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Le nouveau colonialisme occidental : contrôle culturel et géopolitique

by Sara
Le nouveau colonialisme occidental : contrôle culturel et géopolitique
États-Unis, Europe, Chine, Russie, pays arabes

De la puissance militaire à la puissance douce : une évolution historique

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la force militaire matérielle demeurait l’unique critère déterminant la capacité des peuples et des nations à repousser l’agression, à défendre leurs intérêts stratégiques et à trancher les conflits et guerres.

Cependant, l’ensemble du monde a pris conscience du coût élevé de la guerre comparé à la paix, de la force face à la souplesse, de la gestion des conflits par la diplomatie plutôt que par l’escalade militaire. Ce constat s’est particulièrement renforcé sous l’équilibre de la terreur qui a caractérisé la confrontation entre les deux blocs : socialiste et capitaliste, incarnée par l’affrontement post-Seconde Guerre mondiale entre l’Union soviétique et les États-Unis.

Nombre de penseurs et stratèges ont compris que transformer ce conflit en guerre ouverte aurait été dévastateur pour le monde entier.

L’impact mondial de la bombe nucléaire et la transition vers la guerre froide

L’utilisation des bombes nucléaires à Hiroshima et Nagasaki a eu une portée dépassant le Japon pour toucher l’ensemble du globe. Ce traumatisme a incité les nations à envisager l’après-guerre, marquant la transition d’une guerre chaude à une guerre froide.

Cette guerre froide a dépassé le cadre bilatéral entre l’Union soviétique et les États-Unis pour englober leurs alliés respectifs, créant deux blocs opposés dans une confrontation idéologique et stratégique.

Les racines anciennes de la puissance douce à travers les civilisations

Bien que la guerre froide ait marqué la première application concrète du concept de « puissance douce », l’histoire des peuples témoigne que cette forme d’influence existe depuis les origines de l’humanité, notamment à travers les religions et les mythes.

Les religions, leurs prophètes et figures spirituelles ont incarné cette puissance douce, fondée sur le dialogue, la communication et la persuasion, en s’adressant à la fois à la raison et aux émotions.

Contrairement à la violence qui ne génère que violence, le discours, lorsqu’il allie raison et cœur, est source de paix.

La guerre froide : conflits périphériques et guerre d’influence

Cette période a été marquée par des tensions accrues et une course aux armements entre les deux superpuissances. Toutefois, la force matérielle fut déployée essentiellement dans des zones périphériques, comme en Afghanistan ou à Cuba, ou par le biais d’opérations secrètes d’espionnage visant à déstabiliser l’adversaire sans confrontation directe.

Ces actions clandestines s’accompagnaient d’une intense propagande et d’une bataille pour l’opinion publique, utilisant les médias, la télévision, le cinéma, ainsi que diverses formes culturelles et artistiques.

Les affrontements idéologiques devinrent alors une source d’énergie pour les thèses défendues par chaque camp.

Le rôle décisif des médias et de la culture dans la chute de l’Union soviétique

La propagande et les médias occidentaux ont largement contribué à des événements majeurs tels que la perestroïka avec Mikhaïl Gorbatchev, la reconstruction soviétique, et finalement la chute du mur de Berlin en 1989.

Cette année marque un tournant où les États-Unis s’imposèrent comme la puissance dominante, et où les années 1990 devinrent l’ère de la puissance douce par excellence.

L’émergence des industries culturelles comme instruments de domination

À la fin du XXe siècle, les débats autour des concepts opérationnels annoncent l’avènement de l’ère de la puissance douce, où les industries culturelles jouent un rôle central :

  • Apaisement des conflits et des guerres
  • Orientation des esprits, des goûts et des aspirations
  • Promotion triomphante du capitalisme, du libéralisme et de la culture de consommation
  • Légitimation de la suprématie occidentale dans les valeurs de progrès, de bien-être et de bonheur

Le capitalisme est présenté comme le sommet de l’évolution humaine, ne laissant aux autres peuples qu’une seule option : leur adhésion volontaire.

Les théories de la fin de l’histoire et la déconstruction des civilisations

Ce contexte a vu apparaître des concepts tels que la fin de l’histoire, le choc des civilisations, et la postmodernité, où la mission occidentale consiste à déconstruire les systèmes culturels des autres civilisations pour les remodeler selon une norme occidentale.

En 1993, Francis Fukuyama publie « La Fin de l’histoire », affirmant la suprématie de la démocratie libérale comme aboutissement du développement humain, surpassant toutes les autres idéologies et modèles politiques.

Selon lui, la libéralisation économique et politique incarne liberté, égalité, justice sociale et individualisme, constituant l’ultime stade de l’évolution humaine.

Critiques et alternatives face au projet occidental

Ce projet a suscité une réaction de plusieurs penseurs du Sud, de l’Est et même de l’Ouest, dénonçant la vision réductrice et impérialiste de Fukuyama.

