Ralentir ou Périr : Vers une économie de la décroissance

L’édito de Charles Pépin

J’aimerais ce matin vous raconter une engueulade entre deux vieux potes. Le premier croit en la croissance, et même en la capacité de la croissance de régler les problèmes qu’elle a elle-même posés. Le second milite pour la décroissance. Il dit qu’on n’a pas le choix, qu’il nous faut ralentir si nous voulons ne pas périr. Décroissance, frugalité, ralentissement… Le premier a vraiment du mal. Toute sa vie, toute son énergie, il les a toujours employées à croître.

Après plusieurs échecs entrepreneuriaux, il a réussi à monter une boîte qui cartonne. Ce fut dur, long, mais désormais c’est le triomphe, et ce triomphe se chiffre en hausse de sa production, en hausse également de la consommation de ses produits. Ce triomphe, il le vit dans des avions, de rendez-vous en rendez-vous, il vit en voyageant de par le monde, il le vit en se faisant construire une piscine… Ne lui jetons pas la pierre tout de suite : c’était son rêve, il s’est battu pour lui et désormais il le vit.

D’ailleurs, son ami le reconnaît, il comprend que ce qu’il lui dit est difficile à entendre. Il sait ce que c’est que la validation émotionnelle. Mais quand même, à un moment, il faut bien qu’il lui dise. Ton rêve, c’est lui qui détruit le monde ; c’est lui qui détruit la Planète. C’est tout ton logiciel mental qu’il faut changer, toute cette idéologie de la croissance qu’il faut apprendre à questionner.

Il multiplie les arguments, mais rien n’y fait. Jusqu’à cet argument là :

– Tu vois ton fils ? Il a 25 ans maintenant. À quel âge a-t-il arrêté sa croissance ?

– Ben je sais pas, pourquoi tu me demandes ça ? À 18 ans…

– Et depuis ?

– Depuis quoi ?

– Depuis, a-t-il arrêté de se développer ? Tu vois bien qu’il a cessé de croître, mais qu’il a continué à se développer autrement…

À ce moment-là, il voit que quelque chose passe dans les yeux de son pote. Eh bien, mon rêve à moi, reprend-il, et même plus que mon rêve, mon projet, c’est qu’on fasse pareil avec le monde, avec l’économie mondiale, que l’on n’arrête de croître mais que l’on se développe autrement.

Qu’on développe un autre type d’économie, faite de circuits courts et de relations d’entraide, que l’on développe un autre rapport au Vivant, à tous les Vivants, que l’on développe une autre manière d’être humain, de prendre soin des autres et de l’avenir, que l’on développe une réflexion nouvelle sur ce dont nous avons vraiment besoin, sur ce qui peut nous rendre vraiment heureux. Tu vois, pour moi, la décroissance c’est ça : cet espoir que nous puissions, en produisant et en consommant moins, nous développer davantage : plus durablement, plus solidairement, peut-être même plus joyeusement.

Rencontre avec Timothée Parrique

Pour en parler ce matin, de cette économie et même de cette philosophie de la décroissance, j’ai la joie de recevoir cet ami patient et pédagogue. Economiste, chercheur et enseignant, auteur, au Seuil, du best seller Ralentir ou Périr, économie de la décroissance, Timothée Parrique nous a rejoint ce matin sous le soleil de Platon. En sa compagnie, nous allons nous demander comment, pour ne pas périr, réussir à ralentir.

Programmation musicale

• ORELSAN – Baise le monde – 2021
• ROSEAUX et Melissa LAVEAUX – Why should I smile – 2024