Élections anticipées au Canada : Carney contre Poilievre face à Trump

Un contexte politique tendu

Cette élection anticipée était attendue depuis plusieurs mois. Les partenaires politiques et alliés de l’ancien Premier ministre Justin Trudeau se sont éloignés en raison d’une économie fragilisée et d’une hausse des prix. Trudeau a démissionné, passant le relais à Mark Carney, qui souhaite anticiper un vote de confiance qui pourrait être défavorable au Parlement d’Ottawa. Les experts y voient une tentative d’exploiter le momentum des libéraux face aux États-Unis.

Une cohésion nationale face à Trump

La pression exercée par Trump a permis aux libéraux, dont le remplacement semblait inévitable il y a quelques mois, de bénéficier d’un regain de popularité. Le spécialiste de l’économie, Carney, est désormais en tête dans la plupart des sondages. Face à Trump, les plus de 41 millions de Canadiens semblent se rassembler davantage.

Lors de sa dernière allocution, Trudeau a annoncé : « Ne vous y trompez pas : c’est un moment décisif pour la nation », en appelant la nation du hockey à être prête au combat. Des Canadiens de toutes les tendances politiques portent des casquettes rouges, en référence à Trump, avec l’inscription « Le Canada n’est pas à vendre ». Les réseaux sociaux sont inondés de messages anti-américains et de manifestations avec de petites drapeaux canadiennes flottant sur de nombreuses voitures.

Boycott des États-Unis et impact économique

Drew Dilkens, maire de Windsor en Ontario, voit depuis son bureau les tours de Detroit, à moins d’un kilomètre de là. Windsor est la principale ville frontière du Canada, avec des liens économiques étroits avec les États-Unis. Les inquiétudes concernant les droits de douane de 25 % imposés par Trump, actuellement suspendus, sont particulièrement fortes ici.

« Je ne passerais pas une semaine de vacances aux États-Unis en ce moment », souligne Dilkens, une opinion partagée par de nombreux Canadiens. Les réservations pour les voyages aux États-Unis ont chuté récemment. De plus, il ne se rendrait pas non plus dans la ville américaine voisine pour faire des courses, les boycotts étant devenus un moyen de protester contre la politique de Trump et de soutenir l’économie nationale.

Un candidat anti-Trump

Les partis ont un peu plus d’un mois pour convaincre les électeurs de leur programme, les candidats se présentant systématiquement comme des opposants à Trump. Pierre Poilievre, le candidat conservateur, a plus de mal à se distancer de Trump en raison de son style politique. À 45 ans, il prône des baisses d’impôts et des réductions des dépenses publiques, tout en parlant de fausses nouvelles et d’une idéologie « woke » de gauche.

Son image « Canada d’abord », inspirée du mouvement MAGA (Make America Great Again), a bien fonctionné auprès des conservateurs tant que la frustration envers Trudeau et l’économie était importante, et la peur de Trump moindre. Cependant, cette dynamique a changé, et la politique de droite de Trump semble pousser de nombreux Canadiens vers le camp libéral. Selon un sondage récent, la majorité des Canadiens croient que Carney est le mieux placé pour s’opposer à Trump.

Carney, l’économiste aguerri

Carney apporte une expérience nationale et internationale en matière de gestion de crise. Pendant la crise financière de 2008, il a dirigé la Banque centrale du Canada et a été salué pour la manière dont le Canada a traversé cette période. De 2013 à 2020, il a été gouverneur de la Banque d’Angleterre pendant la tumultueuse période du Brexit, avant de devenir jusqu’en janvier dernier le représentant spécial de l’ONU pour le climat. Il prône une coopération renforcée avec l’Europe et l’Asie pour réduire la dépendance commerciale vis-à-vis des États-Unis.

Son entrée en fonction il y a deux semaines a été marquée par des débuts prometteurs. Reste à voir si cet élan résistera à la rude campagne électorale qui se profile. Certains experts évoquent son charisme limité comme un obstacle potentiel.