À quelques heures du réveillon, l’actualité agricole met en lumière des non-dits autour de notre alimentation. Au cœur du débat se trouve la SNANC, la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat. Cette ambition publique vise une trajectoire vers la neutralité carbone et est présentée comme une feuille de route encore peu communicable. Le 15 décembre, lors d’une séance en commission à l’Assemblée, le député écologiste Boris Tavernier a interpellé le gouvernement sur l’avancement de ce cadre stratégique. Selon lui, la SNANC aurait dû être publiée au plus tard le 1er janvier 2023, et nous sommes désormais en 2026.
Enjeux et cadre politique
Des institutions publiques et internationales encouragent à réduire la consommation de viande, notamment ADEME, le ministère de la Santé, la Cour des comptes, la FAO et le GIEC. La réduction de viande est présentée comme l’action individuelle la plus efficace pour diminuer l’empreinte écologique. La consommation de viande représenterait environ 12% de cette empreinte; c’est un levier individuel majeur pour le climat. Après les transports, l’agriculture est le deuxième secteur émetteur de CO2, et dans l’agriculture, l’élevage représente environ 60% des émissions.
Pourquoi ce sujet paraît-il tabou ? Dans le contexte d’une forte sensibilité politique, notamment autour des questions liées au Mercosur, le secrétariat à la planification écologique, rattaché à Matignon, hésite à engager une réduction systématique du cheptel bovin en France. Les risques cardio-vasculaires, le diabète et certains cancers, associés à une surconsommation de viande, posent aussi des coûts importants à la Sécurité sociale. Prier de ne pas dire ce que l’on sait n’est pas une solution.
« On n’arrête pas de dire que l’élevage est mauvais pour l’environnement et que la viande est mauvaise pour la santé… » Cette prise de parole, attribuée à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, lors d’un entretien à Inter le 20 novembre, illustre le clivage entre les inconnues de la politique et la vie des agriculteurs.
Et pourtant, un sondage OpinionWay publié en avril montre que plus de la moitié des Français déclarent manger moins de steaks hachés et de bavettes, en privilégiant d’autres protéines. Dans le même esprit, une viande blanche produite à partir de poulets importés serait, théoriquement, moins émissive que du bœuf élevé localement, même dans des conditions optimales.
Ce contexte, entre décryptage des enjeux et réalité sociale, ne peut être ignoré sans déplorer la politique de l’autruche qui se mange aussi dans nos assiettes.