TF1 a annoncé en novembre dernier la fermeture de Téléshopping après 38 ans d’antenne, marquant la fin d’un format emblématique du téléachat en France. L’émission, née à la fin des années 80, a accompagné des millions de foyers chaque matin par le biais de démonstrations et de commandes téléphoniques.

À l’origine, Pierre Bellemare importe le téléachat des États‑Unis et, avec Maryse Corson, propose une vitrine de produits allant des balais vapeur aux fours multifonctions, en passant par les machines à VHS et divers accessoires. Chaque matin, les animateurs‑vendeurs présentent les articles et les téléspectateurs peuvent commander en appelant le standard.
Le concept séduit et inspire d’autres chaînes: Canal+, M6 et La Cinq lancent leurs propres téléachats, et TF1 rebaptise sa future émission Téléshopping. Catherine Falgayrac et Laurent Cabrol prennent les rênes en 1994, suivis de l’arrivée de Marie-Ange Nardi en 2008 et d’Alexandre Devoise en 2014, duo qui restera en place sur la durée. Ces visages deviennent des repères dans les salons français, particulièrement auprès des ménagères et des retraités.
Les années 1990 et 2000 voient l’émission atteindre son apogée, avec une musique de générique devenue familière et des best-sellers qui reviennent régulièrement sur le plateau, parfois vendus par millions. Le barrage aux insectes, la cure éclair liberté et les systèmes de rangement sous vide restent gravés dans la mémoire collective des téléspectateurs. Mais dès le tournant des années 2010, Téléshopping éprouve des difficultés face à la poussée du commerce en ligne et aux enseignes qui s’y adapter rapidement.
En 2023, le groupe Stars, qui détenait Téléshopping, est placé en liquidation judiciaire et l’émission est reprise par Selextra sous le nom de M6 Boutique. Malgré tout, l’audience ne retrouve pas son public d’antan et, en novembre, TF1 confirme la fin du programme après 38 ans d’antenne. Selon Le Parisien, l’audience se situe autour de 130 000 fidèles chaque matin, pour environ 4,3 % de parts de marché dans sa case horaire.
Deux nouveaux téléachats sont annoncés sur M6: My Boutique Téléshop, programmé à partir du 2 janvier sur M6, et des déclinaisons sur W9 et 6ter le 3 janvier. Marie-Ange Nardi quittera Téléshopping pour animer ces deux émissions, aux côtés de Charlotte Rosier, figure actuelle de M6 Boutique.
Selon Philippine Loupiac, enseignante-chercheuse en marketing digital à la Toulouse Business School, la curiosité pour Téléshopping était alimentée par une impression d’innovation et de rapidité, plus efficace que la vente par correspondance et encore perçue comme importée des États‑Unis.
Le portrait type du téléspectateur en 2025 se dessine: un public retraité ou peu actif, regardant la télévision le matin et préférant un canal téléphonique familier à l’internet. D’un point de vue comportemental, il s’agit d’individus qui n’ont pas adopté le passage au numérique et qui apprécient les interactions directes par téléphone. Les jeunes, habitués à l’instantanéité du Web, n’ont guère de raison de commander via Téléshopping.
Face à l’avancée du commerce en ligne, la persistance de Téléshopping résulte peut-être d’une habitude, mélange de divertissement et de commerce. Sans chiffres de production, il est difficile d’évaluer l’efficacité du modèle: ce que l’émission vendait autrefois peut être trouvé aujourd’hui en ligne sous forme de vidéos d’utilisation et d’offres en diffusion sur les réseaux sociaux, qui utilisent des mécanismes psychologiques différents, avec des influenceurs qui entretiennent la familiarité avec les consommateurs.
Les responsables estiment toutefois qu’un éventuel renouveau dépendrait d’un recours à la rareté et à l’exclusivité, en éditions très limitées et avec des appels “appelez dans la minute”. Reste à voir si une telle approche suffira à susciter une demande, surtout parmi les générations qui ne regardent plus la télévision comme autrefois.