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Crise au Népal : démission du Premier ministre après violentes protestations

by Sara
Népal, Chine, Inde, Pakistan

Des manifestations violentes ont secoué Katmandou début septembre, provoquant une crise politique majeure et la démission du Premier ministre K.P. Sharma Oli. Le mouvement, mené par de jeunes citadins opposés à l’interdiction de plusieurs plateformes de réseaux sociaux, a rapidement dégénéré en affrontements meurtriers avec les forces de l’ordre. Les événements ont mis en lumière des tensions sociales profondes et des enjeux géopolitiques régionaux autour de l’influence de la Chine et de l’Inde.

Déclencheur et déroulement des manifestations

La crise a commencé le 4 septembre lorsque le gouvernement a annoncé le blocage d’environ 26 plateformes de réseaux sociaux — dont Facebook, YouTube, X et WhatsApp — au prétexte de non‑conformité aux règles d’enregistrement et d’absence de représentants locaux. La mesure a été perçue comme une atteinte à la liberté d’expression et a enflammé l’indignation, surtout parmi les jeunes.

Le 8 septembre, des milliers de manifestants rassemblés sous le nom de « génération Zed » se sont réunis près du parlement à la place Maitighar Mandala pour dénoncer l’interdiction et les privilèges des « enfants de l’élite ». Les forces de sécurité ont riposté avec des tirs réels et des gaz lacrymogènes, faisant au moins 30 morts et des centaines de blessés en l’espace de deux jours.

  • 4 septembre : annonce du blocage massif des réseaux sociaux.
  • 8 septembre : vaste rassemblement à Katmandou et affrontements violents.
  • Incidents d’attaques contre domiciles de ministres, journaux et commerces liés à des responsables politiques.
  • Fermeture de l’aéroport de la capitale, incendies d’immeubles publics et pillages.
  • 9 septembre : démission du Premier ministre K.P. Sharma Oli, après plusieurs ministres déjà partis.
K.P. Sharma Oli, Premier ministre démissionnaire du Népal
Le Premier ministre K.P. Sharma Oli a démissionné le 9 septembre 2025 après des répressions meurtrières contre les manifestants.

Racines du mécontentement

Les protestations au Népal s’expliquent par un malaise ancien, alimenté par la faim d’opportunités et un sentiment d’injustice sociale. Les jeunes dénoncent non seulement la censure numérique, mais aussi le népotisme, la corruption et le manque d’emplois.

Des chiffres et constats rendent compte de la gravité de la situation :

  • Chômage des jeunes : environ 20 % l’année précédente.
  • Taux de NEET (ni en emploi ni en formation) chez les jeunes : supérieur à 30 %.
  • Les transferts des travailleurs à l’étranger représentent 26,5 % du PIB.
  • Inégalités marquées : près d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Le blocage des réseaux sociaux a été vécu comme une insulte supplémentaire pour une génération qui s’appuie sur ces plateformes pour s’exprimer, se mobiliser et gagner sa vie.

Rôle de l’armée et inquiétudes sur l’équilibre du pouvoir

Face à l’ampleur des violences et aux perturbations, l’armée a été déployée dans les rues — une mesure exceptionnelle depuis la fin de la guerre civile maoïste. Les unités militaires ont pris position aux carrefours et autour des bâtiments publics, tandis que les autorités imposaient un couvre‑feu strict.

La hiérarchie militaire a affirmé vouloir protéger vies et biens et soutenir les autorités civiles sans prendre la relève politique. Pourtant, certains analystes estiment que l’institution est devenue l’acteur le plus influent sur le terrain, susceptible de peser sur la transition du pouvoir.

Soldats népalais devant la présidence
Des soldats népalais montent la garde devant la présidence après les manifestations et la répression.

Le chef d’état‑major a rencontré des représentants des manifestants pour appeler au dialogue et au calme, mais l’éventualité d’un renforcement du rôle militaire inquiète l’opinion publique et les observateurs internationaux.

Enjeux régionaux : Inde, Chine et au‑delà

La crise népalaise intervient dans un contexte géopolitique sensible. Le gouvernement de Sharma Oli était perçu comme proche de Pékin, et sa chute pourrait modifier l’équilibre d’influence entre la Chine et l’Inde à Katmandou.

Plusieurs conséquences géopolitiques sont à suivre :

  • La Chine pourrait perdre un allié politique proche et cherchera à maintenir des canaux avec l’armée et d’autres acteurs clés.
  • L’Inde pourrait voir une opportunité pour réaffirmer son influence diplomatique et économique dans la région.
  • Les projets reliés à la Belt and Road Initiative, notamment la liaison ferroviaire Rasuwagadhi–Katmandou, restent sensibles et à l’arrêt partiel.

Le rôle de pays tiers comme le Pakistan est surtout symbolique : Islamabad offre un angle d’équilibre diplomatique, sans toutefois peser au même niveau que Pékin ou New Delhi.

Carte du Népal
Carte du Népal — position stratégique entre Chine et Inde.

Une onde de choc dans le Sud de l’Asie

Les protestations au Népal s’inscrivent dans une dynamique régionale où les jeunes protestataires font valoir leurs revendications contre des élites perçues comme corrompues et hors du temps. Les observateurs rapprochent ces soulèvements des vagues de 2022 et 2024 qui ont frappé respectivement le Sri Lanka et le Bangladesh.

Facteurs communs identifiés :

  • Un fort poids démographique des jeunes et une diffusion massive des réseaux sociaux.
  • Des frustrations économiques liées à l’emploi, aux inégalités et à la gouvernance.
  • La remise en cause de familles et d’élites politiques qui ont accumulé pouvoir et richesses.

Au Népal, ce réveil générationnel s’est d’abord exprimé sur les plateformes numériques avant d’exploser dans la rue, illustrant la double nature — virtuelle et physique — du mouvement citoyen contemporain.

La question reste ouverte : la vacance politique récente débouchera‑t‑elle sur un apaisement et des réformes, ou entraînera‑t‑elle une recomposition durable du pouvoir, avec des implications profondes pour la stabilité régionale ?

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/9/14/%d9%86%d9%8a%d8%a8%d8%a7%d9%84-%d8%aa%d8%b4%d8%aa%d8%b9%d9%84-%d9%81%d9%87%d9%84-%d9%8a%d8%aa%d8%ba%d9%8a%d8%b1-%d9%88%d8%ac%d9%87-%d8%a7%d9%84%d8%ac%d9%85%d9%87%d9%88%d8%b1%d9%8a%d8%a9

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