-Unis depuis 1949, année où l’agence a commencé à évaluer la dette du gouvernement américain.
La réponse de l’administration Trump
Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump affirme vouloir équilibrer le budget, tandis que le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, répète que l’administration souhaite réduire ses coûts d’emprunt.
Cependant, les tentatives de réduire les dépenses via le Département d’Efficacité Gouvernementale, dirigé par Elon Musk, ont largement manqué leurs objectifs initiaux. Actuellement, la dette américaine augmente d’environ 1 000 milliards de dollars tous les trois mois.
De plus, l’efficacité des tentatives d’augmenter les recettes par le biais de tarifs douaniers, qui ont suscité des craintes d’une guerre commerciale et d’un ralentissement mondial, reste incertaine. La majorité des économistes estiment que ces mesures ne seront pas efficaces.
L’ampleur du problème de la dette américaine
D’après les données du Département du Trésor américain, 16 % des recettes fiscales ont été consacrés cette année au paiement des intérêts de la dette, soit 684 milliards de dollars. À titre de comparaison, cette proportion est d’environ 4 % en Allemagne.
Moody’s prévoit que le déficit fédéral américain atteindra 9 % du PIB en 2035, contre 6,4 % en 2024, principalement en raison de l’augmentation des paiements d’intérêts et de niveaux d’imposition relativement bas.
Le poids de la dette devrait représenter 134 % du PIB en 2035, contre 98 % en 2024. Pour comparaison, ce ratio avait atteint un record de 133 % en 2020, lors de la pandémie de COVID-19.
Cependant, Moody’s souligne que les États-Unis conservent des atouts exceptionnels, tels que leur taille, leur résilience, leur dynamisme, ainsi que le rôle continu du dollar américain comme monnaie de réserve mondiale.
Le contexte politique et économique
La Maison Blanche a qualifié la dégradation de Moody’s de « motivation politique ». Le porte-parole Kush Desai a déclaré que si Moody’s avait eu une quelconque crédibilité, elle ne serait pas restée silencieuse face à la « catastrophe fiscale des quatre dernières années sous la direction de Joe Biden ».
Le directeur des communications de la Maison Blanche a également souligné que l’économiste en chef de Moody’s, Mark Zandi, était un critique de Donald Trump.
Parallèlement, Trump pousse le Congrès, contrôlé par son parti républicain, à adopter un projet de loi prolongeant les réductions d’impôts de 2017, qui avaient réduit fortement les taxes sur les entreprises et les particuliers.
Cette dégradation est intervenue alors qu’un projet de prolongation des réductions d’impôts avait échoué vendredi dernier face à des demandes de coupes budgétaires plus importantes de la part de certains républicains à la Chambre des représentants, avant qu’ils ne lèvent leur opposition dimanche soir, permettant ainsi au projet de loi d’avancer.
Moody’s a indiqué que les propositions fiscales en discussion n’étaient pas compatibles avec une réduction durable du déficit, et que les négociations en cours sur la baisse des impôts feraient grimper la dette à 134 % du PIB dans la décennie à venir.
Les conséquences de la dégradation
La décision de Moody’s a ravivé les craintes d’une réévaluation générale du risque liée à la dette souveraine américaine. En cas de baisse de la demande pour ces actifs, leur prix chute, ce qui fait monter les rendements (les gains des investisseurs prêtant de l’argent au gouvernement).
Le lundi suivant l’annonce, le rendement des obligations d’État à 10 ans, qui influence notamment les taux hypothécaires et les emprunts des entreprises et des consommateurs, a dépassé 4,5 %. Les obligations à 30 ans ont aussi connu une hausse de leurs rendements.
Si les marchés boursiers américains ont réagi initialement avec nervosité, ils ont en grande partie récupéré les jours suivants. Par ailleurs, le cours de l’or a connu un pic proche de 1 %, atteignant 3 220 dollars l’once, avant de redescendre mardi et mercredi.
Sur le marché des devises, la valeur du dollar a reculé face à un panier de monnaies. La livre sterling a notamment atteint son plus haut niveau par rapport au dollar depuis début mai, à 1,35 $.
Pourquoi cette dégradation est importante
Une note de crédit plus basse entraîne généralement une hausse des rendements obligataires, ce qui se traduit par une augmentation des taux d’intérêt pour les prêts immobiliers, les crédits automobiles ou les cartes de crédit, les banques commerciales utilisant les rendements des obligations gouvernementales comme référence pour fixer leurs propres taux.
Cette situation est particulièrement sensible pour les Américains, parmi les populations les plus endettées au monde. En 2023, la dette des ménages américains représentait 73 % du PIB, selon le Fonds monétaire international. En comparaison, la Suisse, l’Australie et le Canada affichent des ratios supérieurs à 100 %.
Si le gouvernement américain consacre davantage de ressources au service de la dette, il disposera de moins de moyens pour financer des postes essentiels tels que la sécurité sociale, la santé ou la défense, la charge financière s’alourdissant.
Washington pourrait décider d’augmenter les impôts pour générer plus de recettes afin de réduire sa dette, mais Donald Trump semble plutôt s’orienter vers une baisse simultanée des impôts et des dépenses publiques.
Les alertes sur la dette souveraine, comme celle émise récemment par Moody’s, érodent peu à peu la confiance des investisseurs. La perte de la notation AAA par toutes les principales agences de notation constitue un coup symbolique pour le prestige américain.