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Entre le 13 et le 17 mai prochains, l’Eurovision à Bâle pourrait être le théâtre d’environ 15 000 cas de violences sexuelles, selon une estimation alarmante dévoilée par les autorités du canton. Ce chiffre, issu d’une extrapolation basée sur des données issues d’autres festivals, vise avant tout à sensibiliser le public et à attirer l’attention sur ce fléau.
Une estimation basée sur des études internationales
Le Service de protection contre la violence et l’aide aux victimes du canton de Bâle-Ville a communiqué ce chiffre lors d’une conférence de presse. Sur les 500 000 visiteurs attendus, dont une majorité de femmes, environ 3 % seraient susceptibles de subir du harcèlement ou des violences sexuelles, soit près de 15 000 personnes concernées.
Pour établir cette hypothèse, les autorités se sont appuyées principalement sur un sondage britannique réalisé en 2019 par l’Académie britannique des sciences humaines et sociales. Parmi 450 personnes interrogées, un tiers des femmes déclaraient avoir été victimes de harcèlement lors d’un festival dans l’année écoulée, tandis que 8 % des femmes et 1 % des hommes affirmaient avoir subi une agression sexuelle. De plus, la majorité des victimes ne signalent pas ces faits aux autorités.
Une étude menée en 2018 par l’Université du Nevada aux États-Unis révèle que plus de 90 % des festivalières ont fait face à une forme quelconque de harcèlement, allant des commentaires sur leur apparence pour plus de 60 % d’entre elles, aux attouchements pour plus de la moitié, jusqu’à des agressions ou viols pour 3 % des répondantes.
En l’absence de statistiques précises en Suisse, une étude réalisée en 2021 à Zurich montre que 49 % des victimes d’abus sexuels estiment être « particulièrement souvent confrontées » à ces comportements lors de festivals ou d’événements festifs, contre 58 % dans les lieux nocturnes.
Facteurs de risque et mesures de prévention à l’Eurovision
Chaque festival possède ses spécificités en termes de risques, influencés par des facteurs sociaux, l’âge des participants ou encore la présence de campings. L’Eurovision cumule plusieurs d’entre eux : présence de grandes foules, peu d’espaces pour se retirer, ambiance festive, obscurité et consommation d’alcool.
Si l’extrapolation de sondages reste délicate, les autorités bâloises estiment que cette projection n’est pas démesurée. Pour y répondre, un dispositif de prévention conséquent sera déployé :
- ligne d’assistance téléphonique accessible 24 heures sur 24,
- équipes mobiles chargées de sensibiliser le public,
- ouverture de quatre abris surveillés en ville,
- mobilisation d’environ 130 intervenants dédiés à la protection des festivaliers.
Ce dispositif vise à limiter la gravité et la fréquence de ces incidents durant l’Eurovision à Bâle.
« Le sentiment d’insécurité, c’est déjà une insécurité »
Pascal Viot, sociologue urbain à l’EPFL et coordinateur du Paléo festival, souligne que ce chiffre « spectaculaire » reflète une inquiétude collective autour des agressions sexuelles et du harcèlement dans l’espace public. Il rappelle la difficulté de mesurer précisément le phénomène, qui regroupe des cas graves et des situations souvent non signalées.
Selon lui, cette publication vise à interpeller et susciter une prise en charge collective du problème, afin de contrer le sentiment d’isolement ressenti par nombre de victimes. « La sécurité est une tranquillité d’esprit qui permet de vivre positivement une expérience. Tant que ce risque demeure dans les esprits, il engendre une angoisse qui altère le vécu », explique-t-il.
Il plaide pour une réintroduction de la relation humaine et une réponse collective, face à un phénomène où les femmes sont souvent renvoyées à des ressources personnelles pour gérer leur insécurité, adaptant constamment leurs comportements voire leurs moyens de défense.
