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Les montagnes Rocheuses de Kananaskis s’apprêtent à accueillir un G7 sous haute tension. Rarement un sommet n’aura cristallisé autant d’enjeux convergents : la guerre en Ukraine qui s’enlise, l’embrasement du Moyen-Orient après les frappes israéliennes sur l’Iran, et au cœur de toutes les équations, Donald Trump, sphinx imprévisible dont chaque mot sera scruté par des alliés européens en quête de signaux.
Un casting inédit pour des défis décuplés
Le huis clos de Kananaskis, en Alberta, réunira une assemblée largement renouvelée. Autour de la table, les nouveaux visages se multiplient : António Costa pour le Conseil européen, Mark Carney pour le Canada, Keir Starmer pour le Royaume-Uni, Shigeru Ishiba pour le Japon, Friedrich Merz pour l’Allemagne. Cette recomposition diplomatique intervient à un moment charnière où les équilibres géopolitiques vacillent de toutes parts.
Pour l’Europe, l’équation est redoutable. Ursula von der Leyen et António Costa arrivent au Canada, forts du 18e paquet de sanctions contre la Russie, véritable tour de force juridique qui abaisse le plafond pétrolier de 60 à 45 euros le baril et traque impitoyablement la « flotte fantôme » moscovite. Cette offensive européenne, qui frappe sur quatre fronts simultanément – énergie, finance, technologie et réseaux de contournement –, constitue un pari audacieux : contraindre Trump à avaliser une ligne dure qu’il n’a pas choisie.
Le poker menteur des sanctions pétrolières
L’ombre de Trump plane sur chaque dossier, mais nulle part autant que sur la question cruciale du pétrole russe. L’embrasement du Moyen-Orient complique singulièrement la donne : avec le Brent qui dépasse désormais les 74 euros le baril, bien au-dessus du plafond européen, la mécanique des sanctions se grippe. Plus le prix mondial s’envole, plus il devient ardu de convaincre Washington d’abaisser encore le plafond russe.
Les Européens le savent : chaque euro supplémentaire enrichit Vladimir Poutine sans que les coûts de production n’augmentent d’un kopeck. Un cercle vicieux que Bruxelles espère briser en s’attaquant simultanément aux navires-citernes qui échappent aux contrôles occidentaux. Mais cette stratégie sophistiquée nécessite la coopération américaine, notamment pour les assurances maritimes et les services financiers.
Trump peut-il laisser tomber l’Ukraine ?
Kiev demeure l’épicentre des tensions. Les capitales européennes misent sur la continuité du soutien américain, tout en préparant fébrilement l’après-guerre. Cette approche à double détente – maintenir la pression militaire sur Moscou en esquissant parallèlement les contours d’une paix durable – reflète une vision européenne de long terme que ne partage pas nécessairement une Amérique fatiguée par les conflits lointains.
L’interconnexion des théâtres de crise complique encore l’analyse. Les drones iraniens qui pleuvent sur l’Ukraine, les missiles nord-coréens qui renforcent l’arsenal russe, les technologies chinoises qui alimentent la machine de guerre de Poutine : cette géopolitique en réseau défie les approches compartimentées traditionnelles.
Le Moyen-Orient, grain de sable diplomatique
L’escalade israélo-iranienne des dernières quarante-huit heures bouleverse l’agenda prévu. Les dirigeants du G7 devront jongler entre les dossiers ukrainien et moyen-oriental, deux crises qui s’entremêlent désormais par le jeu des alliances croisées. L’Iran, fournisseur de drones à la Russie, devient simultanément l’adversaire d’Israël et l’ennemi indirect de l’Ukraine.
Cette volatilité géopolitique joue en défaveur d’un sommet initialement conçu autour de discussions économiques approfondies. Les sessions sur la sécurité économique, les minéraux critiques ou l’intelligence artificielle risquent d’être éclipsées par l’urgence géopolitique.
L’art délicat de la persuasion collective
Face à cette complexité, l’Europe mise sur la magie du petit groupe. Le format G7, contrairement aux enceintes multilatérales pléthoriques, favorise les échanges francs entre dirigeants. Dans le cadre intimiste des Rocheuses canadiennes, loin des caméras et des effets de manche, les conversations à bâtons rompus peuvent faire basculer les positions.
Les Européens comptent sur cette alchimie particulière pour infléchir les réticences américaines. Leur stratégie : démontrer l’interconnexion des crises, l’inefficacité des approches isolées, la nécessité d’une réponse coordonnée. Un exercice de haute voltige diplomatique où chaque nuance compte.