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Hommage à Wahb Roumiya, maître du critique littéraire arabe

by Sara
Syrie, Yémen, Émirats arabes unis

Dans les espaces du verbe, où la lumière se mêle au sens et où la poésie s’abrite sous l’ombre de la méditation, s’est levée une voix critique qui n’a jamais seulement lu le poème : elle en a écouté le battement. Wahb Roumiya fut ce critique-poète, attentif au souffle profond du texte, capable de recomposer son éclat à la lumière d’une pensée incisive et d’une sensibilité délicate.

Cette évocation parcourt quelques étapes de sa trajectoire intellectuelle et rend compte des hommages réunis dans l’ouvrage collectif publié par le majma’ al-arabiyya al-sa’ida au Yémen, intitulé « Wahb Roumiya, connaisseur de la poésie et de la littérature », paru après son départ récent.

Le parcours académique et professionnel

Né à Lattaquié en 1944, Wahb Roumiya a obtenu la licence en langue et littérature arabes à l’université de Damas en 1967. Il a ensuite soutenu un master à l’université du Caire en 1974 avec mention très bien, puis une thèse de doctorat d’État en lettres en 1977, classée avec la plus haute distinction.

Sa carrière d’enseignant a débuté à l’université de Damas en 1978 et s’est poursuivie jusque dans les dernières années de sa vie. Il a enseigné également à Sanaa et au Koweït, tout en restant lié aux institutions universitaires et aux académies arabes.

  • Membre du Majma’ al-lugha al-‘arabiyya à Damas.
  • Éditeur et président de plusieurs revues littéraires.
  • Membre de jurys et comités scientifiques, y compris le jury du concours « Amir al-Sho’ara » (saison XI, 2024–2025).

Œuvre et publications essentielles

Wahb Roumiya laisse huit ouvrages publiés et de nombreux articles. Ses études couvrent la poésie préislamique, la structure de la poésie arabe et les relations intertextuelles entre la poésie ancienne et la poésie moderne.

  • Al-Rihla fi al-qasida al-jahiliyya (Le voyage dans la qasida préislamique).
  • Binayat al-qasida al-‘arabiyya (La structure de la poésie arabe).
  • Shi’runa al-qadim wa al-naqd al-jadid (Notre poésie ancienne et une critique nouvelle).
  • Al-shi’r wa al-dhakira: al-tanâs entre la poésie jahiliyya et la poésie arabe du XXe siècle (Poésie et mémoire).

Méthode critique et singularité

On décrivait Roumiya comme un « critique goûteur » : il choisissait les vers les plus purs de la poésie arabe, les chargeait de sens et les examinait, les déconstruisait et les reconstituait pour en faire jaillir des significations neuves.

Sa méthode associait :

  • Des lectures approfondies et attentives du texte.
  • Une culture littéraire encyclopédique et un esprit analytique aigu.
  • Un style d’expression limpide, porté par une rhétorique maîtrisée.

Ses collègues louent sa manière d’ouvrir des voies inédites de compréhension du patrimoine littéraire et son aptitude à révéler des horizons ignorés auparavant.

Témoignages et appréciations

Les hommages rassemblés dans l’ouvrage collectif témoignent d’une admiration unanime pour sa stature scientifique, son élégance langagière, sa profondeur de lecture et son humilité.

  • Le professeur Moqbil, président du Majma’ al-Arabiyya al-Sa’ida, a souligné que ses thèses, notamment « Le voyage dans la qasida préislamique » et « La qasida de l’éloge jusqu’à la fin de l’époque omeyyade », ont ouvert de nouveaux horizons dans la lecture de la poésie arabe ancienne.
  • Le professeur Mazen Al-Mubarak a rappelé que les ouvrages de Roumiya diffusaient ses idées dans les universités arabes et faisaient entendre une voix nouvelle dans la critique et la poésie arabes.
  • Le professeur Muhammad Abdallah Qasim a évoqué la magie de son élocution et la beauté avec laquelle la poésie ancienne coulait sur sa langue, rapprochant l’auditeur d’une expérience esthétique profonde.

Impact pédagogique et humanité

Enseignant exigeant et inspirant, Roumiya forma plusieurs générations d’étudiants. Ses pairs insistent sur deux piliers de son enseignement : l’exemplarité et l’orientation bienveillante.

On retient aussi son goût pour le travail hors des projecteurs administratifs. Le professeur Ghayath Barakat relate qu’il préférait offrir généreusement son savoir plutôt que d’occuper des postes de pouvoir.

  • Il privilégiait la transmission directe et l’accompagnement des étudiants.
  • Il cultivait la modestie, la correction et la délicatesse humaine.
  • Il encourageait un esprit critique qui ne sacralise rien mais jauge selon la raison et la science.

Hommages et postérité intellectuelle

L’ouvrage commémoratif publié au Yémen rassemble soixante contributeurs — universitaires, membres d’académies, étudiants et proches — témoignant des liens profonds que le défunt entretenait avec les milieux académiques arabes et internationaux.

Son œuvre reste une réserve vivante pour qui veut repenser les formes et les méthodes du critique littéraire moderne. Nombre de ses lectures et interprétations continuent d’enrichir la recherche et les cours universitaires.

Une empreinte durable sur le champ littéraire arabe

Wahb Roumiya s’en est allé après avoir laissé un corpus généreux qui, sans exagération, peut contribuer à redessiner les contours de la critique arabe contemporaine. Ses analyses, son style et son éthique intellectuelle constituent un legs précieux pour les lecteurs, chercheurs et enseignants.

Sa voix critique persiste dans les salles de classe, les revues et les bibliothèques, invitant à une lecture attentive, imaginative et exigeante de la poésie arabe.

source:https://www.aljazeera.net/culture/2025/9/12/%d9%88%d9%87%d8%a8-%d8%a7%d9%84%d8%b0%d9%8a-%d9%88%d9%87%d8%a8-%d8%b3%d9%81%d9%86-%d8%a7%d9%84%d9%85%d8%b9%d9%86%d9%89-%d8%b6%d9%88%d8%a1%d8%a7-%d9%81%d9%8a

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