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Depuis plus de sept semaines, les résidents d’un immeuble de Lachine se trouvent dans une situation désastreuse, vivant sans chauffage ni eau chaude. Ce cauchemar quotidien s’ajoute aux problèmes d’insalubrité qu’ils subissent depuis plus d’un an, sans même pouvoir contacter leur propriétaire.
Conditions de vie insupportables
Devant cet immeuble de 47 logements situé rue Ivan-Franko, près de la rue Saint-Antoine, un matelas traîne sur le sol depuis des semaines, rapportent les résidents. À l’intérieur, l’ascenseur est hors service depuis plus d’un an, aggravant leur calvaire.
Lors de la visite de *La Presse*, l’odeur de renfermé était insupportable. L’entrée était encombrée de vieux feuillets publicitaires, tandis que les étages étaient parsemés d’objets dont les locataires ignoraient la provenance, comme des poêles, des réfrigérateurs, voire des pneus. Des fuites d’eau étaient également visibles au plafond.
Les locataires ont pris l’insalubrité pour acquise. Vera Nikolajew, une résidante, déclare : « Notre propriétaire nous a abandonnés. On a l’impression qu’on n’a plus accès à ce qui devrait être des droits humains fondamentaux. C’est ridicule, c’est insupportable. »
Des moyens de survie précaire
Dans son appartement, Mme Nikolajew garde ses quatre poêles allumés au maximum, espérant créer un peu de chaleur. Elle doit constamment faire bouillir de l’eau pour la vaisselle et les bains. Avec l’arrivée de températures sous les -15°C, elle s’inquiète de la situation.
« Je n’en peux plus. Il faut que ce soit réglé rapidement, surtout avec les grands froids qui s’en viennent. Tout ce qu’on veut, c’est prendre une douche, comme tous les humains devraient avoir le droit de le faire », ajoute-t-elle.
Elle aimerait quitter son logement, mais avec un loyer de 545 € par mois, elle craint de ne pas trouver d’autre appartement. Sa voisine, Adeyinka Fajemisin, a également été touchée par la situation, tombant malade après avoir eu très froid. Sa facture d’électricité a doublé à cause de l’utilisation de quatre chauffages portatifs.
« Avant d’arriver ici, je n’aurais jamais cru cela possible, témoigne l’immigrante du Nigeria. De laisser les gens dans une situation aussi inhumaine dans un pays industrialisé comme le Canada, c’est inimaginable », déclare-t-elle.
Une absence de réponse de la part du propriétaire
Le manque de chauffage est dû au fait que leur propriétaire, Thi Lan Nguyen, a arrêté de payer ses factures. En septembre, les résidents ont reçu une lettre d’un huissier leur demandant de payer 25 % de leur loyer à Énergir, devenant ainsi débiteurs de leur propriétaire, endetté de près de 14 000 €.
Les locataires n’ont cessé de tenter de contacter leur propriétaire, mais sans succès. « On a beau l’appeler, lui envoyer des courriels, il ne nous répond pas », indique Oluwakemi Olatunbosun, une autre résidante. Jean-Philippe Ladouceur, qui habite l’immeuble depuis deux ans, n’a jamais pu joindre le propriétaire et raconte les difficultés rencontrées, dont la coupure d’électricité car Hydro pensait que l’immeuble était inoccupé.
Des mesures prises par l’arrondissement
Mi-décembre, des résidents ont alerté l’arrondissement de Lachine. Un inspecteur a été dépêché, mais son rapport n’a pas été analysé, la mairesse Maja Vodanovic expliquant que tout est paralysé pendant les fêtes.
Ce n’est pas la première fois que l’arrondissement remarque le laisser-aller du propriétaire. En été 2023, le terrain était jonché de déchets, et le conteneur était troué, sans que la collecte ait été effectuée depuis des mois.
L’arrondissement a pris en charge les coûts d’un nouveau conteneur, en envoyant la note au propriétaire. « On n’a jamais réussi à lui parler, et les huissiers non plus », déplore la mairesse Vodanovic. « Mais cette fois, ce qui arrive, c’est beaucoup plus grave », souligne-t-elle.
Une fois le rapport reçu, son administration tentera d’obtenir une injonction du tribunal pour effectuer les réparations nécessaires. « Une chose est certaine, on ne peut pas laisser des citoyens vivre dans cette situation-là », conclut-elle.
Rappels juridiques
Depuis 2013, 174 dossiers ont été ouverts au Tribunal administratif du logement (TAL) concernant l’immeuble de Thi Lan Nguyen. Selon le TAL, les propriétaires sont légalement tenus d’assurer à leurs locataires une température ambiante adéquate, généralement autour de 21 °C, variant selon les municipalités. En cas d’incapacité à fournir cette température, des solutions de chauffage d’appoint doivent être mises à disposition, et si le problème persiste, le propriétaire doit reloger ses locataires.