Table of Contents
La crise des réfugiés afghans : vers une vague de renvois en Pakistan
La crise des réfugiés afghans au Pakistan est l’une des crises humanitaires les plus persistantes depuis des décennies. Des millions de personnes ont fui en raison des guerres et des conflits. Avec l’augmentation des tensions politiques et économiques, ces réfugiés vivent dans des conditions difficiles, tandis que le gouvernement pakistanais tente de les renvoyer et que des appels internationaux se font entendre pour des solutions humanitaires.
Depuis le guerre soviétique en 1979, le flux de réfugiés d’Afghanistan vers le Pakistan n’a cessé d’augmenter, particulièrement durant le régime des Talibans et l’invasion américaine en 2001. Même après le retrait des troupes étrangères en 2021 et le retour au pouvoir des Talibans, l’émigration n’a pas cessé en raison de l’instabilité persistante.
Selon la Commission des Nations Unies pour les réfugiés, il y a plus de 3,7 millions de réfugiés afghans au Pakistan, dont environ 1,4 million sont enregistrés officiellement. Les autres, n’ayant pas de documents légaux, sont menacés de renvoi depuis fin 2023.
Les réfugiés vivent dans des conditions précaires, subissant une pauvreté extrême et un manque d’opportunités d’emploi, avec des services de base insuffisants. Ils se trouvent souvent dans des camps surpeuplés, où les enfants et les femmes sont particulièrement vulnérables à l’exploitation et à l’absence d’opportunités éducatives.
Les réfugiés comme outil de pression politique
Récemment, le gouvernement pakistanais a annoncé que le Premier ministre Shehbaz Sharif a approuvé un plan en plusieurs étapes visant à renvoyer près de 3,7 millions de citoyens afghans vivant au Pakistan. Ce plan concerne les réfugiés officiellement reconnus, ainsi que les migrants enregistrés et non enregistrés, ainsi que ceux qui attendent leur réinstallation promise aux États-Unis et dans d’autres pays occidentaux.
Sharif a également ordonné aux autorités de renvoyer environ 40 000 réfugiés afghans des villes d’Islamabad et de Rawalpindi d’ici le 31 mars prochain, avec des arrangements pour les renvoyer chez eux si leurs dossiers de transfert et de réinstallation dans des pays tiers ne sont pas traités rapidement.
Le mois dernier, le président américain Donald Trump a suspendu le programme d’accueil des réfugiés pour évaluer si sa réactivation servirait les intérêts de Washington, laissant au moins 15 000 réfugiés afghans au Pakistan dans l’incertitude.
Selon l’analyste politique afghan Mohammad Musab, les relations tendues entre Islamabad et Kaboul influencent la manière dont le Pakistan traite la question des réfugiés. Il affirme que « le gouvernement pakistanais utilise la question des réfugiés afghans comme un levier politique sur le gouvernement de Kaboul, les campagnes de renvoi forcé s’intensifiant à chaque fois que les relations entre les deux pays se détériorent, faisant d’eux des otages des conflits politiques entre les gouvernements ».
De son côté, Nida Kermani, enseignante en sociologie à l’Université de Lahore, souligne que l’État pakistanais perçoit les Afghans comme des « terroristes », même si l’État lui-même a joué un rôle clé dans la montée de groupes comme les Talibans en Afghanistan.
Kermani ajoute que « dans les moments d’insécurité économique et de troubles, on observe souvent une montée des discours et des mouvements anti-étrangers. Le scénario actuel fait partie de cette tendance générale, et les Afghans deviennent des boucs émissaires faciles ».
Inquiétude des organisations internationales
En réaction à la décision pakistanaise, les agences des Nations Unies concernées par les réfugiés et l’immigration ont exprimé leurs inquiétudes concernant les plans du Pakistan de lancer une nouvelle vague de renvois massifs de réfugiés et de demandeurs d’asile afghans.
Dans un communiqué commun, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l’Organisation internationale pour les migrations ont déclaré qu’ils « cherchent des clarifications sur la manière et le calendrier de ce processus de renvoi ».
Les deux agences ont appelé le Pakistan à « respecter les normes des droits de l’homme lors de la mise en œuvre des mesures de réinstallation », précisant que cela « comprend la garantie des procédures légales pour les réfugiés légaux et les migrants économiques ayant obtenu des cartes de citoyen afghan ».
