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Les frères Barberousse — Aruj, Ishaq, Ilyas et surtout Khayr ad‑Dîn — ont joué un rôle déterminant au XVIe siècle dans la défense des musulmans d’Algérie, de Tunisie et des réfugiés d’Andalousie. Leur ascension maritime a coïncidé avec la domination espagnole et portugaise sur de nombreuses villes nord‑africaines et les persécutions contre les Morisques en Espagne. À partir de bases stratégiques en Méditerranée occidentale, ils sont devenus une force redoutée qui a façonné l’équilibre régional et préparé le terrain à l’implantation ottomane en Afrique du Nord.
Jeunesse et premiers pas en mer
Khayr ad‑Dîn est né vers 1478 sur l’île de Mytilène (Médélie) et a grandi au sein d’une famille de marins. Son père était chevalier au service de l’Empire ottoman et Khayr ad‑Dîn navigua jeune aux côtés d’Aruj, son frère. Leur goût pour la mer se manifesta tôt ; Mytilène, dans la mer Égée, fut le point de départ de leurs activités maritimes et commerciales.
Les débuts furent marqués par des épreuves : Ilyas trouva la mort lors d’un affrontement avec les chevaliers de Rhodes, tandis qu’Aruj fut capturé puis s’évada pour reprendre ses actions depuis Alexandrie. Ces expériences consolidèrent leur choix de carrière et leur orientation vers la lutte contre les puissances chrétiennes en Méditerranée.
Cap sur Tunis : établissement d’une base stratégique
En quête d’un appui et d’un port sûr, Aruj et Khayr ad‑Dîn se rendirent à Tunis où ils obtinrent du sultan hafside l’autorisation d’utiliser le port du Halq al‑Wadi en échange d’une part du butin. Ce point d’appui leur permit d’étendre rapidement leurs opérations contre les navires et côtes espagnoles et italiennes.
Durant l’hiver 1513‑1514, ils hivernèrent à Halq al‑Wadi, puis lancèrent au printemps des raids maritimes en Sardaigne et ailleurs, capturant prisonniers, blé et matériel. Ces succès augmentèrent leur prestige et firent d’eux une force montante dans le bassin occidental de la Méditerranée.
- Raid en Sardaigne : capture d’un navire avec 150 captifs.
- Prises de navires chargés de vivres et de matériaux.
- Renforcement de la réputation d’Aruj auprès des milieux européens.
Actions et expansion en Algérie
Face aux pressions hafsides et à l’hostilité espagnole, les frères déplacèrent leurs efforts vers la côte algérienne. Ils investirent Jijel après une coordination avec les tribus locales, faisant de la ville une première base indépendante en Algérie.
Un appel à l’aide venu de Béjaïa poussa Aruj et Khayr ad‑Dîn à mener une grande expédition maritime. Avec une flotte importante et des milliers d’hommes, ils affrontèrent l’armée espagnole et suscitèrent l’adhésion de tribus voisines, posant les jalons d’une influence accrue dans la région.
- Première prise de Jijel : base autonome en Algérie.
- Siège et assauts contre Béjaïa : épisodes de 1515 marqués par des combats intenses.
- Entrée d’Aruj à Alger : proclamation comme gouverneur, fondement d’une autorité locale.
  
La mort d’Aruj et la responsabilité de Khayr ad‑Dîn
Aruj fut tué en 1518, laissant Khayr ad‑Dîn seul aux commandes d’un mouvement en pleine expansion. Plutôt que de céder au découragement, il entreprit de consolider ses gains : modernisation des navires, réparation de la flotte et préparation d’une riposte aux menaces européennes.
Les tensions culminèrent lorsque Charles Quint envoya une flotte imposante pour châtier Alger. Anticipant l’attaque, Khayr ad‑Dîn mit en place une stratégie combinée mer‑terre qui infligea une défaite écrasante aux assaillants, avec de lourdes pertes espagnoles et de nombreux prisonniers rendus.
Reconnaissance ottomane et ascension comme amiral
Les succès en Afrique du Nord attirèrent l’attention de Constantinople. Le sultan Soliman le Magnifique, soucieux de contrer Andrea Doria et l’expansion espagnole, fit appel à Khayr ad‑Dîn et lui confia la direction de la flotte ottomane en 1533. Ce choix marqua un tournant stratégique pour l’Empire ottoman en Méditerranée.
Instauré à la tête de la marine, Khayr ad‑Dîn mena des opérations contre les côtes italiennes et s’empara de Tunis au nom de l’Empire ottoman, provoquant de nouvelles réactions européennes et des contre‑attaques visant à reprendre le contrôle de la région.
Campagnes en Italie et alliance franco‑ottomane
Pour affaiblir l’Espagne en Méditerranée, Soliman forma une alliance tactique avec la France. En 1543, Khayr ad‑Dîn partit d’Istanbul avec une flotte de plus de 150 vaisseaux et quelque trente mille hommes, opérant en Sicile, puis sur les côtes françaises et italiennes.
Les Ottomans, associés aux Français, prirent part à des sièges et raids : Messine et Reggio furent occupées, Marseille reçut la flotte ottomane en 1543, et les opérations conjointes aboutirent à la prise de villes comme Nice après siège. Ces campagnes eurent des conséquences politiques et militaires durables en Méditerranée occidentale.
- 1543 : départ d’Istanbul avec une flotte massive et soutien français.
- Opérations en Méditerranée occidentale : prise et destructions d’ouvrages militaires sans victimes civiles massives rapportées.
- Campagnes de 1544 : pressions sur Gênes, Corse, Sardaigne et golfe de Naples.
  
Dernières années, retraite et héritage
Après des décennies d’actions maritimes et de campagnes, Khayr ad‑Dîn prit sa retraite en 1545, installé dans une résidence au bord du Bosphore. À la demande du sultan, il dicta ses mémoires, manuscrits conservés aujourd’hui au musée de Topkapi et à l’université d’Istanbul.
Il mourut le 4 juillet 1546 et fut inhumé dans un mausolée édifié par l’architecte Sinan à Beşiktaş. Son héritage reste celui d’un stratège maritime qui a transformé la flotte ottomane en une puissance déterminante en Méditerranée et protégé les communautés musulmanes face à la pression ibérico‑européenne.
- Mémoires en cinq volumes : source précieuse pour l’histoire maritime ottomane.
- Rôle central dans l’intégration de l’Algérie et de la Tunisie à l’influence ottomane.
- Figure inspiratrice dans la littérature et les arts historiques.
  
 
			         
			        

