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Au lever du soleil le 1er juillet, la famille d’Abdelaziz Alwadia a décoré sa maison avec les drapeaux rouges et blancs pour célébrer la Journée nationale du Canada, commémorant le 158e anniversaire de la fondation de la Confédération canadienne. Ce jour-là, citoyens et résidents, y compris des milliers de familles arabes et musulmanes, qui font désormais partie intégrante du tissu multiculturel du pays, célèbrent ensemble, donnant à cette fête une nuance particulière.
Abdelaziz Alwadia, 56 ans, a immigré au Canada avec son épouse il y a 26 ans à la recherche d’une vie meilleure et d’un avenir prometteur. Père de quatre enfants, il confie : « Au début, lors de notre arrivée au pays, la Journée nationale nous faisait sentir étrangers, mais avec le temps, elle est devenue un jour porteur d’espoir et de nouvelles opportunités. »
Abdelaziz Alwadia entouré de ses enfants tenant le drapeau canadien en célébration de la Journée nationale (Al Jazeera)
Les défis rencontrés
Abdelaziz raconte que ses débuts furent marqués par de nombreuses difficultés, notamment :
- La difficulté à trouver un emploi.
- Le manque de lieux de culte, d’écoles et d’espaces récréatifs adaptés aux musulmans.
- Une faible représentation arabe et islamique dans la vie politique locale.
Il évoque aussi la discrimination raciale sévère qu’il a subie, notamment après les attentats du 11 septembre 2001, où il a perdu son emploi en raison des préjugés liés à son identité arabe et musulmane, souvent associée à tort au terrorisme.
Malgré ces obstacles, ces défis persistent encore aujourd’hui pour ses enfants nés au Canada, mais sous une forme plus subtile et moins explicite, une discrimination latente perceptible partout, selon lui.
Toutefois, les conditions se sont nettement améliorées. L’augmentation du nombre de communautés arabes, d’associations défendant leurs droits, ainsi que la multiplication des écoles et centres islamiques témoignent d’un progrès significatif. Les mosquées, les établissements scolaires et les restaurants arabes sont désormais répandus, et une nouvelle génération arabophone cultivée et éduquée s’épanouit dans divers secteurs de service.
Après 26 années d’exil, Abdelaziz exprime sa fierté : « Malgré les grands défis, nous avons réussi à offrir une bonne éducation à nos enfants, qui ont tous fréquenté des écoles islamiques et poursuivent désormais des études universitaires. »
La famille Diab et des nouveaux arrivants lors des célébrations au centre-ville de Calgary (Al Jazeera)
Intégration sociale
Au cœur des festivités du Jour national à Calgary, Marwan Diab et sa famille partagent leur expérience depuis son arrivée pour ses études universitaires en 1990. Il confie :
- Il a ressenti une certaine discrimination basée sur ses origines arabes et musulmanes, à travers des regards désapprobateurs, des commentaires déplacés ou des attitudes froides.
- Cette discrimination, bien que subtile, a été affrontée avec calme et respect, en expliquant toujours son point de vue de manière positive.
Marwan souligne l’importance d’avoir bâti une image positive grâce à un travail acharné et une forte participation communautaire, ce qui lui a valu le soutien de nombreuses personnes respectueuses de la diversité. Cela a renforcé sa confiance en lui et lui a permis de surmonter ces expériences.
Parmi les plus grands défis d’intégration, il cite :
- La maîtrise de l’anglais pour la communication quotidienne.
- La recherche d’emploi compliquée par l’exigence d’expérience canadienne et la reconnaissance des diplômes.
- Le sentiment d’isolement dû à la distance familiale, les difficultés dans la création de nouveaux liens sociaux, les différences culturelles et le climat rigoureux.
Ces défis ont toutefois contribué à son développement personnel et à une intégration progressive. Aujourd’hui, il décrit son expérience et celle de sa famille comme très positives, avec un environnement stable et sûr, où règnent respect de la diversité, libertés, respect du temps et esprit d’équipe. Ses enfants bénéficient d’une éducation qui encourage la pensée critique et l’expression libre, renforçant leur maîtrise de la langue et leurs compétences professionnelles.
