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À l’approche du 91e congrès du Parti socialiste (PS) prévu à Nancy du 13 au 15 juin 2025, Olivier Faure, actuel premier secrétaire et député de Seine-et-Marne, se retrouve confronté à une coalition d’opposants déterminés à prendre sa place. Candidat à sa propre succession, il devra affronter une alliance inédite menée par Nicolas Mayer-Rossignol et un ancien allié, Boris Vallaud, dans une bataille interne décisive pour l’avenir de la gauche française.
Un congrès sous haute tension
Depuis sa prise de fonction en 2018, Olivier Faure a dirigé un PS en reconstruction, après une période difficile marquée par la sortie du quinquennat de François Hollande. Le congrès de 2025 représente pour lui un défi majeur, avec des opposants toujours plus mobilisés, bien décidés à renverser la tendance observée lors des congrès précédents en 2021 et 2023.
Le processus préalable au vote final du 5 juin est crucial : après les présentations des contributions générales début avril, les divers courants du PS doivent déposer le 26 avril leurs « textes d’orientation », qui formaliseront leurs lignes stratégiques. Un vote sur ces textes est prévu fin mai, avant l’élection du premier secrétaire.
Alliance inédite contre Olivier Faure
Olivier Faure présentera sa candidature pour une quatrième victoire consécutive, avec le projet de poursuivre son travail pour « retrouver la gauche ». Il fera face à une coalition d’opposants structurée autour de plusieurs courants regroupés.
Les courants d’Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin, et de Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, ont décidé de fusionner avec celui de Philippe Brun, député de l’Eure, représentant une ligne plus populaire et critique vis-à-vis de Faure, qu’il avait soutenu auparavant. Cette union vise à présenter une alternative forte et unie, incarnée par Mayer-Rossignol, qui assure qu’il n’y a « aucun esprit de revanche » contre le premier secrétaire sortant.
Par ailleurs, Boris Vallaud, président du groupe PS à l’Assemblée nationale, a choisi de se lancer en indépendant, sans s’allier à aucun courant. Son ambition est de rassembler au-delà des clivages fauristes et anti-fauristes. Il affirme vouloir « additionner les forces plutôt qu’effacer des têtes ».
Un leadership fragilisé et contesté
Le politologue Rémi Lefebvre souligne que le leadership d’Olivier Faure reste fragile, ayant été élu avec un peu moins de 50% des voix lors du congrès précédent. Il note que la gestion du PS, notamment sur le plan des idées et de l’implication des élus locaux dans la vie nationale, suscite des critiques.
Philippe Brun confirme un manque de travail stratégique ces dernières années au sein du parti. Un élu anti-fauriste dénonce l’influence du « clanisme » qui aurait imprégné tous les échelons du parti depuis l’arrivée d’Olivier Faure, accusation contestée par des proches du premier secrétaire qui le décrivent plutôt comme « solitaire ». Emma Rafowicz, eurodéputée et soutien de Faure, juge ces reproches « excessifs ».
Des critiques sur le positionnement politique
Alors qu’Olivier Faure a pris ses distances avec La France insoumise (LFI), notamment en refusant de censurer le gouvernement de François Bayrou, certains opposants lui reprochent de ne pas avoir suffisamment rompu avec la gauche radicale. Ils estiment que le parti reste marqué par LFI et que, même en cas de victoire du premier secrétaire, le PS resterait divisé.
Les partisans d’Olivier Faure mettent en avant les progrès réalisés : le PS a plus que doublé le nombre de ses députés entre 2022 et 2024, passant de 31 à 66 grâce au Nouveau Front populaire. Le parti a également pris la tête à gauche lors des élections européennes de juin 2024, en s’associant avec Raphaël Glucksmann et Place publique. Pour eux, Faure a habilement recentré le PS à gauche tout en se détachant clairement des courants mélenchonistes.
« La ligne d’Olivier Faure est gagnante pour le PS : s’ancrer pleinement à gauche, en refusant les dérives du social-libéralisme, tout en se détachant clairement des essentialistes mélenchonistes. »
Emma Rafowicz, députée européenne PS
La fusion des courants d’opposants est perçue par le camp Faure comme une clarification des enjeux : poursuivre la stratégie qui a permis une remontée à gauche ou revenir au PS des années Hollande.
Les enjeux de la présidentielle 2027
Au-delà du bilan d’Olivier Faure, la stratégie des socialistes pour l’élection présidentielle de 2027 est au cœur des débats internes. Deux visions s’opposent :
- Les anti-Faure souhaitent une affirmation claire du PS avec une « maison commune » associant Place publique.
- Les partisans de Faure souhaitent poursuivre les discussions avec les partenaires écologistes et communistes, pour faire émerger un candidat potentiellement extérieur au PS.
Rémi Lefebvre résume la question : « Est-ce que le PS n’a vocation à n’être qu’une force parmi d’autres à gauche, ou le candidat naturel de la gauche doit-il venir du PS ? »
Boris Vallaud propose une voie médiane, avec un processus en deux temps alliant l’affirmation des socialistes et une ouverture large à la gauche « de Raphaël Glucksmann à François Ruffin ».
Ce débat stratégique accentue les tensions, certains reprochant aux différents camps de trop se focaliser sur la présidentielle au détriment des enjeux immédiats comme la relation au gouvernement Bayrou ou la préparation des élections municipales de 2026. Malgré les assurances d’un congrès apaisé à Nancy, les invectives laissent présager une lutte intense pour le contrôle du parti.
L’issue du congrès aura un impact majeur sur l’ensemble de la gauche française, de La France insoumise jusqu’aux diverses tendances du camp présidentiel.