Amnesty International a également exprimé ses inquiétudes concernant la situation des réfugiés afghans au Pakistan, appelant le gouvernement pakistanais à fournir des garanties légales pour protéger les réfugiés afghans sur son territoire.
Richard Bennett, rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur l’Afghanistan, a appelé à la fin de l’arrestation et du renvoi forcé des réfugiés afghans du Pakistan, tandis qu’Amnesty International a exhorté les autorités pakistanaises à « s’abstenir de harceler et de détenir des Afghans dans le pays ».
Le gouvernement afghan par intérim a demandé au Pakistan de renoncer aux expulsions forcées des réfugiés afghans, notant que de nombreux réfugiés n’ont ni maison ni emploi en Afghanistan, et a appelé la communauté internationale à intervenir pour fournir de l’aide et garantir les droits des réfugiés.
Dans un communiqué, le gouvernement par intérim a remercié tous les pays ayant accueilli des réfugiés afghans depuis plus de 40 ans et a demandé à ne pas renvoyer les réfugiés afghans de force, car ils ne sont pas prêts à retourner en Afghanistan, en se basant sur le principe de bon voisinage, de fraternité islamique et d’humanité.
L’ambassade afghane à Islamabad a exprimé ses préoccupations concernant le mauvais traitement des réfugiés afghans par la police pakistanaise, appelant les autorités d’Islamabad et les organisations internationales des droits de l’homme à enquêter sur les violations.
Dans un communiqué, le chargé d’affaires afghan, Sardar Ahmad Shakeeb, a demandé à la représentante du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au Pakistan de veiller à ce que l’agence des Nations Unies empêche l’arrestation et le harcèlement des Afghans par la police pakistanaise.
Retour risqué
De nombreux réfugiés afghans vivant au Pakistan craignent le renvoi forcé avec l’échéance fixée par le gouvernement pakistanais. Ils affirment qu’en plus du chômage et des pressions économiques, ils seront confrontés à des menaces sécuritaires en Afghanistan.
Des sources médiatiques locales rapportent les souffrances et les craintes de ces réfugiés, en particulier avec l’expiration de leurs visas de séjour au Pakistan, et comment ils ne peuvent ni travailler ni circuler librement dans cette situation d’incertitude.
La dégradation de la situation économique en Afghanistan représente un défi majeur, avec des taux de pauvreté et de chômage élevés, rendant presque impossible la recherche d’un emploi et compliquant la réintégration des rapatriés dans la société afghane.
La situation se complique davantage avec la fermeture des écoles et des universités pour les filles, privant les filles de retour de l’opportunité de poursuivre leurs études, ce qui aggrave la crise éducative et sociale. De plus, le manque de services de base dans le pays fait que les Afghans de retour souffrent de l’absence de soins de santé et de logements adéquats.
Par ailleurs, les familles afghanes réfugiées au Pakistan vivent des conditions humanitaires difficiles, beaucoup d’entre elles étant contraintes de vivre dans des camps temporaires surpeuplés, où l’accès à des services de base tels que l’eau potable et l’assainissement est insuffisant, exposant les résidents à un risque accru de maladies et d’épidémies.
Le manque d’aide alimentaire et médicale a également entraîné une hausse des taux de malnutrition, notamment chez les enfants et les personnes âgées, qui sont de plus en plus menacés en raison de la faiblesse des soins de santé disponibles pour eux.
Les difficultés des réfugiés ne se limitent pas seulement aux aspects humanitaires, mais s’étendent également à des complications juridiques lors de leur retour en Afghanistan. Beaucoup d’entre eux font face à des défis pour prouver leur identité et obtenir les documents officiels nécessaires, ce qui les prive de services essentiels tels que les soins de santé et les opportunités d’emploi, les plaçant dans une situation légale instable qui entrave leur intégration dans la société.
Jusqu’à ce que la crise trouve une solution appropriée, l’avenir des réfugiés afghans au Pakistan demeure incertain, suspendu entre des décisions politiques et des conditions humanitaires difficiles. En l’absence de solutions internationales claires, ces réfugiés font face à un avenir obscur qui nécessite une intervention urgente pour garantir leurs droits et les protéger contre la souffrance croissante.