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Après six heures de loi martiale d’urgence, des centaines de jours de manifestations, des violences dans un tribunal de Séoul et la destitution du président Yoon Suk-yeol, la Corée du Sud se prépare à élire un nouveau chef d’État afin de restaurer la stabilité d’une nation profondément divisée.
Ce mardi, de 6h à 20h (21h à 11h GMT), les Sud-Coréens sont appelés à voter parmi cinq candidats à la présidence, avec en tête l’opposant Lee Jae-myung du Parti démocratique. Il est suivi par Kim Moon-soo, candidat du Parti du pouvoir du peuple, au pouvoir.
Un scrutin crucial pour une nation divisée
Avec 44,39 millions d’électeurs inscrits, l’élection devrait voir l’un de ces deux favoris succéder à Yoon. Ce dernier a récemment assisté à sa cinquième audience judiciaire, confronté à des accusations de tentative d’insurrection et d’abus de pouvoir, liées à sa mise en place ratée de la loi martiale le 3 décembre. En cas de condamnation, il risque la prison à perpétuité, voire la peine de mort.
La participation devrait être historique, nourrie par le climat politique tendu généré par cet épisode de loi martiale, qui a creusé les fractures politiques dans la société sud-coréenne. Le pays reste partagé entre les partisans de Yoon et ses opposants farouches.
Les derniers sondages, publiés par Gallup Korea le 28 mai, positionnent Lee Jae-myung en tête avec 49 % d’intentions de vote, contre 36 % pour Kim Moon-soo.
Le vote anticipé, qui s’est terminé vendredi, a enregistré la seconde plus forte participation de l’histoire du pays (34,74 %) tandis que le vote à l’étranger a atteint un record à 79,5 % dans 118 pays.
Lee Jae-myung : une seconde chance à la présidence
Lors de la présidentielle de 2022, Yoon avait remporté une victoire serrée sur Lee, la plus tendue de l’histoire sud-coréenne, avec seulement 0,73 point de pourcentage d’avance. Cette nouvelle élection offre à Lee une occasion de redorer son image politique.
Il y a un mois, la Cour suprême sud-coréenne a statué que Lee avait diffusé des fausses informations durant sa campagne de 2022, enfreignant la loi électorale. Malgré cela, les audiences liées à ses autres affaires judiciaires ont été suspendues jusqu’après l’élection.
Durant sa campagne, Lee a renforcé sa sécurité, apparaissant derrière une vitre pare-balles, avec des snipers postés sur les toits et des unités antiterroristes en patrouille, du fait d’un contexte politique tendu.
De plus, plusieurs députés conservateurs ont récemment rejoint son camp, témoignant d’une volonté d’union pour restaurer la stabilité politique.
Un paysage politique en pleine mutation
Kim Moon-soo, candidat du Parti du pouvoir du peuple, a connu un revers en mai lorsque son collègue Kim Sang-wook a quitté le parti pour rejoindre Lee. Selon une enquête publiée par Hankyoreh, seulement 55 % des électeurs conservateurs qui soutenaient Yoon en 2022 voteraient cette fois pour Kim, illustrant le malaise du parti conservateur.
Ce contexte souligne le défi auquel sera confronté le futur président, notamment pour apaiser une démocratie ébranlée par la loi martiale et la procédure de destitution.
Lim Woon-taek, sociologue et ancien membre de la Commission présidentielle de planification politique, estime que le prochain chef d’État portera une lourde responsabilité pour rétablir la confiance.
Enjeux majeurs pour le futur président
- Le chômage des jeunes, les inégalités sociales et le changement climatique sont des problématiques pressantes que l’administration de Yoon n’a pas su résoudre.
- Les travailleurs précaires représentaient 38 % des salariés en 2023, soulignant la nécessité de réformes.
- Lee s’engage à promouvoir une politique favorable aux entreprises, axée sur l’investissement en recherche, développement et intelligence artificielle, tout en évitant les sujets sociaux polémiques comme les « guerres des genres ».
- Il propose aussi de demander des comptes aux responsables de la loi martiale et de limiter les pouvoirs futurs du président dans ce domaine.
- Un amendement constitutionnel permettant deux mandats présidentiels de quatre ans, au lieu d’un unique mandat de cinq ans, est également à l’ordre du jour.
Des approches différentes sur la sécurité et la politique étrangère
Kim Moon-soo, ancien activiste syndical devenu conservateur, conteste la destitution de Yoon, la jugeant excessive, mais se démarque de son prédécesseur par un programme plus modéré.
Sur le plan international, l’élection se déroule alors que le président américain Donald Trump menace d’imposer des tarifs douaniers sur des produits clés sud-coréens comme l’acier, les semi-conducteurs et les automobiles.
Face à ces enjeux, Lee promet de stimuler la demande intérieure et la croissance, tandis que Kim souhaite simplifier la réglementation des entreprises. Ce dernier envisage également un sommet immédiat avec Trump pour traiter des tarifs.
Lee adopte une politique étrangère plus pragmatique, en maintenant de bonnes relations avec les États-Unis mais en mettant l’accent sur les intérêts nationaux, notamment un rapprochement avec la Chine et la Russie.
Positions saisissantes sur la Corée du Nord et l’administration locale
En matière de sécurité, Lee souhaite apaiser les tensions croissantes avec la Corée du Nord, alors que Kim prône un renforcement militaire et un soutien accru des États-Unis.
En outre, Lee prévoit de déplacer l’Assemblée nationale et le bureau présidentiel de Séoul vers la ville de Sejong, qui deviendrait la nouvelle capitale administrative, poursuivant ainsi un processus de rééquilibrage territorial.
Le changement climatique, un défi crucial
Selon Lim Woon-taek, la Corée du Sud est considérée comme un « vilain » climatologique et doit impérativement réduire ses émissions nocives pour éviter des restrictions sur ses exportations futures.
Le professeur souligne que le futur du pays dépendra de la capacité du prochain président à affronter ces défis majeurs plutôt qu’à s’attarder sur des controverses secondaires.
Attente des résultats et surveillance renforcée
Les résultats du scrutin sont attendus tard mardi soir ou tôt mercredi matin. En 2022, Yoon avait été proclamé vainqueur à 4h40 du matin, mais cette fois, la vigilance accrue autour du dépouillement pourrait ralentir l’annonce officielle.
Avec Lee largement en tête, une décision pourrait néanmoins être connue dès la soirée électorale.