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L’église évangélique luthérienne de Jérusalem, souvent appelée Église du Rédempteur ou Église du Sauveur, est la deuxième église protestante érigée dans la vieille ville de Jérusalem. Construite à la fin du XIXe siècle grâce au soutien de mécènes allemands et d’une collecte organisée par la Fondation évangélique de Jérusalem, elle occupe une place centrale dans le quartier chrétien et demeure un lieu de culte actif pour plusieurs communautés linguistiques.
Emplacement et dénomination
L’église se situe dans la rue des Chrétiens, au cœur de la vieille ville, dans la zone historiquement connue sous le nom de Moristan al-Salahi. Elle se trouve au sud du monastère d’Abina Ibrahim et à environ 100 mètres à l’est de l’église du Saint-Sépulcre.
Son nom rend hommage à Martin Luther, fondateur de la Réforme protestante allemande. Elle est également désignée sous les appellations Église du Rédempteur (ou Église du Sauveur) et, localement, Église de la Tannery en référence à la rue où elle est implantée.
Propriété de la Fondation évangélique de Jérusalem, basée à Hanovre, l’édifice accueille des offices en arabe, allemand, danois et anglais, reflétant sa vocation internationale.
Histoire
Le site où s’élève l’église affiche une histoire longue et complexe. Selon certaines sources, une donation attribuée à Haroun ar-Rachid au début du IXe siècle aurait plus tard favorisé la présence d’édifices chrétiens. En 1064, un commerçant italien aurait construit une église dédiée à sainte Marie Latina.
Après la première croisade, en 1099, les chevaliers hospitaliers édifièrent un monastère adjacent. Avec la reconquête de Jérusalem par Saladin, les bâtiments furent abandonnés et progressivement laissés à l’abandon pendant plusieurs siècles.
Le XIXe siècle vit un regain d’intérêt européen pour les lieux saints. Des missions et associations protestantes s’établirent en Palestine, et, sous l’impulsion du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV, un diocèse conjoint avec l’Église anglicane fut instauré (1841–1886), ce qui renforça la présence protestante en Terre sainte.
En 1869, le sultan ottoman Abdülaziz offrit une parcelle du Moristan au prince héritier de Prusse, le futur Guillaume II, en remerciement de sa participation à l’inauguration du canal de Suez. La Fondation évangélique rassembla près d’un million de marks pour financer la construction de la première église luthérienne allemande en Palestine.
La pierre angulaire fut posée en 1893 et l’église fut inaugurée solennellement le 31 octobre 1898, jour de la Réforme, en présence de l’empereur Guillaume II et de l’impératrice Augusta Victoria.
La visite impériale donna lieu à des aménagements urbains et à une mise en valeur de la ville, mais suscita aussi des tensions diplomatiques et religieuses, notamment avec la communauté catholique allemande.
Écoles et institutions affiliées
L’Église évangélique luthérienne développa rapidement un réseau éducatif et social dans la région. Parmi les établissements fondés ou soutenus :
- écoles primaire et secondaire à Bethléem ;
- école Martin Luther dans la vieille ville de Jérusalem ;
- établissements à Beit Sahour, Beit Jala et Ramallah (école « Al-Raja ») ;
- l’internat et école Talitha Kumi près de Beit Jala ;
- une école industrielle à Beit Hanina, avec une section pour aveugles ;
- l’hôpital Augusta Victoria sur le mont des Oliviers.
Sur le plan institutionnel, le conseil royal jordanien reconnut officiellement l’église à Jérusalem en 1959. La même année, un premier synode fut constitué, regroupant les paroisses de Jérusalem, Bethléem, Beit Jala, Beit Sahour, Ramallah et Amman.
En 1979, la communauté arabe luthérienne obtint son autonomie vis-à-vis du représentant allemand, et le pasteur Dawud Haddad fut élu premier évêque arabe de l’Église luthérienne de Jérusalem.
Architecture et aménagements intérieurs
L’édifice, conçu par l’architecte allemand Friedrich Adler, s’inspire du modèle basilical hérité de l’Antiquité romaine. La nef centrale s’ouvre sur des bas-côtés séparés par des rangées de colonnes et se termine par une abside semi-circulaire accueillant le chœur.
L’intérieur se distinguait par des vitraux colorés — dominants rouge et jaune — et une mosaïque représentant la tête du Christ. L’empereur insista pour que l’abside principale rappelle celle de la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome, affirmant ainsi un lien symbolique avec la tradition impériale.
L’élément le plus marquant de l’extérieur reste le clocher, culminant à 48 mètres et desservi par 177 marches. C’est le plus haut clocher de la vieille ville fortifiée et il offre un panorama exceptionnel sur Jérusalem et ses quartiers.
Les dommages subis pendant les conflits de 1948 puis de 1967 nécessitèrent des travaux de restauration. Entre 1970 et 1974, des rénovations profondes modifièrent l’aménagement intérieur : autels, fresques et ornements furent retirés, laissant la mosaïque du Christ et certaines fenêtres de l’abside.
De nouvelles verrières abstraites, réalisées par la verrière Anna Andersh Markus, remplacèrent certains vitraux anciens. Par ailleurs, des sœurs bénédictines du Mont des Oliviers peignirent une icône dans le transept sud en 1991, illustrant l’épisode de Noé et l’arc-en-ciel comme signe de paix.
Fouilles archéologiques
Lors des travaux de fondation en 1893, des ouvriers mirent au jour un mur que certains archéologues identifièrent alors comme un vestige des murailles antiques mentionnées par Flavius Josèphe. On crut d’abord qu’une portion de la muraille d’Hérode se trouvait sous la nef.
Les fouilles menées lors de la restauration (1970–1974) par l’autorité archéologique palestinienne ont réévalué ces découvertes. Elles ont montré que les murs mis au jour appartiennent en réalité à des habitations situées au sud d’un sanctuaire construit à l’époque de l’empereur Hadrien au IIe siècle.
Des investigations complémentaires ont confirmé l’hypothèse selon laquelle les emplacements de l’église du Rédempteur et de l’église du Saint-Sépulcre se trouvaient en dehors des remparts de Jérusalem à l’époque de la vie de Jésus, ce qui éclaire la topographie ancienne de la ville et les choix d’implantation des lieux de culte.