À Damas, la capitale syrienne, les vestiges de la tyrannie de Bachar al-Assad semblent s’être effondrés en un instant. Sur les hauteurs de la ville, une route dégagée conduit au parvis du palais présidentiel. Un gigantesque portail en fer ouvre sur une allée en marbre, vaste et totalement déserte, à l’exception de membres du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham qui gardent désormais les entrées. Le palais, immense et outrageusement décoré d’enluminures, présente des plafonds ajourés de coupoles d’or et s’étend sur plusieurs hectares avec une construction labyrinthique de pièces identiques. Des salles de réception, des tapis rouges menant à des bureaux, et des réserves de porcelaine témoignent du train de vie luxueux de la famille Assad. Des rebelles, ayant arraché les drapeaux rouge et noir du régime, déambulent avec des armes à la main, examinant la marqueterie et les hauts plafonds. «Je ne pensais pas que nous allions pouvoir rentrer un jour ici», confie Abou Mhammad, son turban serré autour de la tête, frappant du pied des objets sur le sol d’une salle de réception. «Je ne pensais pas qu’on arriverait si facilement à prendre la capitale».
Fenêtres taguées et tiroirs arrachés
À l’étage, le bureau de Bachar al-Assad se dresse, sa surface en bois recouverte de poussière issue des passages précipités des intrus. Les fenêtres sont taguées et les tiroirs des meubles arrachés. «C’est ici qu’il nous observait tous», déclare gravement Hamza, rencontré dans les couloirs du palais. Vêtu d’une veste en cuir rapiécée, il regarde au loin l’immense baie vitrée qui surplombe Damas. Ancien manifestant, Hamza fut l’un des premiers à descendre dans la rue au début de la révolution syrienne pour réclamer la chute du régime. Il a du mal à croire qu’il entre dans une pièce qui, il y a à peine quarante-huit heures, était l’une des plus sécurisées du pays. «Nous, le peuple syrien, n’avions pas d’eau, ni de pain à manger, et eux vivaient dans l’or et l’argent. Et c’est nous qui payions ces milliards», commente-t-il.
Un symbole de victoire
En sortant, Hamza s’empare d’un bibelot sur le bureau : un petit carré de marbre dont l’utilisation demeure incertaine, qu’il considère comme un trophée modeste après treize années de guerre. Ce geste symbolique revêt une signification profonde, car il incarne une victoire sur un tyran. Aujourd’hui, c’est lui qui déambule librement dans les couloirs du palais présidentiel, contemplant les ornements d’un régime en déroute. Le petit carré de marbre, bien qu’il n’ait que peu de valeur matérielle, devient un symbole de la libération et de la chute d’un pouvoir oppressif.