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À Cologny, un tour guidé consacré aux fortunes controversées a été annulé par la commune, mais a tout de même été présenté à un groupe restreint de journalistes.
En bref
- Le projet «La colline aux pirates» a été stoppé par la commune de Cologny.
- Les organisateurs ont offert une présentation de leur visite «interdite» aux journalistes.
- Un débat sur la liberté d’expression est prévu dans le cadre du FIFDH.
Un panorama révélateur
Depuis le pré Byron, la vue sur la rade de Genève est spectaculaire. Le journaliste indépendant Antoine Harari résume la situation : «D’ici, on aperçoit deux Genève: celle des organisations internationales sur la rive d’en face, et autour de nous, le Cologny des oligarques.» Une Ferrari jaune vrombit sur le chemin de Ruth, résonnant avec ses mots.
La performance bloquée
Le projet «La colline aux pirates» devait offrir une performance sur les affaires de criminalité économique touchant certains habitants influents de la commune. Prévue sur deux week-ends en mars, cette initiative était dirigée par l’acteur genevois Sarkis Ohanessian. Ce projet, élaboré avec son collègue Gabriel Tejedor, faisait partie du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH). Toutefois, les autorités de Cologny ont bloqué l’événement, invoquant des préoccupations concernant l’ordre public et un vocabulaire jugé inapproprié.
«Montrer la concentration de cas»
Les organisateurs contestent cette interprétation. Antoine Harari explique : «Il ne s’agissait pas de faire un amalgame, mais de montrer la concentration inhabituelle de ces affaires sur un périmètre restreint.» Le tour se limitait ainsi à deux rues.
En l’absence de leur événement, les organisateurs ont convié des journalistes à un aperçu du tour, réduit à trois arrêts au lieu des dix initialement prévus.
Des ouvriers sous-payés
Le premier arrêt est devant un majestueux manoir surplombant le Léman, propriété des Émirats arabes unis et bénéficiant du statut diplomatique. Lors de sa construction en 2021, le syndicat Unia avait dénoncé les conditions de travail précaires de certains ouvriers, souvent sous-payés. «En réalité, c’est la résidence de l’épouse de l’émir», précise Antoine Harari.
Le guide Sarkis Ohanessian évoque également le rôle d’Alp Services, une société de renseignement genevoise impliquée dans des campagnes de dénigrement pour le compte des Émirats arabes unis. Les organisateurs souhaitaient également mettre en lumière les services offerts aux fortunes étrangères en Suisse : «Ils viennent ici, attirés par les services d’avocats, fiduciaires, etc.»
Fisc VS Drahi
Le deuxième arrêt se trouve à proximité du siège du WEF, sur les traces de Patrick Drahi, qui possédait cinq propriétés à Cologny. «Drahi coche toutes les cases», souligne Antoine Harari, rappelant qu’il a acquis plusieurs passeports et possède des sociétés dans divers paradis fiscaux. Le fisc genevois lui réclame plusieurs milliards.
Harari mentionne également que Drahi a entreposé une partie de sa collection d’art dans les ports francs de Genève, un service clé de la région. Dans la version originale du tour, une séquence ironique prévoyait un crowdfunding fictif pour «aider» Drahi à régler ses dettes.
«C’est tellement mondialisé ici qu’on ne sait pas si les différents propriétaires sont présents ou non», ajoute Harari. Il raconte qu’un hélicoptère de Drahi se posait dans un champ à Jussy lors de ses trajets entre Genève et Zermatt.
Un débat faute de mieux
À la fin du parcours, les organisateurs dévoilent une affiche faisant référence à la décision municipale : un logo «Interdit par la commune de Cologny» a été ajoutée en dernière minute.
En attendant la décision de justice concernant le recours déposé, le FIFDH a prévu un débat sur la liberté d’expression et le droit de la personnalité. Le maire de Cologny, Pascal Hornung, ne participera pas. «Il nous a simplement dit qu’il se tiendrait informé de ce qui s’y dit», rapporte un organisateur.
Antoine Harari insiste : «Nous voulons un vrai échange, avec un contradicteur. Mais il est difficile de trouver quelqu’un prêt à défendre la position de la protection de la personnalité.»