Le 23 décembre 2025, les États-Unis annoncent des sanctions visant cinq personnalités européennes engagées dans la régulation du numérique et la lutte contre la désinformation en ligne. Thierry Breton, ancien commissaire européen et artisan de la directive sur les services numériques, figure parmi les personnes visées, aux côtés de quatre dirigeants d’ONG actives au Royaume-Uni et en Allemagne. Washington présente ces mesures comme une réponse à la censure perçue et à l’extraterritorialité des règles européennes sur le numérique. Ces développements alimentent le débat en Europe sur la souveraineté numérique et le cadre du Digital Services Act.

Aux États-Unis, sanctions contre Thierry Breton et quatre dirigeants européens
Selon le département d’État, les agissements de ces personnes, qui se voient interdites de séjour aux États-Unis, s’apparentent à de la « censure » au détriment des intérêts américains, a justifié le département d’État.
Parmi les personnes concernées figure le Français Thierry Breton, ancien ministre et artisan de la directive européenne sur les services numériques, qui a été commissaire au Marché intérieur de 2019 à 2024, avec de larges compétences en particulier sur les dossiers numériques et industriels. Il a dénoncé sur X un vent de maccarthysme aux États-Unis, en référence à la chasse aux sorcières anticommuniste menée par le sénateur américain Joseph McCarthy dans les années 1950. « Pour rappel : 90 % du Parlement européen – démocratiquement élu – et les 27 États membres à l’unanimité ont voté le DSA », la législation européenne sur le numérique, a-t-il souligné. « À nos amis américains : ” La censure n’est pas là où vous le pensez ” », a-t-il conclu.
Les quatre autres personnes sanctionnées sont des représentants d’ONG luttant contre la désinformation et la haine en ligne au Royaume-Uni et en Allemagne : Imran Ahmed, Clare Melford, Anna-Lena von Hodenberg et Josephine Ballon.
Les Européens n’ont généralement pas besoin de visa pour se rendre aux États-Unis, mais doivent toutefois obtenir une autorisation électronique de voyage (ESTA). Le président américain Donald Trump mène une offensive d’envergure contre les règles de l’Union européenne sur la tech qui imposent aux plateformes des régulations, comme le signalement de contenus problématiques, jugées par les États-Unis comme une atteinte à la liberté d’expression. L’UE dispose, de fait, de l’arsenal juridique le plus puissant au monde pour réguler le numérique. Washington a notamment très mal pris l’amende de 140 millions de dollars infligée par l’UE début décembre à X, le réseau social du milliardaire Elon Musk, décrite par Marco Rubio comme une « attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain par des gouvernements étrangers ».
« L’administration Trump ne tolérera plus ces actes flagrants de censure extraterritoriale », a-t-il ajouté, dénonçant « un complexe industriel mondial de la censure ».
Réactions et enjeux pour le numérique européen
En Europe, les responsables et les observateurs rappellent la solidité du cadre juridique européen et la primauté du droit sur le numérique, notamment via le Digital Services Act (DSA). Jean-Noël Barrot, le chef de la diplomatie française, a affirmé sur X que « les peuples de l’Europe sont libres et souverains et ne sauraient se faire imposer par d’autres les règles s’appliquant à leur espace numérique ».
La question porte aussi sur les effets possibles de ces sanctions sur la coopération transatlantique et sur l’autorité des régulateurs européens face aux entreprises technologiques. Certains analystes estiment que l’incident met en lumière les tensions entre souveraineté numérique et les mécanismes d’application des règles au niveau européen, sans tirer de conclusions sur l’évolution future des relations UE–US.
Les échanges autour du numérique et les sanctions extraterritoriales pourraient influencer les négociations sur le cadre de régulation, mais le DSA demeure l’un des instruments clefs pour réguler les plateformes et protéger les intérêts des États membres.