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Le sommet d’Anchorage a illustré un « faux réalisme » politique : Donald Trump a abandonné l’exigence d’un cessez‑le‑feu préalable aux négociations, reprenant en large partie le narratif du Kremlin et provoquant une réaction coordonnée de dirigeants européens et ukrainiens.
Au sommet d’Anchorage, le « faux réalisme » de Donald Trump
Lors du sommet d’Anchorage, le président américain a opéré une volte‑face notable en renonçant à exiger un cessez‑le‑feu comme condition préalable à toute négociation. Cette position, qui reprend des arguments martelés par Moscou, a surpris et inquiété les partenaires occidentaux les plus engagés dans le soutien à l’Ukraine.
Les chefs d’État et de gouvernement européens les plus mobilisés — notamment Emmanuel Macron, le chancelier allemand Friedrich Merz, ainsi que les Premiers ministres britannique et italien, le président finlandais, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte — ont accompagné Volodymyr Zelensky à Washington pour ne pas le laisser seul face à Donald Trump. L’objectif affiché était de réaffirmer les « intérêts vitaux de l’Ukraine et la sécurité européenne » et de contrer une posture américaine jugée trop complaisante envers le narratif russe.
La rencontre d’Anchorage, qui s’est déroulée sous un protocole proche d’une visite d’État — tapis rouge, poignée de main et honneurs —, a relégitimé Vladimir Poutine comme interlocuteur international. Pour beaucoup, cette mise en scène a constitué un échec moral : Poutine reste, selon les intervenants cités, le principal responsable de ce conflit, accusé de violer la charte des Nations unies et divers traités internationaux.
La diplomatie russe et le piège des négociations : tactiques et enjeux
Sur le fond, la diplomatie russe a souvent utilisé la stratégie du leurre : ouvrir des négociations tout en poursuivant et parfois en intensifiant les opérations militaires. L’exemple historique de la guerre de Corée, cité dans le texte d’origine, illustre des négociations prolongées durablement pendant lesquelles les combats continuaient.
À Anchorage, Donald Trump a annoncé vouloir prendre en compte « les causes profondes du conflit » et a évoqué des concessions que Kiev devrait consentir, notamment sur des territoires occupés. Ce positionnement inquiète les alliés : des négociations longues et dilatoires pourraient laisser la Russie libre d’agir sur le terrain, alors que l’armée russe continue d’avancer, notamment dans le Donbass, même si ces gains restent limités.
Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’Otan et représentant à Bruxelles du think tank ECFR, met en garde : « Il faut éviter que la Russie obtienne à la table des négociations ce qu’elle n’a pas réussi à obtenir sur le terrain ». La reconnaissance, de jure, des lignes de front actuelles ou de territoires annexés serait, selon cet argument, un précédent dangereux.
Fiasco moral et défauts de préparation de la délégation américaine
Le sommet est aussi perçu comme un double fiasco : moral, parce que la mise en scène a semblé conférer une légitimité internationale à un dirigeant sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre ; diplomatique, parce que la rencontre s’est conclue sans résultats annoncés et par une conférence de presse d’environ dix minutes sans questions.
L’équipe américaine sur place a été critiquée pour son manque d’expertise sur la Russie et l’absence du chef du Pentagone. Aux côtés de M. Trump figuraient, selon le compte rendu, le secrétaire d’État Marco Rubio et Steve Witkoff, décrit comme émissaire pour la Russie et proche personnel du président. Face à eux, la délégation russe bénéficiait d’un encadrement expérimenté : un Poutine au pouvoir depuis vingt‑cinq ans et un ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en poste depuis deux décennies.
« Exigez le maximum et n’ayez pas honte d’exagérer vos demandes ; n’épargnez pas les menaces puis proposez des négociations : il y aura toujours en Occident des gens pour mordre à l’hameçon », écrivait Andreï Gromyko, cité par la revue Grand Continent.
Cette méthode, issue d’un long apprentissage diplomatique russe et soviétique, a été mise en avant pour expliquer pourquoi accepter d’entrer immédiatement dans des négociations globales pourrait se révéler périlleux pour l’Ukraine et pour la sécurité européenne.
Risques pour l’Ukraine et garanties de sécurité
Les dirigeants de la « coalition des volontaires », regroupant une trentaine de pays, avaient auparavant tenté d’harmoniser leurs positions en visioconférence, soulignant le caractère sensible d’un éventuel échange territorial. Une cession de territoires serait perçue comme une récompense de l’agression, alimentant potentiellement de nouvelles ambitions expansionnistes.
Outre la question territoriale — notamment la reconnaissance de la Crimée et de quatre oblasts de l’est ukrainien revendiqués par Moscou —, la nature des garanties de sécurité à offrir à l’Ukraine est jugée cruciale. Trop d’accords passés avec Moscou ont été, selon le texte d’origine, bafoués ; les Ukrainiens refusent une pause qui servirait à la Russie pour se réarmer et préparer une prochaine offensive.
« Si nous sommes faibles avec la Russie – a rappelé à raison Emmanuel Macron – nous préparons les conflits de demain qui peuvent nous toucher ».
Le débat soulevé par Anchorage porte donc autant sur les modalités d’une sortie de guerre que sur la conception d’une architecture de sécurité européenne qui ne fasse pas primer le renoncement sur la dissuasion et la protection des États souverains.