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Des marteaux-piqueurs moléculaires contre le cancer
Des chercheurs ont récemment mis au point une technique innovante permettant de détruire les cellules cancéreuses avec une efficacité impressionnante. Plutôt que d’utiliser les méthodes traditionnelles telles que la radiothérapie ou la chimiothérapie, ils proposent d’exploiter des molécules stimulées par la lumière, transformant ces dernières en marteaux-piqueurs nanométriques capables de rompre la membrane des cellules malades.
Les bases scientifiques de l’étude
Cette avancée s’appuie sur les travaux de Fraser Stoddart, Bernard Feringa et Jean-Pierre Sauvage, tous récipiendaires d’un Prix Nobel en 2016 pour leurs recherches sur les machines moléculaires. Ces molécules sont conçues pour réaliser des mouvements précis lorsqu’elles reçoivent de l’énergie, ce qui permet d’effectuer diverses tâches à l’échelle nanométrique.
Bernard Feringa a, par exemple, élaboré des moteurs moléculaires qui tournent indéfiniment dans une direction lorsqu’ils sont exposés à la lumière visible, mettant ainsi en lumière le potentiel fascinant des nanotechnologies et de la pharmacologie. D’autres chercheurs ont utilisé ces moteurs pour concevoir des foreuses moléculaires, capables de percer la membrane des cellules animales afin d’y introduire des agents thérapeutiques.
Des marteaux-piqueurs moléculaires alimentés par infrarouge
Une équipe de l’Université de Rice, au Texas, s’est inspirée de ces travaux en étudiant les aminocyanines, une classe de molécules fluorescentes synthétiques. Ces molécules se fixent à l’extérieur des cellules, avec un groupement d’atomes leur permettant de s’insérer entre les lipides de la membrane cellulaire, tel un grappin. Plus spécifiquement, ces aminocyanines sont conçues pour cibler les membranes des cellules cancéreuses, qui présentent une composition différente de celle des cellules saines, les rendant ainsi utiles dans l’imagerie médicale.
Les chercheurs ont découvert que les aminocyanines vibraient à grande vitesse et de manière synchronisée lorsqu’elles sont exposées à des stimuli spécifiques, formant ce que les physiciens appellent un plasmon. En d’autres termes, ces molécules fonctionnent comme des machines moléculaires et surpassent même les moteurs de Feringa en termes de performance.
Une approche prometteuse
« Elles sont plus d’un million de fois plus rapides dans leur mouvement mécanique que les anciens moteurs de type Feringa. C’est une toute nouvelle génération de machines moléculaires que l’on appelle des marteaux-piqueurs moléculaires », explique James Tour, co-auteur de l’étude.
Un autre avantage de ces molécules est leur activation par l’infrarouge proche. Cette gamme de fréquences permet à la lumière de pénétrer jusqu’à 10 cm dans les tissus vivants, contrairement à la lumière visible, qui ne pénètre que quelques millimètres. Cet aspect est crucial pour les applications médicales de cette innovation.
Une arme redoutable contre les cellules cancéreuses
Selon les conclusions de l’étude, la combinaison des propriétés uniques des aminocyanines en fait des armes redoutables contre les cellules cancéreuses. L’injection de ces molécules dans la zone ciblée leur permet de se fixer dans la membrane des cellules malades, puis leur exposition à un rayonnement infrarouge déclenche leur mouvement, menant potentiellement à la destruction sélective des cellules cancéreuses par un procédé entièrement mécanique.
Des expériences sur des cellules cancéreuses en laboratoire ont donné des résultats impressionnants : 99 % des cellules ont été détruites. Encouragés par ces résultats, les chercheurs ont testé les aminocyanines sur des rongeurs souffrant de mélanome, une forme agressive de cancer de la peau, avec des résultats tout aussi encourageants. À l’issue du traitement, la moitié des souris étaient guéries et ne présentaient aucun marqueur cancéreux.
Des perspectives d’avenir
Bien que cette technique présente une efficacité notable, elle offre également des avantages par rapport aux traitements conventionnels. En effet, son caractère peu invasif permet de cibler plus précisément les cellules malades, ce qui est essentiel pour préserver les cellules saines, une préoccupation majeure lors de la prise en charge du cancer. Lorsque la maladie est avancée, les médecins doivent souvent recourir à des approches agressives, entraînant des effets collatéraux potentiellement fatals.
De plus, les cellules cancéreuses présentent un taux de mutation élevé, développant des résistances aux traitements. Cependant, la membrane lipidique qui protège ces cellules reste universelle et peu flexible, ce qui complique leur capacité à contrecarrer une attaque mécanique.
Actuellement, ces recherches restent exploratoires, et ces nouvelles stratégies ne sont pas encore prêtes à être intégrées dans des protocoles de soins. Néanmoins, elles pourraient ouvrir la voie à des thérapies innovantes et efficaces, que ce soit en tant que traitement principal ou en complément d’approches plus traditionnelles.