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Un double tsunami a secoué le théâtre du conflit israélo-palestinien ces dernières semaines, atteignant des intensités extrêmes. De nombreuses reconnaissances, ou promesses de reconnaissance, de l’État palestinien ont été émises par des capitales occidentales et mondiales, dont la plupart sont des soutiens historiques d’Israël et de son projet sioniste régional. Ces déclarations coïncident avec une vague massive de condamnations des crimes de génocide, de famine et de nettoyage ethnique perpétrés par le régime israélien contre le peuple palestinien, en particulier dans la bande de Gaza.
Ce développement est sans précédent depuis le début du conflit il y a près de huit décennies. Il marque un retournement stratégique majeur dont les répercussions se feront sentir dans les jours et les confrontations à venir.
Des reconnaissances tardives et conditionnelles
La reconnaissance occidentale de l’État palestinien arrive très tardivement, souvent assortie de conditions difficiles à accepter. Cette approche suscite chez de nombreux observateurs palestiniens et leurs partisans un mélange de doute, de suspicion, voire d’accusations de pièges diplomatiques. Beaucoup invoquent la théorie du complot pour tenter d’expliquer cette évolution, mettant en garde contre les dangers qu’elle représente pour le peuple palestinien, sa cause, ses droits et sa lutte légitime.
Si ces craintes sont compréhensibles, il est essentiel de ne pas céder à une lecture purement négative de cette avancée.
La résistance au cœur du changement
Les adversaires de la résistance, quels que soient leurs horizons, observent attentivement ce tournant, mais ils refusent d’en reconnaître la paternité à la résistance palestinienne. Ils préfèrent attribuer ce succès à la catastrophe humanitaire qui frappe Gaza, ou parfois à leur propre « habileté diplomatique », qui pourtant n’a produit ni avantages ni protections tangibles. Ainsi, au plus fort de ce tsunami, ces opposants ont multiplié les condamnations des événements du 7 octobre, reprenant à leur compte les conditions occidentales pour reconnaître la Palestine comme État indépendant.
Ils oublient délibérément que Gaza et sa résistance sont l’incarnation même du lien inextricable entre catastrophe et héroïsme. Sans la ténacité et la gestion exceptionnelle de la guerre par la résistance, qui a surpassé les efforts combinés des armées arabes, les transformations actuelles dans l’opinion publique mondiale, reflétées dans les positions des systèmes politiques, n’auraient jamais eu lieu.
Les limites des initiatives internationales classiques
Les résultats obtenus par la résistance en moins de deux ans surpassent de loin ceux de centaines de conférences, initiatives, résolutions internationales et structures censées dessiner ce que l’on appelait autrefois le « processus de paix ». Quant à l’étendue de la catastrophe historique et géographique actuelle, certains « rationalistes » arabes oublient que sa responsabilité incombe en grande partie à leur incapacité, leur complicité et leur échec à fournir même les nécessités alimentaires ou hydriques à Gaza sans autorisation préalable israélienne, souvent après de longues et humiliantes attentes.
Si une vingtaine de pays arabes avaient respecté les principes fondamentaux du travail arabe commun, usant de leurs moyens politiques, diplomatiques et économiques pour faire pression, cette tragédie aurait pu être limitée.
Un tsunami aux implications paradoxales
Le tsunami des reconnaissances n’est ni à minimiser ni à dramatiser outre mesure. Il représente, d’une part, le pendant politique, moral et juridique du tsunami de condamnations des « néo-fascistes », posant ainsi les bases du projet d’existence d’un État incarnant la nationalité palestinienne.
Le scepticisme vis-à-vis des lourdes conditions imposées à cette reconnaissance ne doit toutefois pas faire perdre de vue l’existence d’un acquis se réalisant plus rapidement que prévu.