En réponse, Samuel Huntington publie en 1993 « Le Choc des civilisations », contestant la notion de fin de l’histoire et prédisant que les futurs conflits seront culturels, opposant notamment l’Occident à d’autres civilisations majeures.

Il identifie dans ces confrontations supposées un antagonisme fondamental entre les valeurs occidentales et celles d’autres cultures, notamment islamiques, qu’il présente comme des ennemis potentiels.

La construction de l’ennemi islamique et ses conséquences géopolitiques

Alors que la Chine émerge comme principal rival économique des États-Unis, Huntington désigne l’islam comme ennemi fictif, légitimant ainsi une politique américaine agressive après les attentats du 11 septembre 2001.

Le slogan « Vous êtes soit avec nous, soit avec les terroristes » a servi à justifier les guerres en Irak et en Afghanistan, assimilant à tort le terrorisme à l’islam malgré les principes pacifiques de cette religion.

Cette stratégie a donné naissance à une islamophobie croissante en Occident, soutenue par des mouvements d’extrême droite, notamment en Europe.

La puissance douce comme nouvel instrument de domination

Suite aux coûts humains et matériels des guerres en Irak et en Afghanistan, les puissances occidentales ont privilégié une forme de domination plus subtile :

  • Utilisation des industries culturelles (médias, livres, cinéma, arts)
  • Modification des mentalités et orientations à travers la promotion de la culture occidentale
  • Transmission de l’idée que la culture occidentale est la voie vers le progrès, la démocratie et la justice

Cela traduit une transformation où la puissance douce remplace souvent la force militaire, devenant un outil d’asservissement culturel et intellectuel.

Puissance douce et hégémonie culturelle : un paradoxe

Si la puissance douce est censée promouvoir le dialogue, la culture et l’échange, elle est en réalité souvent synonyme d’imposition, de dépendance et de contrôle, selon des penseurs comme Austin Rapp et Carl Friedrich.

Joseph Nye, inventeur du concept, la définit comme la capacité d’influencer et de modifier l’opinion publique par des moyens subtils, souvent indirects et non transparents.

La diplomatie et la société civile deviennent ainsi des terrains privilégiés d’une guerre silencieuse aux résultats sans précédent, où la force morale et culturelle supplante parfois la force matérielle.

L’hégémonie culturelle : origines et impacts

Antonio Gramsci fut l’un des premiers à conceptualiser l’hégémonie culturelle, décrivant comment les élites capitalistes contrôlent les esprits via des institutions telles que l’école, l’église et les médias.

Cela crée une vision favorable à la classe dominante, garantissant la conformité sociale et la perpétuation du système capitaliste.

La nécessité d’une riposte culturelle dans le monde arabe et islamique

Face à cette domination symbolique, il est crucial pour le monde arabe et islamique de développer des stratégies culturelles efficaces :

  • Soutenir les industries culturelles locales
  • Renforcer la traduction et la diffusion des œuvres culturelles
  • Promouvoir les valeurs universelles portées par la civilisation arabe et islamique
  • Lutter contre la stigmatisation et la diabolisation de l’islam dans les productions occidentales

L’objectif est d’éveiller le public occidental aux dangers des idéologies conservatrices et des extrémismes, tout en dénonçant les dérives postmodernes néolibérales qui fabriquent des ennemis imaginaires.

Un appel à la critique du centre occidental et à la renaissance culturelle

Alors que la modernité occidentale décline et que le discours postmoderne s’affaiblit, une analyse rigoureuse des fondements de la centralité occidentale est plus que jamais nécessaire, notamment en s’appuyant sur une puissance douce éthique.

De nombreux philosophes occidentaux partagent aujourd’hui cette exigence. La culture arabo-islamique, riche de référents spirituels et moraux, est capable de réformer la modernité pour aboutir à une humanité qui transcende les nationalités, races, États et religions.

Un conflit idéologique entre consommation et humanité

Le véritable affrontement ne se situe pas entre civilisations – qu’elles soient arabe, islamique, chinoise ou indienne – mais entre :

  • Les valeurs de consommation, de marchandisation et d’aliénation qui réduisent l’homme à une simple matière
  • Les valeurs de liberté, dignité, justice et égalité qui élèvent l’être humain au-delà de sa dimension matérielle

Dans ce combat, l’unité de l’humanité est essentielle pour vaincre l’exploitation, le monopole et l’asservissement.

source:https://www.aljazeera.net/opinions/2025/5/3/%d9%87%d9%84-%d8%aa%d8%b9%d8%b1%d9%81-%d8%a7%d9%84%d8%a3%d9%85%d9%85-%d8%b4%d9%83%d9%84-%d8%a7%d9%84%d8%a7%d8%b3%d8%aa%d8%b9%d9%85%d8%a7%d8%b1-%d8%a7%d9%84%d8%ac%d8%af%d9%8a%d8%af

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