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Féminicide : Nathalie, victime ignorée par la police à Lille

by Sara
France

Nathalie Debaillie a été assassinée en mai 2019 à Lille par son ancien compagnon, Jérôme Tonneau, qu’elle avait quitté quatre mois auparavant. Malgré plusieurs alertes auprès des forces de l’ordre, aucune mesure de protection n’a été prise. Ce mercredi, les proches de la victime ont assigné l’État en justice, dénonçant une « faute lourde » dans la gestion de ce dossier.

Un crime reconnu et une lourde condamnation

Le crime est incontestable. En juillet dernier, Jérôme Tonneau a été condamné à 30 ans de prison pour l’enlèvement et l’égorgement de son ex-compagne. Dès sa garde à vue, il a reconnu les faits, relatant en détail la matinée du 27 mai 2019 : l’enlèvement sur le parking de l’entreprise où travaillait Nathalie, l’utilisation d’un taser pour la maîtriser, puis les coups de couteau portés à son domicile. Le corps de la quadragénaire a été retrouvé quelques heures plus tard, bâillonné et dissimulé sous un drap ensanglanté.

Alors que la justice pénale a tranché, une procédure civile s’ouvre aujourd’hui devant le tribunal de Paris. La famille de Nathalie réclame la reconnaissance de la responsabilité de l’État, estimant que ce drame aurait pu être évité. Entre février et mai 2019, Nathalie s’était rendue à quatre reprises au commissariat pour signaler le harcèlement et les menaces dont elle était victime. Une plainte et trois mains courantes avaient été déposées sans qu’aucune suite concrète ne soit donnée.

Un passé troublé et des alertes ignorées

Cadre supérieure et mère de deux enfants, Nathalie Debaillie avait rencontré Jérôme Tonneau sur un site de rencontres. Rapidement, la relation s’est détériorée. Jérôme Tonneau, déjà condamné pour escroquerie et vols, était également suspecté de fraude à l’assurance. Après une première séparation en 2018, le couple a définitivement rompu début 2019.

À partir de là, les menaces se sont multipliées : messages inquiétants, filatures, intimidations. Le 11 février, Nathalie a alerté la police, qui n’a rédigé qu’une main courante, qualifiant les faits de « différend entre concubins ». Les signalements suivants, les 5 et 9 mars, décrivaient un comportement de plus en plus menaçant, notamment lorsque Jérôme Tonneau tentait de l’approcher dans le parking de son lieu de travail.

Le 9 mars, sa plainte a enfin été enregistrée, mais elle n’a jamais été transmise au parquet. Le commissariat a estimé qu’aucune mesure de protection n’était nécessaire. Pourtant, Nathalie dénonçait un harcèlement quotidien, des menaces de mort et une surveillance constante. Un proche de Jérôme Tonneau lui avait même laissé un message vocal affirmant que ce dernier voulait « la mettre dans un coffre et la tuer ». L’historique judiciaire de Tonneau, ainsi que ses précédentes accusations de violences, n’ont pas été pris en compte.

Le 22 mai, cinq jours avant son assassinat, Nathalie a été convoquée par la police car son ex-compagnon avait porté plainte contre elle pour vol de téléphone. Après avoir prouvé que l’appareil lui appartenait, elle a de nouveau signalé les menaces, les photos de tombes qu’elle recevait et les appels anonymes. Aucune action n’a toutefois été entreprise.

Des dysfonctionnements majeurs dans la prise en charge

Ce féminicide révèle d’importants manquements dans la gestion des violences conjugales. Plusieurs tentatives d’enlèvement auraient dû alerter les autorités. Pour les proches de Nathalie, cette absence de réaction traduit un défaut systémique dans le traitement des menaces psychologiques et du harcèlement.

En 2022, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, avait reconnu des erreurs dans ce dossier. Des sanctions ont été infligées aux agents concernés et le service a été restructuré. Toutefois, les proches de Nathalie jugent ces mesures insuffisantes et réclament une condamnation de l’État, qui ne serait que la troisième reconnaissance officielle d’une « faute lourde » dans un cas de féminicide.

Un appel à un engagement institutionnel renforcé

La porte-parole de l’Association Solidarité Femmes souligne la difficulté pour les victimes d’obtenir une réaction adéquate des institutions face aux violences. Elle insiste sur l’importance d’un accompagnement précoce et adapté, encourageant les femmes à se tourner vers les associations dès les premiers signes de violence. Le numéro 3919 est présenté comme une ressource essentielle pour être écoutée et orientée.

Elle alerte également sur une stratégie inquiétante utilisée par certains agresseurs : la contre-attaque judiciaire par le dépôt de plaintes visant à discréditer les victimes. « Les hommes auteurs de violences emploient de plus en plus la contre-plainte, inversant les rôles pour manipuler la justice », explique-t-elle. Elle conclut avec gravité : « Au final, c’est toujours la femme qui meurt… »

Cette tragédie souligne la nécessité impérative de revoir en profondeur les dispositifs de protection des femmes victimes de violences conjugales, enjeu crucial pour leur survie.

source:https://www.doctissimo.fr/psychologie/violences-conjugales/elle-avait-prevenu-4-fois-nathalie-assassinee-apres-avoir-supplie-les-autorites-un-drame-evitable-selon-solidarite-femmes-381832.htm

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