Les critiques les plus virulents, notamment les partisans de la théorie d’un « État à portée de main », ne méritent pas qu’on prête trop attention à leurs postures. Ils avaient auparavant conféré le statut d’État à une « autorité sans pouvoir » et cru que des gestes symboliques suffiraient à franchir la moitié du chemin vers l’État, alors même que leur autorité se réduisait continuellement.
Reconnaissance internationale et réalité sur le terrain
La reconnaissance internationale de la Palestine ne signifie pas nécessairement la création effective de cet État, ni son imminence. Il s’agit là d’un processus de lutte qui peut s’étendre sur des années, voire des décennies, et nécessiter le relais générationnel.
Le contexte actuel implique un État et une société qui glissent dangereusement vers la barbarie et le fascisme, menacés tant par la corruption interne que par les agressions extérieures. Un avenir difficile et coûteux attend donc les Palestiniens, leurs alliés et leurs défenseurs.
Les conditions européennes et leurs implications
Les positions de la France, du Royaume-Uni (et dans une moindre mesure de l’Allemagne) sont marquées par des conditions très strictes : reconnaissance d’Israël comme État juif, élections excluant le Hamas, démilitarisation de la résistance, réformes de l’Autorité palestinienne dépouillant tout caractère national et effaçant la mémoire historique collective du peuple.
Ces conditions humiliantes cachent des intentions pernicieuses. Elles coexistent avec des relations étroites entretenues par ces mêmes pays avec le gouvernement israélien accusé de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et d’imposition de famine à Gaza.
Il est légitime de s’interroger sur leurs valeurs et leur conscience alors même qu’ils continuent d’armer et de soutenir des responsables politiques israéliens controversés.
Le rôle critique de la direction palestinienne à Ramallah
Avant de critiquer les puissances occidentales, il faut interroger le leadership palestinien de Ramallah, qui paraît accepter ces conditions humiliantes sans résistance. Ce pouvoir promeut depuis des années la démilitarisation de la résistance, l’a déjà mise en œuvre dans plusieurs régions de la Cisjordanie, et prépare des élections excluant le Hamas et tous les groupes de résistance dans le cadre d’un scrutin à parti unique.
Cette situation représente le véritable danger et la faille dans la lutte palestinienne – un cheval de Troie exploité par les ennemis du peuple palestinien et de sa résistance pour faire avancer leurs sombres agendas.
Appel à l’unité et vigilance
Face à cette réalité, les efforts doivent se concentrer sur la consolidation de l’unité et la fermeture des failles. Le rôle néfaste exercé par l’Autorité palestinienne durant les deux années de guerre précédentes a été un point faible majeur, et la pérennisation de sa domination représente un obstacle grave à la prochaine phase politique et diplomatique.
Il s’agit de libérer la reconnaissance palestinienne des conditions israélo-européennes qui continuent de peser lourdement sur son avenir, même lorsque formulées par des puissances comme l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni.
Entre espoir et précaution
Le double tsunami des reconnaissances et des condamnations doit être accueilli avec optimisme tout en restant prudent. Il pourrait s’agir d’un nouveau piège où l’on demande aux Palestiniens de payer d’avance un lourd tribut, tandis que la matérialisation effective de l’État reste encore incertaine et retardée.
Des exigences telles que le désarmement de la résistance, la reconnaissance de l’État hébreu comme État juif, et une normalisation prématurée pourraient précéder toutes discussions sur les frontières, la souveraineté, la capitale ou la citoyenneté de ce futur État.
Un bilan en demi-teinte mais une progression tangible
Dans cette guerre marquée par la quête de « points » diplomatiques plutôt que par un coup décisif, les Palestiniens ont réalisé des avancées notables, reconnues même par Israël et ses alliés les plus fidèles. Toutefois, certains Palestiniens et sympathisants nient encore ces progrès malgré le lourd tribut humain subi.
Ils se préparent à de nouvelles confrontations, inévitables, dont les modalités restent inconnues mais qui s’annoncent certaines.