Impact de la politique extérieure canadienne
Marwan Diab et Abdelaziz Alwadia s’accordent pour dire que la politique étrangère du Canada a un impact notable sur la communauté arabe, en particulier dans le contexte des tensions au Moyen-Orient. Selon eux :
- Les positions canadiennes sur des conflits comme celui israélo-palestinien, ainsi que sur les situations en Syrie ou au Yémen, suscitent parfois chez certains membres de la communauté un sentiment de surveillance.
- Ils peuvent faire face à des questions concernant leurs opinions politiques ou leurs publications sur les réseaux sociaux.
Cependant, les prises de position du Canada en faveur des droits humains et de l’accueil des réfugiés renforcent le sentiment d’appartenance au pays, incarnant des valeurs de justice et de multiculturalisme.
Les festivités à travers le pays incluent des spectacles musicaux, artistiques et de divertissements variés, ainsi que des feux d’artifice qui illuminent les places publiques avant minuit dans la plupart des villes.
Cette année, les manifestations de célébration ont particulièrement augmenté au sein des communautés arabes, avec une hausse notable des ventes de drapeaux canadiens, un phénomène inhabituel à cette ampleur pour les Canadiens.
Certains observateurs attribuent cette amplification des festivités à la volonté des Canadiens d’affirmer leur patriotisme face aux menaces perçues du président américain Donald Trump et aux tensions qui en résultent.
Mahmoud Alastal : « Nous visons à créer un environnement favorable aux nouveaux arrivants au Canada » (Al Jazeera)
Bridges : un pont vers l’intégration
Les organisations communautaires jouent un rôle crucial dans l’appui aux immigrants. L’association « Bridges for Newcomers » à Calgary, fondée par des Arabes immigrants, organise des rencontres et des événements lors des grandes occasions nationales.
Membre du conseil d’administration, Mahmoud Alastal explique que l’organisation se concentre sur trois axes principaux :
- Fournir des informations sur les services de santé, l’éducation et les aides gouvernementales.
- Renforcer la cohésion sociale grâce à un réseau de bénévoles.
- Faciliter l’intégration économique par la formation professionnelle et la mise en relation avec des opportunités d’emploi.
Grâce à l’accueil des familles à l’aéroport par des bénévoles et l’organisation de rencontres régulières d’échange, l’association atténue le choc culturel des nouveaux arrivants. Elle favorise ainsi leur sentiment de sécurité, d’appartenance et leur appropriation d’une nouvelle identité sociale.
Atelier d’aide dédié aux nouveaux arrivants arabes et musulmans facilitant leur intégration dans la société canadienne (Al Jazeera)
Statistiques sur les musulmans au Canada (selon Statistique Canada)
- La proportion de Canadiens s’identifiant comme musulmans a plus que doublé en 20 ans, passant de 2,0 % (579 640 personnes) en 2001 à 4,9 % (environ 1 775 000 personnes) en 2021.
- Les musulmans vivent dans toutes les provinces et territoires, avec des concentrations plus élevées en Ontario (6,7 %), Québec (5,1 %) et Alberta (4,8 %).
- En 2021, les groupes ethniques parmi les musulmans étaient dominés par les Sud-Asiatiques (37,6 %), suivis des Arabes (32,2 %), des Asiatiques occidentaux (13,0 %) et des Noirs (11,6 %).
- La langue principale parlée à la maison est l’anglais pour 47,3 %, suivie de l’arabe (18,1 %), du français (15,3 %) et de l’ourdou (13 %).
- La population musulmane est relativement jeune (âge moyen de 30 ans) comparée à la moyenne canadienne (âge moyen de 41,2 ans). En 2021, 26,3 % des musulmans étaient âgés de 0 à 14 ans, contre 16,5 % pour l’ensemble des Canadiens.
Personnalités canadiennes d’origine arabe et islamique
- Omar Alghabra : député libéral d’origine syrienne au Parlement fédéral.
- Ahmed Hussen : premier député canadien d’origine somalienne, ancien ministre de l’Immigration.
- Salma Zahid : ancienne députée libérale d’origine sud-asiatique.
- Maria Mourani : ancienne députée du Bloc québécois d’origine libanaise.
- Eddie Francis : maire de Windsor, Ontario (2003-2014), d’origine libanaise.