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En février dernier, Elon Musk arborait une tronçonneuse sous les acclamations lors d’une conférence politique de droite, promettant de réduire drastiquement la bureaucratie américaine et d’économiser un trillion de dollars aux contribuables. Cette opération, menée via une entité officieuse baptisée Doge, semblait alors inarrêtable. Cependant, la semaine dernière, Musk a annoncé qu’il quittait son rôle à la tête de Doge pour se recentrer sur Tesla, son constructeur de véhicules électriques en difficulté. Cette décision soulève de nombreuses questions sur l’avenir de cette réorganisation radicale de l’administration américaine.
La fin de l’époque des coupes massives
Doge a été créé par une ordonnance exécutive signée par Donald Trump, dès son premier jour au pouvoir, avec pour mission de moderniser la technologie fédérale et d’optimiser l’efficacité gouvernementale. Initialement limitée, cette mission s’est rapidement étendue à la réduction des dépenses et des effectifs au sein des agences fédérales.
Composé d’environ 79 employés nommés et 10 détachés d’autres agences, l’équipe Doge est principalement formée de jeunes ingénieurs issus des entreprises d’Elon Musk, peu expérimentés dans le fonctionnement de l’administration publique. Leur action a conduit à la suppression de plus de 260 000 postes dans la fonction publique, engendrant une onde de choc et un climat de peur au sein des services fédéraux.
Les membres de Doge ont eu accès à plus de 20 agences gouvernementales, pénétrant des systèmes informatiques contenant des données personnelles sensibles de millions d’Américains, y compris des travailleurs fédéraux actuels et anciens. Si certaines initiatives, comme la réduction du financement de la recherche biomédicale, ont été rapidement bloquées par la justice, d’autres dégâts collatéraux se sont révélés considérables.
Des secteurs clés profondément touchés
Une sécurité sociale fragilisée
La sécurité sociale, pilier de l’État-providence américain depuis le New Deal de Franklin Roosevelt, a subi des fermetures de bureaux régionaux et des pannes informatiques. Par ailleurs, certains bénéficiaires, souvent des immigrants, ont été déclarés décédés dans un cadre destiné à les inciter à quitter le pays, provoquant indignation et inquiétudes.
La fermeture du Bureau de protection financière des consommateurs
Le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), chargé de protéger les citoyens contre les prêteurs abusifs, a été fermé, entraînant la notification de licenciement pour une grande partie de ses employés. Ce bureau enquêtait notamment sur les pratiques de prêt de Tesla, soulevant des suspicions de conflits d’intérêts.
Conflits et résistances à l’Institut américain de la paix
L’US Institute of Peace, think tank financé par le Congrès, a été la scène d’un bras de fer lorsque les employés ont empêché l’entrée des membres de Doge dans ses locaux, qui ne sont pas propriété gouvernementale. Finalement, grâce à l’intervention de la police de Washington, l’accès a été obtenu, mais non sans tensions, notamment avec George Moose, président par intérim de l’institut, qui s’est enfermé pour protester.
USAID, la cible principale des suppressions
L’Agence américaine pour le développement international (USAID) a été la plus durement touchée, avec plus de 80 % de ses programmes humanitaires annulés. Près de tous ses employés seront licenciés d’ici septembre, et ses bureaux à l’étranger fermés, certaines fonctions étant transférées au département d’État. Elon Musk s’est vanté sur sa plateforme X d’avoir « passé le week-end à broyer USAID ».
Lors d’une présentation à Washington, un expert du American Enterprise Institute a estimé que les suppressions à USAID représentaient 40 % des contrats annulés et 73 % des économies revendiquées par Doge à date, dépassant largement celles d’autres départements clés comme la santé ou l’intérieur.
Un ralentissement et une incertitude croissante
Après avoir ciblé les économies faciles, Doge semble désormais se concentrer sur des agences plus petites, rencontrant une résistance croissante de la part des ministres du cabinet Trump. Les demandes répétées de rapports d’activité à certains employés se sont estompées, tandis que les critiques sur la fiabilité des chiffres avancés par Doge se multiplient.
Le site officiel de Doge affirme avoir réalisé 160 milliards de dollars d’économies, soit environ 148 milliards d’euros, un chiffre jugé exagéré par plusieurs observateurs qui soulignent un manque de transparence et des erreurs dans les données publiées.
Par ailleurs, l’annonce par Elon Musk d’un retrait partiel de sa supervision de Doge, en raison des difficultés rencontrées par Tesla, laisse planer des doutes sur la pérennité et l’efficacité du projet.
Des inquiétudes sur l’utilisation des données et les orientations futures
Malgré ce retrait, Musk a indiqué qu’il continuerait à collaborer avec Donald Trump jusqu’à la fin de son mandat. Selon un rapport récent de CNN, Doge travaille actuellement à la création d’une base de données centralisée regroupant des informations sensibles issues de plusieurs agences, dont le fisc et la sécurité sociale, afin d’accélérer les expulsions d’immigrants en situation irrégulière.
Ce projet, aidé par la société Palantir spécialisée dans l’analyse de données, suscite de vives inquiétudes parmi les démocrates et les défenseurs de la vie privée, qui redoutent une dérive autoritaire et illégale.
Des experts politiques estiment que Doge n’a pas encore dit son dernier mot et qu’une deuxième phase, potentiellement plus dangereuse, est à craindre, avec une orientation plus politique et répressive des actions entreprises.