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Deux ans de guerre au Soudan : une crise humanitaire sans précédent
Il y a deux ans, un conflit a éclaté au Soudan, un événement que peu avaient anticipé voir s’intensifier aussi rapidement et durer aussi longtemps. Ce qui a commencé comme une lutte violente pour le pouvoir est devenu l’une des pires crises humanitaires et les plus négligées de notre époque.
Le pays est plongé dans une dévastation profonde, marquée par des déplacements massifs, la faim, la violence et des épidémies.
Une crise humanitaire aux chiffres alarmants
Les données sont accablantes :
- Plus de 30 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire.
- Au moins 15 millions de personnes sont déplacées.
- 11,3 millions sont déplacées à l’intérieur du Soudan et 3,9 millions ont fui vers les pays voisins, faisant de cette situation la plus grande crise de déplacement au monde.
- Plus de 20 millions de personnes nécessitent un accès urgent aux soins de santé.
Ces chiffres représentent autant d’histoires individuelles : parents inquiets pour un enfant gravement malnutri, familles bloquées dans des zones sans nourriture, eau potable ni soins médicaux, et des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants qui meurent faute d’accès aux centres de santé. Une génération entière d’enfants manque ses vaccinations de routine.
Les témoignages sur le terrain
Lors de ma visite au Soudan en septembre dernier, j’ai rencontré Soueda, une fillette de neuf ans brillante qui avait fui sa ville natale pour vivre dans un camp de déplacés à Port-Soudan. Là, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) soutient les services de soins primaires. Elle m’a confié ne pas être allée à l’école depuis deux ans.
À Port-Soudan également, des collègues de l’OMS ont rencontré Ashwa et son plus jeune enfant, traité pour une malnutrition aiguë sévère dans un centre de stabilisation soutenu par l’OMS. Ashwa raconte :
« Quand mon bébé a cessé de manger, de boire, de bouger et que ses bras ont enflé, j’ai su que sa vie était en danger. J’ai eu peur de le perdre jusqu’à notre arrivée à cet hôpital où il reçoit un lait spécial et des médicaments. Aujourd’hui, il peut bouger, recommence à téter et même sourire. Sans ce centre, je l’aurais perdu. »
Un silence dangereux autour de la crise
Trop peu de ces histoires atteignent les gros titres. Ce silence entretient l’indifférence et coûtera plus de vies.
La guerre a gravement détruit le système de santé soudanais, surtout dans les zones difficiles d’accès. Dans les régions évaluées :
- 62 % des établissements de santé fonctionnent partiellement,
- 32 % ne fonctionnent pas du tout,
- et la situation reste floue dans des zones comme le Darfour et le Kordofan.
Les patients ne peuvent pas accéder aux traitements de base à cause des combats continus et des attaques répétées contre les structures sanitaires et le personnel médical.
Multiples épidémies et malnutrition généralisée
Deux tiers des États soudanais connaissent plus de trois épidémies simultanées, notamment :
- choléra,
- rougeole,
- paludisme,
- dengue,
- et diphtérie.
Le choléra a déjà fait au moins 1 500 morts.
La malnutrition touche largement les enfants, les femmes enceintes et les mères allaitantes. La famine est confirmée dans cinq zones et pourrait s’étendre à dix-sept, mettant des dizaines de milliers de vies en danger immédiat.
L’action de l’OMS face à la crise
Avec ses partenaires, l’OMS est présente au Soudan pour garantir l’accès aux soins. Malgré les accès sévèrement limités et les attaques sur les infrastructures sanitaires, l’organisation :
- livre des fournitures médicales vitales,
- soutient les hôpitaux et centres de santé,
- et organise des campagnes de vaccination.
Depuis le début du conflit, plus d’un million de patients ont été soignés dans les hôpitaux, centres de santé et cliniques mobiles soutenus par l’OMS.
Par ailleurs :
- 11,5 millions d’enfants ont été vaccinés contre la polio et la rougeole,
- 12,8 millions de personnes ont reçu des vaccins contre le choléra,
- et 75 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère avec complications médicales ont été traités dans les centres de stabilisation.
Un soutien international essentiel
La réponse de l’OMS est rendue possible grâce aux contributions généreuses de partenaires tels que :
- le Fonds central d’intervention d’urgence,
- l’Agence japonaise de coopération internationale,
- le Centre d’aide humanitaire et de secours du roi Salman,
- l’Union européenne,
- la France,
- l’Allemagne,
- l’Italie,
- les États-Unis,
- et d’autres encore.
Cependant, un soutien continu reste crucial en 2025 pour financer le plan de réponse de l’OMS, évalué à 135 millions de dollars, dont 79 % ne sont pas encore financés.
Garantir la protection du personnel et des civils
L’OMS est déterminée à poursuivre son appui au peuple soudanais, mais cela nécessite un accès sécurisé et la protection des civils, des humanitaires et des personnels médicaux.
Depuis le début du conflit, 156 attaques ont été vérifiées contre des établissements de santé, des ambulances, le personnel et des patients, causant :
- 318 morts,
- 273 blessés.
Le personnel de santé et les infrastructures ne doivent jamais être des cibles, car ils sont protégés par le droit international humanitaire. Pourtant, ces protections sont largement ignorées.
Une crise devenue une menace régionale
La crise soudanaise dépasse désormais le cadre national : elle menace la stabilité des pays voisins et risque d’alimenter davantage les déplacements, les maladies et l’insécurité.
Une semaine après ma mission au Soudan, je me suis rendu au Tchad, qui accueille plus de 750 000 réfugiés soudanais. J’y ai rencontré des familles ayant marché des jours durant pour franchir la frontière en quête de sécurité.
Certaines ont vu leurs maisons incendiées, leurs récoltes détruites et leurs animaux volés. Elles sont parties sans rien emporter. À la question « De quoi avez-vous le plus besoin ? », la réponse terrible revenait constamment : « De nourriture. Nous avons faim. »
Appel à une mobilisation urgente
Nous ne pouvons plus ignorer la réalité de ce conflit. Les faits sont clairs et les récits poignants. Ce qui manque, c’est une action accrue :
- un accès humanitaire soutenu et sans entrave pour atteindre les plus vulnérables,
- un financement adéquat pour fournir une aide vitale,
- et surtout un engagement politique fort pour mettre fin à la guerre.