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Dans la période délicate qui suit l’accord de cessez-le-feu à Gaza, le dossier juridique palestinien devant la Cour pénale internationale (CPI) revient au premier plan comme un enjeu central de justice différée. Les avocats et les organisations de défense des droits préparent de nouvelles actions afin de traduire en actes les crimes documentés durant l’offensive israélienne, malgré les obstacles juridiques et politiques auxquels la Cour fait face.
Pas de trêve judiciaire
Pour Abdelmajid Merari, avocat et spécialiste du droit international, la fin des hostilités n’entraîne pas d’interruption des efforts judiciaires. Il a qualifié l’accord de cessez-le-feu de «pas vers la paix» attendu par le peuple palestinien, tout en insistant sur le fait que «pas de trêve juridique» ne sera accordée tant que la justice n’est pas rendue.
Merari affirme que les plaintes, procédures et poursuites se poursuivront «jusqu’à ce que justice soit rendue pour l’enfant, la mère palestinienne et les familles affamées de Gaza», et que la véritable trêve dépendra de la mise en détention des auteurs présumés.
Il évoque aussi une «mobilisation judiciaire» internationale, citant des initiatives de procureurs européens et des décisions nationales touchant les relations économiques et l’exportation d’armes vers Israël.
Nouvelles démarches et calendrier
Le dossier judiciaire palestinien n’est pas clos. Merari rappelle que l’équipe, active depuis 2008, prévoit des étapes importantes devant la CPI, dont un grand rassemblement international d’avocats à La Haye prévu pour la fin octobre.
Parmi les actions attendues :
- Nouvelle série de plaintes thématiques (médecins, journalistes, etc.).
- Dépôts de communications et demandes d’enquêtes complémentaires auprès du bureau du procureur.
- Coordination internationale pour réunir preuves et témoignages en vue de constituer des actes d’accusation.
Merari estime qu’Israël a perdu la bataille judiciaire à différents niveaux, notamment après le grand mouvement d’équipes juridiques en novembre 2023 qui a abouti à une plainte pour génocide à Gaza.
Accusations contre le procureur et impact sur la crédibilité
La Cour fait face à des défis importants affectant sa réputation, notamment des accusations d’inconduite sexuelle visant le procureur Karim Ahmad Khan, qui a pris un congé provisoire en attendant l’enquête.
Merari rappelle le principe de présomption d’innocence mais souligne que la situation a compliqué le travail du bureau du procureur, tout en notant l’engagement antérieur de Khan à poursuivre les dossiers relatifs aux crimes commis à Gaza, y compris des mandats d’arrêt préparés pour des ministres israéliens.
Un désaccord aurait émergé entre la chambre préliminaire et le bureau du procureur sur la confidentialité de certains mandats d’arrêt, la question de leur publication et de leur protection restant source de tension.
Protéger la justice internationale
Merari alerte sur les pressions et menaces qui pèsent sur la Cour : menaces publiques d’imposer des sanctions à des juges, pressions politiques de grands États et intimidation des familles de victimes. Il affirme que l’occupation «punit la justice» et que les personnes qui saisissent la CPI sont parfois visées.
La CPI ne dispose pas de moyens militaires ou de force de protection ; d’où la nécessité, selon Merari, d’une volonté internationale pour protéger les juges, les procureurs et les témoins impliqués.
Il relève aussi une asymétrie dans les soutiens internationaux : le dossier ukrainien a bénéficié d’un appui financier et politique rapide, facilitant les enquêtes, alors que le dossier palestinien souffre d’un manque de financement et d’attention équivalente.
Protection des témoins et des victimes
Un protocole strict encadre les contacts entre enquêteurs et victimes pour garantir sécurité et confidentialité. Merari insiste : «Le droit ne parle pas, il travaille» — les enquêtes se poursuivent en toute discrétion malgré les pressions.
Sur la question des journalistes, Merari estime que le dossier progresse lentement. Il annonce la collecte prochaine de témoignages et de documentations en vue de plaintes nominatives, y compris des cas de journalistes tués à Gaza.
La mise en place de mécanismes de protection des témoins et de soutien aux victimes demeure une priorité pour permettre la poursuite des procédures devant la CPI et pour que la justice internationale puisse jouer pleinement son rôle.
Perspectives immédiates
Les prochaines semaines s’annoncent déterminantes : rassemblement d’avocats à La Haye, dépôts de plaintes thématiques et poursuite des investigations secrètes menées par le bureau du procureur. Le dossier palestinien reste actif, porté par des équipes juridiques internationales déterminées à transformer les preuves en actes d’accusation.
Pour les acteurs impliqués, la question centrale reste la même : la garantie d’une justice effective pour Gaza dépendra autant des procédures judiciaires que de la protection internationale accordée à la Cour et aux témoins.