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Le Conclave de 1978, moment clé pour l’Église catholique, s’ouvre sous le signe d’un dialogue complexe entre le centre montinien et les progressistes européens et sud-américains. À la veille de l’élection qui verra l’accession au pontificat de Jean-Paul Ier, l’atmosphère est chargée de tensions et d’espoirs, avec des stratégies et des alliances qui se dessinent sur le seuil de la Chapelle Sixtine.
Le verrouillage de l’accès à la décision
Avec l’annonce de l’« extra omnes » hier après-midi, l’accès à la prise de décision finale du Conclave est désormais hermétiquement fermé aux observateurs et journalistes. Seule la reconstitution des indices et des signaux recueillis à l’entrée de la chapelle permet de saisir les courants et les rapports de force en présence. Deux éléments majeurs émergent alors, témoignant des dynamiques opposées mais aussi complémentaires du processus électoral.
Les progressistes et leur stratégie
Du côté des progressistes, l’entente semble avoir été trouvée entre les cardinaux européens innovateurs et les figures majeures du cardinalat sud-américain sur le calendrier et la candidature de l’archevêque argentin Eduardo Pironio. Cette manœuvre complexe commencerait par une première étape symbolique : le vote en faveur du cardinal Paulo Evaristo Arns de São Paulo, célèbre opposant à la dictature et promoteur d’un renouveau évangélique au sein de l’Église.
Le centre montinien et l’évolution du Sinode
L’autre signe fort provient du centre montinien, avec les propos de Giovanni Benelli, archevêque de Florence, qui, dans une interview, souligne la nécessité de développer le Synode comme instrument de gouvernement collégial de l’Église. Cette ouverture du centre à renforcer la collégialité marque un tournant important, montrant une sensibilité aux demandes progressistes d’un relancement dynamique de l’héritage conciliaire.
Un accord possible entre centre et progressistes
La conjonction de ces deux signes permet d’envisager une hypothèse prometteuse : le Conclave pourrait s’ouvrir sous une perspective d’accord entre le centre montinien et les innovateurs. Ces derniers s’affirment décidés à pousser jusqu’au bout la rénovation issue du Concile Vatican II, tandis que le centre semble prêt à soutenir l’exigence la plus structurante, à savoir le renforcement du rôle du Synode dans la gouvernance ecclésiastique.
Le Synode, clé de voûte du gouvernement collégial
Dans son entretien, Benelli insiste sur le fait que « le Concile doit être pleinement mis en œuvre », et applique ce principe au Synode : « Il ne fait aucun doute que les évêques doivent être associés au gouvernement de l’Église. Cela se réalise déjà, d’une certaine manière, par le Synode institué par Paul VI, lequel pourrait être modifié en fonction des besoins du temps. » Plus loin, il ajoute : « Personne ne peut empêcher que cette forme soit encore davantage développée. »
Ces déclarations innovantes contrastent avec la prudence de Paul VI, qui, malgré plusieurs sollicitations, jugeait les conditions insuffisamment mûres pour un changement institutionnel profond dans le rapport entre évêques et pape.
Les enjeux liés aux candidatures
Le débat sur le rôle du Synode a structuré les discussions préconclavistes, influençant les candidatures potentielles. Le nom d’Eduardo Pironio est étroitement associé à cette question, lui qui, dès 1969, avait demandé que le Synode se voie attribuer des pouvoirs décisionnels dans certaines circonstances.
La principale réserve vis-à-vis de Pironio ne porte ni sur sa nationalité ni sur son âge, mais sur son image d’homme porteur de propositions innovantes pour l’exercice de l’autorité pontificale suprême.
Le rôle de Giovanni Benelli dans la dynamique du centre
Les propos de Benelli sont loin d’être anodins. Connaissant parfaitement la composition détaillée du collège électoral, l’archevêque florentin signale la disposition du centre à négocier une candidature impliquant un engagement à développer le Synode. Cette position est d’autant plus remarquable qu’elle émane d’un membre considéré comme rigide du secteur montinien, soulignant ainsi une nette démarcation entre ce centre et la frange conservatrice sur les choix fondamentaux.
La candidature de Paulo Evaristo Arns, un test pour les progressistes
Une rumeur récente évoque le choix d’Arns comme candidature initiale pour jauger la force du groupe innovateur. Cette orientation aurait émergé lors d’une réunion impliquant des cardinaux français et espagnols, notamment Marty et Tarancón, et aurait reçu l’appui d’importantes figures sud-américaines telles que Lorscheider, Landazuri, et Silva Enríquez, en plus de la disponibilité d’Arns lui-même.
Âgé de 57 ans, avec une expérience exclusivement brésilienne, Arns représente une option radicale-évangélique, difficilement envisageable comme majoritaire au sein du collège de 111 électeurs.
Un choix stratégique vers Pironio
Si cette rumeur correspond à la réalité, elle renvoie à une stratégie plus large : la candidature d’Arns servirait de première étape, tandis que la proposition de fond viendrait d’Eduardo Pironio, l’Argentin innovateur.
Les déclarations de Benelli pourraient donc traduire une ouverture du centre à converger vers Pironio, même si, après la clôture du Conclave, aucune vérification expérimentale n’est plus possible. Seul le nom du futur pape révélera les intentions et alliances à l’œuvre dans cette phase cruciale.